Cet article est d’abord paru dans le Toronto Star.
L’une des nombreuses pressions qui pèsent sur le prochain budget du gouvernement fédéral concerne le besoin d’une injection importante de capitaux d’investissement pour transformer et développer notre économie, mais aussi pour attirer les industries innovantes et durables, telles que les technologies propres et l’énergie, qui permettront de définir notre avenir.
Toutefois, attirer des capitaux privés n’est pas aussi simple que de demander à un chien de s’asseoir ou de rester. Si Max ou Fido répondent volontiers à l’appel, les régimes de retraite, le capital de risque et les autres investisseurs potentiels se comportent plutôt comme des chats. Si vous avez déjà essayé de dire à un chat ce qu’il doit faire, vous imaginez le résultat.
Néanmoins, dans de bonnes conditions, même les chats peuvent être incités à faire le pas.
Pour satisfaire le besoin pressant d’investissements privés dans l’avenir économique du Canada, nous devons donc créer de meilleures conditions, à commencer par le prochain budget.
Le gouvernement estime qu’un investissement annuel de 140 milliards de dollars est nécessaire pour atteindre la carboneutralité.
Les fonds nécessaires à la réalisation de cet objectif existent. Près de 4,3 billions de dollars d’actifs étaient consacrés aux fonds pour le développement durable à la fin de l’année 2022, selon l’OCDE. Bloomberg estime que plus de 1,2 billion de dollars d’obligations associées au développement durable ont été émises en 2023. Le Boston Consulting Group estime que le capital investi dans les technologies climatiques en 2022 s’élevait à 405 milliards de dollars à l’échelle mondiale.
Toutefois, ces fonds ne seront pas investis dans la croissance des entreprises canadiennes, dans la création d’une propriété intellectuelle canadienne innovante ou dans l’amélioration de la productivité au Canada, tant que nous ne pourrons pas offrir un cadre politique plus clair et plus constant. Malheureusement, seule notre incapacité en la matière a été claire et constante au cours des 20 dernières années.
Trois politiques particulières permettraient de débloquer des capitaux privés au rythme et à l’échelle nécessaires pour renforcer l’avantage concurrentiel du Canada dans la transition énergétique mondiale.
Premièrement, l’établissement de la taxonomie verte et de transition tant attendue, à laquelle notre industrie financière a contribué, permettra de clarifier les produits et les projets pouvant faire l’objet d’un investissement, ce dont les capitaux institutionnels ont désespérément besoin pour faire preuve de diligence raisonnable. Nous attendons depuis bien trop longtemps que le ministère des Finances du Canada approuve la taxonomie.
Deuxièmement, l’incertitude entourant les politiques à l’échelle fédérale freinera les investissements canadiens si nous ne parvenons pas à instaurer une plus grande confiance à l’égard du prix du carbone dans l’industrie. Ce prix représente un facteur clé de l’analyse financière et de l’évaluation à long terme. C’est pourquoi les politiciens de tous les partis doivent exprimer clairement leur engagement à cet égard avant que les investisseurs ne puissent prendre des décisions définitives sur les projets ou les entreprises qui seront touchés. Le gouvernement fédéral doit travailler activement à la mise en place d’un système de contrats carbone pour la différence : des instruments financiers qui protègent les investissements des changements de politiques engendrés par les décisions à court terme des gouvernements.
Troisièmement, nous devons mettre en place le type de réseau électrique propre prévu par le Règlement fédéral sur l’électricité propre si nous voulons que d’importantes entreprises tournées vers l’exportation s’installent au Canada et emploient des Canadiennes et des Canadiens. Les entreprises internationales surveillent de près leur empreinte carbone. Elles ne peuvent pas se permettre de s’engager à long terme dans des activités dépendantes de l’énergie dans des territoires dépourvus d’infrastructures énergétiques à faible émission de carbone. Le Canada peut établir ce type de réseau en combinant l’innovation, les règlements, les crédits d’impôt et, avant tout, la coopération.
Alors que nous nous disputons sur les procédures et que certaines provinces créent des obstacles aux nouveaux projets énergétiques, d’autres territoires établissent les règles sans nous. Notre économie, qui repose sur les exportations, est dépendante de l’accès à des marchés tels que l’Europe, qui mettent en place des ajustements aux frontières (tarifs douaniers) liés au carbone. Les actionnaires privilégient les entreprises qui maîtrisent mieux leur profil d’émissions. D’autres pays renforcent les incitations fiscales et le soutien réglementaire aux producteurs et distributeurs d’énergie à faible teneur en carbone.
Les régimes de retraite, les banques, les entreprises en démarrage et les syndicats du Canada s’efforcent d’attirer des investissements dans notre nouvelle économie en vue d’accroître nos portefeuilles d’énergie propre et d’innovation. Si nous parvenons à concilier cette initiative et cette capacité avec la clarté, la constance et la coopération des gouvernements fédéral et provinciaux, de nombreux chats devraient gratter à notre porte.
Kevin Thomas est directeur général de SHARE, la Shareholder Association for Research and Education (association des actionnaires pour la recherche et l’éducation). Rick Smith est le président de l’Institut climatique du Canada.