Énergie éolienne en mer de l’Atlantique, une source d’énergie propre nationale

La première et la meilleure utilisation de l’énergie éolienne au large des côtes de l’Atlantique serait de fournir des quantités massives d’énergie propre aux réseaux électriques du Canada jusqu’à l’ouest de l’Ontario.

Cet article est d’abord paru dans le Hill Times.

Le Parlement étudie actuellement le projet de loi C-49, qui ajouterait la surveillance des projets de développement d’énergie renouvelable extracôtiers, surtout les projets éoliens, aux obligations des organismes de réglementation du secteur pétrogazier de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Dans un récent témoignage devant le Comité permanent des ressources naturelles, j’ai souligné l’immense potentiel de développement éolien sur la côte atlantique du Canada, qui est grandement sous-estimé.

À ce jour, les discussions sur l’énergie éolienne en mer de l’Atlantique se limitent à la production à des fins d’exportation d’hydrogène vert, principalement vers les marchés européens. Si cette avenue peut sembler prometteuse, l’hydrogène vert n’est pas le plus grand prix.

L’utilisation la plus immédiate et efficace de cette énergie, qui est plus stable que l’éolien terrestre et beaucoup moins variable que le solaire, consisterait à produire des quantités massives d’énergie propre pour les réseaux électriques du pays, jusqu’en Ontario. Ce projet de portée nationale engendrerait également des retombées économiques majeures dans le Canada atlantique.

Le tout s’inscrit dans les efforts du Canada et du reste du monde à remplacer les sources de carburant polluantes et contribuant au réchauffement planétaire par des énergies propres. Cette transition nécessitera une énorme expansion de la capacité à produire et transporter de l’électricité non polluante partout dans le monde.

Quelle hausse faudra-t-il viser? Dans le cas du Canada, nous pouvons nous appuyer sur le scénario détaillé publié par la Régie de l’énergie du Canada en juin dernier, selon lequel il faudra doubler la production d’électricité d’ici le milieu du siècle. Et d’où proviendra cette énergie? Toujours selon ce scénario, l’énergie éolienne servira à en produire près de la moitié, soit une quantité sept fois plus élevée que la quantité actuelle, et le reste proviendra des installations nucléaires, hydro-électriques, solaires, géothermiques et de biomasse.

Dans le cas de l’Ontario, la production d’électricité fera plus que tripler, avec près de deux tiers de la croissance provenant de la multiplication par 12 de la quantité d’énergie éolienne produite.

D’où proviendra cette nouvelle énergie éolienne? En grande partie, d’énormes parcs éoliens terrestres construits partout au pays. Cependant, les projets éoliens prennent parfois longtemps avant d’être autorisés et peuvent engendrer d’importants différends quant à l’utilisation du territoire, surtout dans les zones densément peuplées.

Quelle est la solution de rechange? Nous pourrions créer de nouvelles sources d’énergie extrêmement prolifiques grâce aux vents forts et constants de la côte atlantique. Sur ces sites exceptionnels, des éoliennes en mer de 15 mégawatts, qui deviennent la norme, pourraient être installées par milliers sans même risquer d’épuiser les emplacements potentiels.

Pour donner une idée des possibilités, une installation comprenant 1 000 éoliennes en mer de 15 gigawatts produirait assez d’électricité pour alimenter 6 millions de résidences canadiennes moyennes, ce qui représente 10 % de la capacité de production d’électricité actuelle du pays.

L’aménagement et l’exploitation de ces installations auraient d’importantes retombées économiques directes. Si l’on extrapole à partir d’une étude américaine, la construction d’une installation de 15 gigawatts sur plusieurs années engendrerait quelque 30 000 emplois, et son exploitation, environ 1 200 emplois permanents. Heureusement, il existe déjà un bassin de compétences marines dans la région; avec de la formation, le Canada atlantique pourrait devenir un centre d’expertise mondial en énergie éolienne en mer.

S’ajoutent à la création d’emplois directs des retombées dans l’ensemble de la région engendrées par la production en grandes quantités d’électricité propre et renouvelable, comme ce fut le cas au Québec, où l’hydro-électricité propre et abondante a attiré des industries énergivores.

Puisque le potentiel de production de l’énergie éolienne en mer dépasse largement les besoins en consommation des provinces de l’Atlantique, l’ampleur de l’occasion repose sur les exportations d’électricité propre vers le Québec, l’Ontario et possiblement le Nord-est des États-Unis. Comme l’illustre le scénario de la Régie de l’énergie du Canada, la demande pour cette électricité propre s’annonce forte.

La difficulté sera de mobiliser les gigantesques investissements requis pour construire les installations éoliennes ainsi que le réseau de transport, de la côte vers l’ouest. Il faudra des dizaines de milliards, étalés sur de nombreuses années. Actuellement, le coût en capital des éoliennes en mer installées est d’environ 3 à 4 millions de dollars américains par mégawatt. Une installation de 15 gigawatts coûterait donc environ 60 à 80 milliards de dollars canadiens avant sa connexion au réseau. 

Il faut le voir comme un investissement rentable dans notre prospérité économique et une planète habitable. Après leur construction, les installations assureront un approvisionnement renouvelable en énergie propre qui n’est soumis ni aux aléas géopolitiques, ni aux variations des prix mondiaux de l’énergie.

Ce que je décris, c’est une occasion nationale véritablement historique. Nous avons la possibilité de créer un réseau d’énergie renouvelable et non polluante qui combinerait les énormes ressources hydro-électriques de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec et l’énergie éolienne en mer de l’Atlantique, encore plus abondante, pour propulser comme jamais la transition du Canada vers les énergies propres.

Peter Nicholson est l’auteur du rapport Le vent en poupe : comment le Canada atlantique peut devenir une superpuissance énergétique et le président du conseil d’administration de l’Institut climatique du Canada.

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