Le virage carboneutre des entreprises canadiennes

La décarbonisation du secteur privé va bon train. Une plus grande clarté permettra de poursuivre sur cette lancée.

Cet éditorial a précédemment été publié dans le Toronto Star.

Les engagements des entreprises en matière de réduction des émissions de carbone fusent de toutes parts. À preuve? Ils ne font presque plus les manchettes.

La semaine dernière, la Banque Scotia, la TD et BMO ont publié de nouveaux plans pour réduire leur empreinte carbone : celle de leurs propres activités et celle de leurs portefeuilles de placements, entre autres. Tout comme RBC, la Banque CIBC et la Banque Nationale, elles se sont jointes à l’alliance bancaire Net Zéro en octobre 2021 et auront 18 mois pour présenter des cibles pour 2030 et 2050 qui sont conformes à l’Accord de Paris sur le climat. Ces nouvelles initiatives des banques canadiennes s’inscrivent dans une tendance mondiale : avant la tenue l’automne dernier de la Conférence sur les changements climatiques de Glasgow, 450 banques et gestionnaires de fonds représentant 130 billions de dollars en capital (ou 40 % des actifs financiers mondiaux) ont promis de mettre leurs investissements au service des objectifs de carboneutralité.

Ce même type d’élan anime l’économie tout entière.

Dans la vente au détail, de grandes entreprises canadiennes – comme Loblaws – s’engagent maintenant à réduire considérablement leurs émissions de carbone d’ici 2030. Les grandes associations d’automobilistes du Canada ont récemment publié une feuille de route visant une réduction de 50 % des émissions liées à la vente de véhicules à l’horizon 2030 et de 100 % à l’horizon 2050. Des sociétés d’énergie comme TransAlta – qui brûlaient encore du charbon il n’y a pas si longtemps – visent désormais la carboneutralité. De gros émetteurs comme le ciment et l’acier, qui reposent sur des procédés industriels difficiles à décarboner, travaillent à l’élaboration de stratégies carboneutres sectorielles. Enfin, les producteurs de sables bitumineux du Canada visent une réduction absolue de 30 % de leurs émissions de carbone d’ici 2030.

En fin de compte, pour que ces nobles idéaux se concrétisent, il faut convaincre les investisseurs et les actionnaires que ces changements leur seront profitables. Le gouvernement doit clarifier et affirmer ses ambitions politiques pour envoyer des signaux de marché convaincants aux entreprises qui doivent réduire leurs émissions, à celles dont les technologies et les produits s’arriment à une stratégie carboneutre et aux investisseurs qui doivent adapter leurs portefeuilles. En fait, une plus grande confiance dans les orientations futures du marché au Canada contribuera à améliorer la résilience économique, et ainsi à accélérer la transformation des marchés mondiaux. C’est pourquoi le plan de réduction des émissions pour 2030 du gouvernement fédéral, qui sera publié plus tard ce mois-ci, est si important.

Cette annonce a une plus grande portée que toutes les autres annonces fédérales en matière de changements climatiques. Le plan promet d’être complet; la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, récemment adoptée, énonce précisément tous les éléments essentiels. Il devrait aussi être détaillé, la cible nationale de réduction des émissions de carbone se déclinant par politiques et par secteurs de l’économie. C’est la clé pour stimuler l’investissement privé : un objectif national sans ces détails serait comme une feuille de route comportant une destination, mais aucune indication pour s’y rendre.

Des approches semblables adoptées par d’autres pays ont eu des retombées positives sur le marché. La loi sur les changements climatiques du Royaume-Uni (Climate change act 2008) a établi un système de transparence, de mesurabilité et d’amélioration continue. Grâce au cadre qu’il a mis en place, le pays a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % sur dix ans et attire un projet de technologies propres européen sur six financés par l’investissement direct étranger.

En se basant sur des pratiques comme ces pratiques exemplaires, l’Institut climatique du Canada a recommandé un cadre pour le plan de réduction des émissions pour 2030 qui mise sur l’adoption de politiques nécessaires à l’amélioration continue. De plus, le Groupe consultatif pour la carboneutralité a défini des principes directeurs clés pour guider le gouvernement fédéral dans ses actions. La majorité des conseils de ces deux organismes ciblent des domaines où les politiques publiques gagneraient à être plus ambitieuses pour accélérer les mesures et les investissements du secteur privé et à faire ressortir les pratiques exemplaires de conception et d’application de ces politiques.

Le lancement du plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada sera un moment charnière, non seulement pour les politiques climatiques, mais aussi pour les signaux envoyés aux marchés financiers. Ces derniers mois, les bases ont été discrètement jetées. Tout compte fait, le gouvernement fédéral – et le pays – va simplement inciter les entreprises à respecter leurs promesses.

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