Le sort de l’économie propre est scellé. Le Canada doit rester dans la course.

Les plus grands vecteurs de politiques climatiques en 2024 ne viendront pas d’Ottawa, mais plutôt de Washington et de Bruxelles

Cet article est d’abord paru dans le Toronto Star.

Ce n’est peut-être pas ce à quoi vous vous attendiez de quelqu’un qui passe ses journées à tenter d’améliorer les politiques locales en matière de changements climatiques : les plus grands vecteurs de politiques climatiques au Canada en 2024 ne viendront pas d’Ottawa, mais plutôt de Washington et de Bruxelles.

C’est exact : les États-Unis et l’Union européenne donnant le ton avec deux grandes initiatives stratégiques, le Canada n’a d’autre choix que de suivre. Et dans les deux cas, le Canada a déjà une réponse concrète : une tarification industrielle du carbone solide.

La première de ces politiques, l’Inflation Reduction Act de 2022 des États-Unis, est une loi monumentale qui dynamise l’économie propre et la réduction de la pollution climatique au sud de la frontière. Avec deux autres projets de loi adoptés avec un appui bipartisan (le Bipartisan Infrastructure Deal et le CHIPS and Science Act), elle réoriente fondamentalement l’économie nord-américaine.

Les États-Unis ont vu 225 milliards de dollars en investissement pour la croissance propre dans la dernière année, selon le Clean Investment Monitor, qui suit ces avancées de près. Cela représente une forte hausse – 38 % par rapport à l’année précédente – et englobe des investissements tangibles aux quatre coins du pays à l’appui d’activités comme la production et le déploiement d’énergie propre, l’adoption de véhicule électrique et leur chaîne d’approvisionnement, la construction de l’électrification, et plus encore.

Cette transformation dans la stratégie industrielle de notre plus grand partenaire commercial compte beaucoup pour la prospérité future du Canada; le Conseil canadien des affaires affirme que la loi américaine « change la donne » et qu’elle représente un « changement radical ». Elle s’inscrit dans une tendance internationale plus large qui montre une croissance exponentielle dans les secteurs d’énergie propre. En Chine, les investissements dans les secteurs de l’énergie propre étaient presque aussi importants que l’ensemble des investissements en approvisionnement en combustibles fossiles de l’année précédente, ce qui a fait de l’énergie propre le plus grand moteur de croissance de l’économie du pays en 2023.

Le deuxième projet façonnant les perspectives économiques du Canada est l’avènement de l’ajustement carbone aux frontières en Europe. Ces ajustements sont essentiellement des tarifs sur les biens importés ne calculant pas le coût de la pollution climatique associée par une tarification du carbone.

L’Union européenne a commencé à intégrer son tarif sur le carbone aux fabricants locaux en octobre dernier et l’appliquera éventuellement aux biens provenant d’endroits comme le Canada, à moins qu’il existe déjà une tarification semblable dans le pays en question. Le Royaume-Uni est aussi prêt à emboîter le pas avec son propre ajustement carbone aux frontières d’ici 2027.

Il y a même de plus en plus de chances que les États-Unis mettent en place une mesure similaire; déjà quatre mesures législatives en lien avec les ajustements carbone aux frontières font présentement l’objet d’une évaluation par les législateurs. Il serait particulièrement risqué de mettre en jeu la prospérité du Canada en pensant qu’aucun de ces projets de loi ne se concrétisera.

Les États-Unis sont le partenaire commercial principal du Canada, et l’Union européenne et le Royaume-Uni arrivent en deuxième et troisième place. Il est absolument nécessaire pour la compétitivité du Canada de maintenir et de renforcer le système de tarification du carbone industriel en fonction de ces annonces.

La tarification industrielle du carbone favorise la compétitivité sur trois fronts. Premièrement, lorsqu’elle est bien conçue, elle permet aux sociétés peu polluantes de générer et de vendre des crédits, ce qui leur permettrait de faire concurrence aux États-Unis. Deuxièmement, elle peut exclure la tarification du carbone de nos exportations vers nos plus grands partenaires commerciaux. Et troisièmement, elle a été conçue pour inciter les sociétés les plus polluantes à réduire leurs émissions sans nuire à leur compétitivité.

Avec ces avancées, il devient on ne peut plus clair que pour le Canada, une bonne politique climatique est une bonne politique économique. C’est particulièrement vrai pour les grandes industries orientées vers l’exportation. L’argument économique voulant qu’il faille préserver de fortes stratégies comme la tarification industrielle du carbone et d’autres règlements intelligents ainsi que des incitatifs ciblés pour stimuler la transition vers l’énergie propre au pays n’a jamais été aussi solide.

Concrètement, malgré les vents politiques instables de cette année, les ajustements carbone aux frontières en Europe et au Royaume-Uni reçoivent de l’appui considérable des partis conservateurs. Aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act risque peu d’être démantelée même si les républicains remportent les élections de novembre.

Au bout du compte, les dés sont jetés pour la transition mondiale vers l’énergie propre. Le mouvement prend de l’ampleur et les entreprises demandent l’accès à l’électricité propre et à une chaîne d’approvisionnement propre, des incontournables de l’investissement.

Si le Canada prend du retard, c’est à ses risques et périls.

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