Crédit d'image: Le parc éolien de West Pubnico Point est visible à Lower West Pubnico, en Nouvelle-Écosse, le lundi 9 août 2021. THE CANADIAN PRESS/Andrew Vaughan

Les enseignements du chaos économique du président Trump

Les politiques économiques du président Trump risquent d’entraver la croissance et la compétitivité des États-Unis. Les dirigeants canadiens pourraient trouver une voie fiable vers la croissance en adoptant délibérément l’approche inverse.

Cet article a précédemment été publié dans le National Newswatch.

L’administration Trump est une force chaotique dont les politiques économiques insensées nuiront activement à la croissance économique et à la concurrentialité des États-Unis. Les dirigeants provinciaux et fédéraux du Canada devraient toutefois tendre l’oreille, pour aujourd’hui comme pour demain : les décisions de Trump dessinent une feuille de route parfaite pour la croissance nationale… pour peu qu’on fasse exactement l’inverse.

Commençons par le plus évident : la guerre tarifaire du président Trump ne pourrait être moins favorable à la croissance.

Les économistes sont rarement d’accord. Or, sur cette question, ils s’entendent pour dire que le commerce et les importations sont un plus. Le commerce n’est pas un jeu à somme nulle, il profite au pays qui importe comme à celui qui exporte. En effet, en important des produits abordables, un pays offre à ses consommateurs des options avantageuses et permet à sa main-d’œuvre et à ses capitaux de s’orienter vers d’autres aspects de l’économie. Selon le Peterson Institute, les tarifs – s’ils venaient un jour à entrer en vigueur – coûteraient 1 200 $ par an au ménage américain moyen.

La réponse du Canada à ce soudain isolationnisme économique américain devrait donc aller dans le sens contraire, au pays et à l’international. Il est notamment grand temps d’abattre les obstacles au commerce entre les provinces et territoires. D’après une étude récente du MacDonald Laurier Institute, l’élimination des incohérences réglementaires entre les provinces pourrait grossir le PIB du Canada de 200 milliards de dollars. Sans compter qu’un approfondissement des relations commerciales avec d’autres marchés mondiaux, comme l’Asie ou l’Europe, viendrait atténuer les risques liés à l’éventuelle instabilité d’un partenaire.

Ensuite, les efforts nostalgiques de Trump pour ralentir la transition énergétique des États-Unis se font aux dépens de la prospérité nationale.

Les décrets présidentiels de Trump ont interrompu des projets d’énergie éolienne en mer et interdit l’octroi de nouveaux baux sur les terres fédérales pour tous les projets d’éoliennes côtières et en mer. Le département de l’Intérieur a aussi suspendu toutes les approbations de projets d’énergie renouvelable, et Trump se bat activement contre les efforts pour réduire la demande de pétrole et de gaz. Pourtant, les coûts de l’énergie éolienne et solaire continuent de chuter vertigineusement, une occasion en or pour la production d’électricité abordable. Ainsi, Trump ne se contente pas d’écraser les politiques climatiques sensées qui tentent de réduire les émissions et d’atténuer les coûts des changements climatiques, mais il nuit volontairement à l’évolution et à la transition inévitable des marchés. Les données montrent que l’énergie renouvelable et le stockage par batteries gagnent du terrain du Texas à la Californie, bien sûr pour une question d’abordabilité. Dès lors, comme l’explique l’économiste Joseph Stiglitz, les interventions de Trump pourraient retarder la croissance américaine de plusieurs décennies.

Les gouvernements canadiens devraient faire tout l’inverse. Les provinces devraient continuer de développer l’énergie renouvelable pour répondre à la demande croissante à moindre coût, et créer des mécanismes de marché permettant l’acquisition d’énergie sobre en carbone à prix abordable. Pour ce faire, elles auront besoin de politiques climatiques judicieuses et peu coûteuses, telles que des systèmes d’échanges pour les grands émetteurs. Les États-Unis s’enlisent dans le passé, mais le Canada a l’occasion de faire un grand bond en avant, en adoptant à grande échelle les nouvelles technologies efficaces et bon marché malgré leur potentiel perturbateur. Le désengagement des États-Unis ne pourra pas arrêter la tendance mondiale vers la décarbonisation des économies mondiales, et le Canada doit en profiter pour faire concurrence à des pays comme la Chine sur les marchés émergents.

Enfin, si Trump bouleverse autant l’économie, c’est à cause de sa botte secrète : son imprévisibilité.

Lorsqu’il est question de politiques, rien n’effraie autant les investisseurs que l’incertitude. Trump ramènera-t-il la menace des tarifs le mois prochain? L’année prochaine? Comme l’explique Martin Wolf dans le Financial Times, les États-Unis de Trump sont un partenaire imprévisible, et l’incertitude est aussi dommageable que les tarifs eux-mêmes. De plus, interrompre ou annuler subitement un financement promis pour divers projets (bref, changer son fusil d’épaule en cours de route) est un nouveau facteur de risque. Les investisseurs ont besoin de connaître les politiques à venir, mais surtout de savoir qu’elles ne changeront pas du tout au tout selon les caprices d’un président opportuniste. Le fait que Trump et ses alliés travaillent à démanteler les institutions américaines vient aussi exacerber cette incertitude et ce risque.

Dans ces circonstances, le Canada devrait miser sur ses forces : la paix, l’ordre et le bon gouvernement. Comme l’indique Dan Ciurak dans une récente publication de l’Institut C.D. Howe, les institutions solides et les processus réglementaires du Canada font sa stabilité; c’est d’ailleurs ce qui nous a permis il n’y a pas si longtemps de nous relever d’une crise financière mondiale en meilleur état que notre voisin. Dans le dernier mois, nous avons pu voir Trump prendre des décisions destructrices priorisant l’idéologie au détriment de l’économie. Face à ce constat, le Canada devrait se recentrer sur ses principes. Oui, l’administration Trump est une menace, mais aussi une occasion qu’il nous appartient de saisir. Le Canada saura prospérer, pour peu qu’il renonce aux stratagèmes à court terme et travaille vers une croissance économique à long terme. L’harmonie dans une ère de chaos pourrait bien être l’avantage concurrentiel qui fait briller un Canada uni.

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