Publié initialement dans Canada’s National Observer.
Le gouvernement de l’Ontario a dans ses cartons un programme pour permettre aux entreprises d’acheter de l’énergie auprès de nouveaux producteurs d’électricité propre. S’il est bien conçu, le programme pourra tabler sur les assises solides de programmes semblables qui ont vu le jour dans des dizaines d’États et de provinces. C’est sans compter qu’un tel programme – encore une fois, à condition d’être bien conçu – offre la perspective alléchante de faire naître d’intéressantes possibilités d’autodétermination menée par les Autochtones.
S’inspirer des réussites d’ailleurs
Le nouvel engouement pour l’énergie renouvelable des entreprises est un facteur de l’essor de l’électricité propre en Amérique du Nord. Qu’est-ce qui suscite ce soudain appétit pour le renouvelable dans le secteur privé? Deux facteurs : la chute vertigineuse des prix de l’éolien et du solaire, qui génère des économies substantielles par rapport à l’électricité ordinaire produite par le réseau, et l’importance grandissante accordée par la finance mondiale à la performance environnementale, sociale, de gouvernance (ESG). Dans les dernières années, la main invisible de l’efficacité et des marchés financiers nous guide de plus en plus vers l’éolien, le solaire et le stockage de batterie pour mener l’expansion de la production énergétique.
La demande du secteur privé pour le renouvelable a fait de l’Alberta et du Texas – avec leurs marchés de l’électricité libéralisés ouverts à l’achat d’énergie renouvelable auprès d’entreprises privées – les chefs de file nationaux de la croissance de l’éolien et du solaire. Les deux territoires en ont bénéficié de trois grandes façons : faible coût de l’approvisionnement énergétique pour les consommateurs; développement économique en milieu rural (emplois, paiement de location de terrain, recettes fiscales municipales); et compétitivité accrue des entreprises.
Les États et provinces intéressés, comme l’Ontario, ont pris des notes. Poussés par leurs entreprises désireuses de se procurer de l’énergie renouvelable, ils ont présenté des programmes habilitants (qui, aux États-Unis, sont regroupés sous le nom de Green Tariffs) pour répondre à cette demande.
La promesse (et le risque) des accords d’achat d’énergie conclus avec des entreprises
En novembre, le ministère de l’Énergie de l’Ontario a entrepris une consultation concernant une modification qui permettait aux clients commerciaux et industriels de conclure des accords d’achat d’électricité avec des installations de production d’énergie renouvelable. Il prévoit déployer le programme ce printemps. S’il est bien conçu, le programme permettra aux entreprises d’accéder à de l’énergie propre tout en continuant de payer la part qui leur revient des services du réseau auxquels elles recourront encore le reste du temps.
Ce programme arrive dans la foulée de l’élaboration, en 2022, d’un système de « crédits pour l’énergie propre » en Ontario, dont les critères d’admissibilité trop permissifs ont toutefois miné la crédibilité et permis une mascarade écologique d’achats d’énergie prétendument propre qui dans les faits ne réduisait pas les émissions.
Il faudra faire preuve de davantage de discernement avec le nouveau programme parallèle. Plus important encore, si l’on veut garantir que les achats favorisent effectivement un réseau plus propre, il faut se limiter à la production nouvelle et non polluante. Des parties prenantes ont proposé des paramètres de conception qui méritent que l’on s’y attarde. Avec ces paramètres en place, le gouvernement de l’Ontario peut contribuer à stimuler la croissance de l’énergie propre en canalisant la demande grandissante des entreprises.
Une occasion pour l’Ontario et les peuples autochtones
La province a également une chance de s’ériger en chef de file en intégrant les peuples autochtones au projet.
Un élément clé, et trop souvent manquant, de l’engagement national du Canada pour la réconciliation est le besoin d’accélérer les possibilités de développement économique pour les communautés autochtones. Cet impératif s’inscrit dans l’appel à l’action 92 de la Commission de vérité et réconciliation. Le Comité de la transition relative à l’électrification et à l’énergie de l’Ontario a récemment conclu que de « nouer des partenariats significatifs avec des communautés autochtones [est] la seule voie qui permettra à l’Ontario de réussir à réaliser des investissements fructueux dans l’infrastructure énergétique à une cadence et à une échelle suffisantes pour réaliser l’économie axée sur l’énergie propre ».
Bien qu’il ne s’agisse pas de la seule mesure nécessaire, il est fondamental de faciliter la participation des Autochtones aux investissements dans les nouvelles énergies pour faire progresser la réconciliation économique. Qui plus est, de nombreuses organisations métisses et des Premières Nations sont déjà de grandes détentrices d’actifs de production d’énergie propre en Ontario, et ont la capacité de nouer des partenariats d’une façon qui peut contribuer au succès d’un projet. Leur expérience en analyse de projet, par exemple, peut s’avérer un atout à l’étape de l’approbation.
Dans un contexte où le secteur privé souhaite conférer à ses activités et achats une certaine vocation sociale – le « S » d’ESG –, l’intégration d’une clause obligatoire de participation autochtone au capital dans le nouveau programme d’achat d’énergie renouvelable pour les entreprises de l’Ontario ne fera que rendre le nouveau programme plus attrayant. Elle s’inscrit dans une tendance nationale qui s’observe du côté des achats d’énergie éolienne et solaire en Alberta, des appels d’énergie en Saskatchewan, des nouveaux projets de stockage d’énergie en Nouvelle-Écosse et de l’appel d’énergie renouvelable à venir en Colombie-Britannique. Il s’agit d’une mesure essentielle que l’Ontario peut prendre pour accélérer la transition énergétique et, du même coup, avancer la réconciliation.