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Main d’œuvre carboneutre et rôle de la formation professionnelle dans la transition climatique du Canada

La main-d’œuvre canadienne actuelle n’est pas prête pour la croissance prévue dans une économie carboneutre.

En mettant à exécution son tout premier Plan de réduction des émissions, le Canada accélère le pas pour atteindre ses objectifs climatiques. Mais notre main-d’œuvre est-elle adéquate pour amorcer une transition vers la sobriété en carbone?

Pour transformer son économie et réussir sa transition, le Canada aura besoin d’une abondance de main-d’œuvre hautement qualifiée dans divers secteurs. Cette croissance de l’emploi peut et doit compenser les pertes attendues dans les secteurs vulnérables à la transition.

La formation professionnelle et l’acquisition de compétences nécessaires à la création d’une main-d’œuvre capable de soutenir la carboneutralité contribueront à jeter les bases de nouvelles sources de croissance économique – à condition de nous y mettre dès maintenant.

Les lacunes du marché du travail canadien

Au Canada, le marché du travail présente deux défis distincts dans la poursuite de la carboneutralité.

Dans un premier temps, la main-d’œuvre canadienne actuelle n’est pas prête pour la croissance prévue dans une économie carboneutre. On estime que d’ici 2025, le Canada sera incapable de combler 27 000 emplois nécessaires à la carboneutralité. Il faudra pourvoir jusqu’à 400 000 emplois hautement qualifiés pour atteindre un bilan de zéro émission nette d’ici 2050. Or, cette croissance économique dépend de la disponibilité d’une main-d’œuvre compétente.

Les entreprises vertes ont déjà du mal à recruter du personnel qualifié. Dans une récente publication de l’Institut climatique visant à évaluer les risques et les possibilités que présente la transition vers la carboneutralité à l’échelle provinciale, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est considérée comme un obstacle à la croissance propre dans toutes les provinces.

Ce premier défi est exacerbé par le fait qu’une grande partie des compétences requises dans les secteurs porteurs de la transition évoluent rapidement à mesure que de nouveaux procédés et technologies émergent, ce qui demande aux travailleurs de ces filières canadiennes de faire preuve de vivacité d’esprit et d’acquérir constamment de nouvelles connaissances.

Dans un deuxième temps, les emplois des secteurs vulnérables à la transition sont précarisés par l’accélération de la transition mondiale vers des économies sobres en carbone. Selon le rapport de l’Institut climatique Ça passe ou ça casse : transformer l’économie pour un avenir carboneutre, environ 70 % des exportations du Canada sont vulnérables à la transition vers la sobriété en carbone. Des centaines de milliers de Canadiens travaillant dans ces secteurs, dont un nombre disproportionné d’Autochtones et de membres de certaines minorités, risquent de perdre leur emploi si leur employeur ne s’adapte pas aux nouvelles réalités du marché. Les collectivités qui dépendent de ces employeurs seront les plus touchées.

Toutefois, presque tous les travailleurs concernés peuvent emprunter le chemin d’un emploi plus vert nécessitant seulement un an de formation; les programmes de formation professionnelle peuvent donc contribuer à résoudre les deux problèmes à la fois.

Financer la formation plus intelligemment

De nombreux travailleurs auront besoin de formation dans le cadre de leur cheminement vers une économie carboneutre. Bien que sa population soit très scolarisée, le Canada accuse un certain retard par rapport aux autres pays dans le financement et la mise en œuvre de formations professionnelles et peine à ouvrir des avenues aux gens qui en ont le plus besoin.

Ainsi, l’Allocation canadienne pour la formation, principal dispositif d’appui à la formation du pays, accorde jusqu’à 5 000 $ aux travailleurs pour les aider à accéder à la formation dont ils ont besoin pour conserver leur emploi actuel ou se préparer à un nouvel emploi. Bien qu’on prévoie que la mesure atteindra 600 000 personnes, il serait possible de la rendre plus inclusive et efficace.

Pour y arriver, on pourrait lier l’Allocation canadienne pour la formation au développement professionnel afin d’en faire une initiative de formation plus englobante. Y ajouter une composante d’orientation permettrait d’inscrire la formation dans un cheminement délibéré, stratégique et efficace vers des emplois en forte demande dans une économie carboneutre. Une telle initiative pourrait cibler davantage les secteurs à risque, comme c’est le cas de l’approche empruntée par l’Australie.

Obstacles à la mise en œuvre

Les gouvernements doivent aussi reconnaître que la main-d’œuvre n’est pas parfaitement mobile, c’est-à-dire que les travailleurs d’une région donnée ne sont pas nécessairement en mesure de combler un manque ailleurs, même si on leur fournit du perfectionnement, puisqu’ils ne souhaitent pas nécessairement déménager loin de leur communauté.

La concentration des emplois à risque dans certaines régions implique que pour être complètes, les solutions aux problèmes de déplacement doivent être profondément ancrées dans les économies locales. L’orientation professionnelle devrait refléter les possibilités du marché du travail local et régional, ainsi que des régions voisines.

La planification régionale a un rôle important à jouer pour que les leviers de politiques portent sur l’ensemble des possibilités de croissance futures, mais aussi qu’ils tirent parti des forces et des atouts des collectivités. Les principales parties prenantes, dont les gouvernements, les entreprises, les syndicats, les établissements d’enseignement postsecondaire et de formation professionnelle, les organismes de développement économique locaux et les tables rondes du milieu des affaires, sont toutes indispensables à la création de solutions locales adaptées.

Proactif plutôt que réactif

C’est maintenant qu’il faut commencer à bâtir la main-d’œuvre de demain. 

Attendre que les risques de la transition deviennent réalité ne ferait que réduire considérablement la marge de manœuvre des entreprises et des travailleurs canadiens.

Des solutions réactives comme des prestations de raccordement et de remplacement du revenu peuvent aider les travailleurs immédiatement touchés par la transition vers une économie sobre en carbone. Ces mesures ont d’ailleurs joué un rôle important dans la transition du Canada dans le charbon et la foresterie. Mais les solutions réactives ne font pas le poids face à l’ampleur du défi.

Par rapport à la transition du Canada dans le charbon, qui a touché environ 3 000 travailleurs, le nombre de Canadiens qui travaillent dans l’ensemble des secteurs vulnérables à la transition est d’un ordre considérablement plus élevé : 800 000 travailleurs au pays. La taille du défi exige qu’on décuple les efforts.

Le Canada aurait des leçons à tirer de la sortie du charbon de l’Allemagne et devrait adopter une approche préventive. Investir proactivement dans la formation des nouveaux travailleurs et dans le perfectionnement ou le recyclage des travailleurs qui risquent de perdre leur emploi, voilà qui peut – et qui doit – faire partie de la préparation de cette nouvelle main-d’œuvre.

Une question de temps

L’approche réactive à petite échelle qui a caractérisé l’abandon progressif du charbon au Canada n’est plus suffisante.

Un effort concerté des gouvernements pour investir dans les secteurs qui alimenteront la croissance du Canada dans un monde carboneutre et la formation professionnelle nécessaire à pourvoir les emplois qui en découleront sera essentiel à la prospérité du Canada.

Plus tôt le Canada reconnaîtra l’ampleur du défi, plus il lui sera facile de se donner la main-d’œuvre nécessaire à la carboneutralité et de tirer son épingle du jeu dans une économie carboneutre.

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