Les certitudes apportées aux prix des crédits par les contrats sur différence appliqués au carbone – sans faire sauter la banque

La mise en place des contrats sur différence appliqués au carbone : partie 2.

Le présent article est le deuxième d’une série de billets sur les contrats sur différence appliqués au carbone (CCfD) et les prix des crédits. Dans l’article précédent, nous avons expliqué, en guise d’introduction, non seulement le concept de CCfD fondé sur le prix de référence du carbone, mais aussi celui de CCfD fondé sur les prix des crédits, une mesure qui apporterait plus de certitude aux prix du carbone dans le système de tarification fondé sur le rendement au Canada.

Ici, nous traiterons du fonctionnement d’un CCfD fondé sur les prix des crédits pour proposer une structure qui, selon nous, aura plus d’impact sur les émissions et pourrait s’assortir d’avantages financiers : le gouvernement fédéral devrait structurer les CCfD de façon à acheter des crédits sous condition – au lieu d’en garantir simplement la valeur – afin de s’attaquer au déséquilibre profond entre l’offre et la demande de crédits de carbone, plutôt que de se contenter de mettre un pansement sur le problème.

Le fonctionnement optimal des CCfD fondés sur les prix des crédits n’est pas celui que vous pensez

Voici comment un CCfD articulé autour d’un achat direct de crédits fonctionnerait. Les entreprises qui signent un CCfD avec le gouvernement auraient la possibilité de lui vendre un crédit de carbone à un prix fixé. Cette option en garantit la valeur, mais elle entraîne une hausse de celle des autres crédits sur le marché, provoquée par la possibilité, pour le gouvernement, de retirer de la circulation le crédit qu’il achète, et ce faisant, de s’attaquer à la cause fondamentale, en l’occurrence, l’offre excédentaire de crédits. Cette approche diffère de l’autre option considérée, dans laquelle le gouvernement recourt à des CCfD comme compléments de la valeur des crédits, en en garantissant la valeur.

L’articulation des CCfD autour de la vente de crédits découle en fait logiquement des approches en vigueur au Canada et ailleurs dans le monde. Cette structure s’apparente à celle des contrats sur différence employés en Alberta, au Royaume-Uni et en Allemagne, qui fixent le prix en fonction du transfert d’un élément d’actif – dans le cas qui nous occupe, un crédit au lieu d’une unité d’hydrogène ou d’électricité propre. Cette structure ressemble également à la façon dont les systèmes de plafonnement et d’échange relevant de certains territoires, comme l’Union européenne ou la Californie, ont recours à des mécanismes de stabilisation des marchés pour fixer le prix des crédits d’émission en en accélérant ou en en ralentissant la vente.

Le principal avantage : des retombées sur les investissements et les réductions d’émissions plus intéressantes

Le principal avantage des achats directs, c’est que, toute chose étant égale par ailleurs, cette mesure occasionnera des réductions d’émissions plus importantes que les autres solutions. En effet, non seulement les achats directs garantissent la valeur des crédits pour les sociétés qui signent un CCfD, mais ils en augmentent aussi la valeur pour l’ensemble du marché en raison du retrait des crédits achetés par le gouvernement fédéral. En revanche, un CCfD complémentaire ne viendrait en aide qu’aux sociétés qui sont titulaires d’un CCfD; comme l’offre de crédit ne change pas, le risque de se retrouver avec des prix bas persisterait (en fait, il y a lieu de faire valoir que les CCfD complémentaires augmentent les probabilités que les prix des crédits demeurent bas quand on favorise l’augmentation de l’offre de crédits).

La meilleure façon d’aborder la responsabilité éventuelle

La garantie du prix de tous les crédits des systèmes de tarification fondés sur le rendement au Canada au moyen de CCfD est assortie d’un risque d’avoir à engager des dépenses fiscales considérables. Plus précisément, cette responsabilité à l’égard du gouvernement fédéral n’est ni plus ni moins qu’un risque – et dépend des décisions stratégiques à venir, du ressort du gouvernement fédéral, notamment les changements apportés aux seuils du système de tarification fondé sur le rendement en 2027 et après, les critères qui s’appliquent aux crédits et d’autres politiques qui peuvent interagir avec ces systèmes et se répercuter sur les marchés des crédits.

Le gouvernement fédéral dispose d’outils pour éviter d’avoir à payer quoi que ce soit. Cependant, les dépenses fiscales totales pour le gouvernement fédéral dans un scénario de ralentissement visant à garantir la valeur de tous les crédits en fonction du prix de référence du carbone (170 $ la tonne en 2030) seraient élevées, et il y a donc lieu d’en tenir compte. Dans la présente section, nous faisons valoir que si le gouvernement fédéral cherche à limiter le risque de ralentissement, les achats directs sont la voie royale. (Il convient de souligner que, quel que soit le mode de fonctionnement du CCfD fondé sur les prix des crédits, les probabilités que le marché soit saturé sont beaucoup plus faibles, et que seul un marché saturé entraînerait un paiement.)

D’autres solutions possibles ont été avancées pour diminuer les coûts du ralentissement, non sans heurts : une diminution des incitatifs à l’investissement ou encore des réductions d’émissions seraient à prévoir. Par exemple, les CCfD fondés sur les crédits ne pourraient garantir que la valeur des crédits jusqu’à concurrence d’une valeur nettement inférieure à 170 $ la tonne. Ou encore ils pourraient s’appliquer seulement à un sous-ensemble (20 %) de crédits sur le marché.

Cependant, ces deux options ne parviennent pas à optimiser la stabilité stratégique de la tarification du carbone et donc, ne parviennent pas non plus à régler le problème qu’elles visent à solutionner. Dans la première approche, les projets auxquels il faut appliquer une tarification du carbone plus élevée (certitude) n’iraient pas de l’avant. Dans la seconde, le nombre de projets d’où le risque serait éliminé diminuerait essentiellement, ce qui créerait une stratification des prix du carbone prévus dans l’ensemble de l’économie.

Grâce aux achats directs, on évite de tomber dans ces deux pièges. En effet, même si ces achats sont offerts à un nombre limité d’émetteurs, ils demeurent avantageux pour l’ensemble du marché en réduisant l’offre.

Les achats directs comportent un autre avantage par rapport à l’approche par complément : le gouvernement fédéral pourrait toujours récupérer une partie des coûts engagés en vendant des crédits sur le marché dans les années ultérieures (éventuellement à profit) advenant un resserrement du marché et si l’offre excédentaire ne pose plus de problème.

Moins de risques, plus de réductions d’émissions

Conclusion? La mobilisation des investissements passe par une plus grande certitude sur les prix des crédits. Les sociétés ont besoin d’être rassurées aujourd’hui (et non dans quatre ans). Les CCfD qui complètent la valeur des crédits coûteront plus cher que les achats de crédit au gouvernement et réussiront moins bien à réduire les émissions ou à stimuler les investissements, ou les deux.

Prochaine étape : la façon dont les CCfD fondés sur les crédits encourageront la concertation entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral.

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