Cet article a précédemment été publié dans le Globe and Mail.
Il va sans dire que la route de la lutte contre les changements climatiques a toujours été semée d’embûches. Et au vu des résultats de la récente élection américaine – la victoire du candidat républicain Donald Trump –, on peut dire que des obstacles de taille viennent de tomber sur notre chemin.
Il faudra attendre de voir le détail des plans de la nouvelle administration, mais les promesses électorales faites par M. Trump à elles seules sont cause d’inquiétude. Il a parlé d’abroger le fameux Inflation Reduction Act, de renverser les règlements sur l’énergie propre et les véhicules électriques, et d’abandonner les projets d’énergie renouvelable.
Bien sûr, rien de cela n’est nouveau. Le gouvernement américain a tourné le dos aux solutions climatiques pendant la première administration Trump et lors du mandat de George W. Bush.
À l’époque, l’une des réactions à ce recul du fédéral a été une compensation proactive par les gouvernements d’États. Je m’attends à une stratégie semblable.
Nombre des politiques climatiques les plus durables lancées pendant ces années sont encore en vigueur, notamment les systèmes de plafonnement et d’échange comme la Western Climate Initiative (WCI), la Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI) et plusieurs normes d’État sur l’électricité renouvelable. La Californie et le Québec, qui font partie de la WCI, explorent actuellement de possibles couplages avec le système de plafonnement et d’échange de l’État de Washington. En effet, lueur d’espoir de l’élection, les électeurs de Washington ont massivement rejeté une initiative soumise au vote visant à abroger le système de tarification du carbone de l’État. Actuellement, 12 États comptant pour un tiers de l’économie américaine et plus d’un quart de la population ont des programmes de tarification du carbone.
Quant à l’énergie propre, 25 États ainsi que Washington D.C. ont actuellement des exigences d’électricité propre ou renouvelable, même si plusieurs d’eux sont menés par le Parti républicain. Le Texas, par exemple, est rapidement devenu une puissance du renouvelable et a même dépassé la Californie en nombre d’installations éoliennes et solaires au deuxième trimestre de 2024.
Les États mènent aussi la charge sur le front de l’efficacité énergétique des bâtiments. L’État de New York exigera que la plupart des nouveaux bâtiments de moins de sept étages soient complètement électriques dès 2026, et les plus gros projets, d’ici 2029. La Californie, elle, intensifie les mesures d’efficacité énergétique dans son code du bâtiment et encourage le remplacement des climatiseurs par des thermopompes dans tous les bâtiments commerciaux.
Même si on s’attend à ce que l’administration Trump élimine le soutien fédéral pour les véhicules électriques (VE), un grand nombre d’États ont adopté des règlements semblables à ceux de la Californie pour accroître la place des véhicules zéro émission. Au total, 40 % du marché automobile de l’Amérique du Nord pourrait être doté d’exigences similaires pour les VE d’ici 2027.
Ensemble, toutes ces mesures infranationales totalisent une grande réduction des émissions.
Selon un rapport de 2023, 24 États dotés de plans ambitieux de réduction des émissions étaient en voie de réduire la pollution climatique de 27 à 39 % d’ici 2030. La Californie, par exemple, est la cinquième économie en importance dans le monde. Si elle renouvelait sa promesse de 2022 de réduire la pollution par le carbone de 85 % d’ici 2045, ce serait déjà là un gros morceau. Les émissions de cet État ont d’ailleurs chuté de plus de 17 % depuis l’an 2000.
Alors, même si l’administration Trump se traîne les pieds dans la lutte contre les changements climatiques, la réduction des émissions ne prendra pas fin aux États-Unis. Les mesures seront simplement plus dispersées.
Le Canada aura évidemment son rôle à jouer. Il y aura notamment l’occasion pour les provinces de renforcer les partenariats existants. Le Québec est déjà branché sur le système de plafonnement et d’échange de la Californie grâce à la Western Climate Initiative, et la Colombie-Britannique et le Québec ont depuis longtemps des exigences de véhicules zéro émission semblables à celles de certains États américains. Il y aurait lieu de solidifier et de renforcer les collaborations transfrontalières.
De nouvelles occasions importantes se présenteront aussi. La compétitivité accrue du prix de certaines technologies favorisera leur adoption malgré l’administration Trump dans la Maison-Blanche. Les batteries en sont un exemple : le Canada a fait de grandes avancées dans l’établissement d’une nouvelle chaîne d’approvisionnement de batteries, et le pays pourra fournir au marché américain des produits fabriqués et des matériaux bruts.
La trajectoire du débat sur les changements climatiques ne sera pas comme avant, du moins pour un certain temps. Mais les progrès de réduction des émissions aux États-Unis – et les activités commerciales connexes – ne cesseront pas de sitôt. Dans les prochains mois, le Canada devra cartographier ce nouveau territoire et continuer d’avancer.