Cet article a d’abord paru dans le Toronto Star le 12 février 2023.
Que ce soit sur les soins de santé, les garderies, ou les changements climatiques, les grandes avancées politiques au sein du système fédéral nécessitent que les gouvernements fédéral et provinciaux rament dans la même direction – si nous ne voulons pas finir par tourner en rond. Même si 2022 a été le théâtre d’importantes avancées en matière de politiques climatiques au Canada, les progrès viennent presque tous du même ordre de gouvernement.
Cette année, la balle est dans le camp des provinces et territoires, qui risquent de mettre en péril les progrès environnementaux, de nuire à leur compétitivité et de rater des occasions de rendre l’énergie plus abordable.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a dix ans, les provinces et les territoires étaient des chefs de file du climat, alors que le fédéral faisait du surplace. L’Alberta est une pionnière de la tarification industrielle du carbone. La Colombie-Britannique a été la première à mettre sur pied une taxe sur le carbone, et le Québec et l’Ontario, les premières provinces à adopter un système de plafonnement et d’échange. La Colombie-Britannique et le Québec ont tous deux établi des cibles de vente pour les véhicules électriques. La Nouvelle-Écosse vise l’électricité propre et la Saskatchewan a pris les devants de l’adaptation aux changements climatiques.
Pendant ce temps, le Canada n’est pas seul sur son île. Avec l’Inflation Reduction Act (loi sur la réduction de l’inflation) et ses généreuses dispositions sur le climat, les États-Unis nous ont damé le pions. Dans le monde, la vague de politiques, de technologies et de marchés d’énergie propre monte. Si les provinces ne se mouillent pas bientôt, leur économie risque de tomber à l’eau.
Voici cinq choses que les provinces et les territoires peuvent faire pour revenir dans la course.
- Assumer sa responsabilisation climatique.
Premièrement, les provinces et les territoires devraient mettre en œuvre des cadres de responsabilisation climatique. Au fédéral, la Loi sur la responsabilité canadienne en matière de carboneutralité a changé la donne en exigeant du gouvernement des bilans par secteur et des politiques pour atteindre les réductions nécessaires.
Certaines provinces ont elles aussi façonné la responsabilité climatique. La Colombie-Britannique fait régulièrement le point sur ses progrès, et a intégré des objectifs climatiques et de croissance propre aux mandats de plusieurs ministères. Le Manitoba, le Québec et la Nouvelle-Écosse ont des structures et processus similaires.
- Prévoir des réseaux électriques plus grands, plus propres et plus intelligents et une énergie moins coûteuse en général.
L’électricité propre sera le pilier de la transition vers la carboneutralité dans toutes les régions, mais jusqu’à présent, les services publics d’électricité ne font pas de planification ou de travail en ce sens. Les provinces ont un rôle à jouer dans l’électro-fédéralisme : établir des directives claires pour les services publics et les autorités de réglementation par des plans en matière de carboneutralité et implanter des politiques d’électrification des bâtiments, du transport, et du secteur. Bien faits, ces changements rendront l’énergie plus abordable pour les Canadiens.
- Adopter une tarification du carbone intelligente.
La tarification du carbone pancanadienne est un puissant levier de l’investissement sobre en carbone, et devient de plus en plus importante pour la compétitivité, puisqu’elle fournit la certitude politique dont les investisseurs ont besoin. L’Alberta, par exemple, s’est récemment engagée à augmenter de façon constante son prix de référence du carbone pour les grands émetteurs à 170 $ par tonne d’ici 2030, tout comme le gouvernement fédéral – une décision judicieuse qui donnera au secteur un horizon de planification clair. Cela permettra d’investir davantage dans les projets sobres en carbone. Les autres provinces devraient suivre l’exemple de l’Alberta. Elles devraient également ajuster leurs systèmes de tarification du carbone industriels pour veiller à ce que le marché du crédit de carbone soit solide.
- Définir des stratégies d’adaptation régionales.
Des dômes de chaleur en Colombie-Britannique à l’ouragan Fiona, les dommages climatiques s’accélèrent déjà et si les provinces ne s’y préparent pas, ces conséquences ne feront que s’aggraver. La Stratégie nationale d’adaptation du fédéral est un bon point de départ pour mobiliser l’attention et les ressources nécessaires à cette préparation, mais ultimement, les dégâts climatiques, tout comme l’adaptation, sont locaux : c’est pourquoi les provinces ne doivent pas manquer le bateau.
- Débattre de toutes ces questions ensemble.
Les systèmes de responsabilisation sont plus efficaces lorsque les principaux ordres gouvernementaux – fédéraux comme provinciaux – font le suivi de leurs progrès. Il est plus facile de bâtir un réseau électrique propre, abordable et adapté à l’avenir si les provinces relient leurs réseaux et tirent parti de leurs forces respectives, qu’il s’agisse de l’abondance de soleil et de vent ou de l’hydroélectricité sur demande. La tarification du carbone fonctionne mieux lorsqu’elle envoie des mesures incitatives uniformes et cohérentes partout au Canada. Et l’adaptation intelligente exige l’intégration de l’adaptation dans toutes les décisions gouvernementales, à plusieurs ordres.
En bref, le Canada a besoin de la concertation de tous les ordres de gouvernement, non seulement parce que c’est la meilleure façon d’atteindre les objectifs climatiques, mais aussi parce que c’est la meilleure façon de bâtir un Canada plus sûr, plus abordable et plus prospère, dans chaque province et territoire.
Il est temps pour les provinces et les territoires de revenir dans la course.