On pourrait penser que le monde a fait du surplace dans la lutte contre les changements climatiques, étant donné le recul rapide de la politique climatique aux États-Unis ainsi que la place relativement discrète que les questions climatiques ont occupée lors de la récente élection fédérale.
Cependant, des faits nouveaux récents montrent plutôt le contraire. On continue d’adopter des politiques climatiques et d’assurer la transition énergétique partout dans le monde, faisant des retours en arrière observés récemment aux États-Unis des aberrations dans le cadre d’un virage élargi à long terme axé sur l’énergie propre.
Le reste de la planète prend des mesures climatiques, ce qui représente un énorme risque pour l’économie du Canada si le pays n’emboîte pas le pas
Prenons un exemple : cette année, les véhicules électriques (VE) devraient représenter une voiture vendue dans le monde sur quatre, selon l’Agence internationale de l’énergie. L’an dernier en Chine, de loin le marché de l’automobile le plus vaste au monde, les ventes de VE ont représenté environ la moitié de toutes les ventes de véhicules de tourisme neufs. Cette proportion devrait atteindre 80 % d’ici 2030. À l’échelle mondiale, les VE devraient constituer une part de marché de 40 % en seulement cinq ans, ce qui réduira la demande mondiale de plus de 5 millions de barils de pétrole par jour.
Il s’agit d’une évolution importante pour un pays comme le Canada, dont les activités économiques actuelles dépendent en grande partie des exportations de pétrole.
Cependant, cela ne se limite pas aux véhicules de tourisme. De nombreux pays continuent d’élargir leurs politiques climatiques existantes. Ces changements pourraient avoir de vastes répercussions économiques pour le Canada, surtout à une époque où le pays cherche à renforcer ses relations avec de grands marchés d’exportation autres que les États-Unis pendant une période d’incertitude commerciale avec ces derniers.
Par exemple, la Chine et l’Inde, qui se classent respectivement au deuxième rang et au troisième rang des émetteurs les plus importants au monde, ont récemment indiqué qu’elles s’engageaient à réduire leurs émissions. Xi Jinping, président de la Chine, a fait valoir que l’évolution des réalités mondiales ne ralentira pas les efforts de la Chine pour lutter contre les changements climatiques. En fait, le marché du carbone de la Chine, qui est déjà le plus grand de ce genre au monde, prend de l’expansion, intégrant l’acier, le ciment et l’aluminium. Ce changement augmentera la portée des émissions couvertes de trois milliards de tonnes métriques, soit plus de quatre fois la taille de l’inventaire annuel des gaz à effet de serre du Canada. L’Inde, pour sa part, devrait lancer un système national d’échange de droits d’émission de carbone l’an prochain.
En Europe, le Royaume-Uni et l’UE élargissent la portée de leurs régimes d’échange de droits d’émission en mettant en place des tarifs sur le carbone visant les biens importés. Lorsque ces politiques seront en vigueur (2026 dans l’UE et 2027 au Royaume-Uni), des pays exportant des biens en Europe et au R.-U. paieront des tarifs, sauf s’ils sont déjà visés par une tarification du carbone dans leur propre territoire. Heureusement pour les exportateurs canadiens, le système de tarification du carbone industriel au pays peut les empêcher de payer le plein tarif du carbone.
De manière générale, les politiques climatiques en Europe continuent de progresser. Au début de l’année dernière, l’UE a dévoilé des plans pour renforcer sa législation en matière de carboneutralité, en établissant une nouvelle cible visant à réduire de 90 % les émissions par rapport aux niveaux observés en 1990 d’ici 2040. Même si un soutien insuffisant de la part des gouvernements a retardé l’entrée en vigueur de la nouvelle cible, le processus s’accélère maintenant que l’Allemagne, l’économie la plus importante de l’UE, l’a officiellement approuvée récemment.
Si tout cela ne suffisait pas à faire état d’une tendance mondiale évidente en ce qui concerne une économie à faibles émissions de carbone, prenons les tendances au chapitre des investissements. Au cours des dernières années, les investisseurs ont manifesté un intérêt accru à l’égard de la transition énergétique. Plus récemment, les mesures prises par le gouvernement Trump pour miner l’écologisation du secteur financier ainsi que les tentatives de l’UE de rationaliser les exigences en matière de rapports sur le climat pour les entreprises ont suscité de l’incertitude chez les investisseurs. Le marché pour les obligations vertes demeure vigoureux dans certains pays, comme l’Australie, où le gouvernement va de l’avant avec la diffusion de sa taxonomie du climat, un outil important pour soutenir les mouvements de capitaux vers les investissements à faibles émissions de carbone. Même si l’année a démarré avec l’inauguration de Trump, une entreprise d’investissement australienne a déclaré qu’elle avait émis un nombre supérieur d’obligations vertes par rapport aux obligations régulières en janvier. Au niveau mondial, si le nombre de délivrances est en légère baisse par rapport aux quatre dernières années, il reste en bonne voie pour dépasser les niveaux pré-pandémie.

Le Canada doit faire du climat une priorité au chapitre des politiques s’il veut demeurer concurrentiel
Le recul de la politique américaine a d’énormes répercussions sur le Canada, notamment en raison des liens commerciaux étroits entre les deux pays.
Toutefois, le nouveau gouvernement fédéral ne peut pas se laisser distraire par les reculs observés au sud de la frontière, compte tenu de la dynamique mondiale qui prévaut ailleurs.
S’il souhaite respecter sa promesse visant à renforcer l’économie du Canada, le nouveau gouvernement fédéral doit faire du climat une priorité au chapitre des politiques. Il peut commencer en renforçant la tarification du carbone industriel, en mettant la touche finale au règlement sur le méthane visant le pétrole et le gaz, en finalisant le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, et en publiant une taxonomie du climat élaborée au Canada.
Le fait d’harmoniser les politiques climatiques du Canada avec celles des pays qui continuent à faire des progrès au chapitre du climat soutiendra les efforts que déploie le Canada pour diversifier ses relations commerciales, réduire les barrières au commerce interne et aider l’économie canadienne à demeurer concurrentielle.