Crédit d'image: THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick. Deputy Prime Minister and Minister of Finance Chrystia Freeland delivers the federal budget in the House of Commons on Parliament Hill in Ottawa, Tuesday, March 28, 2023.

Budget 2023 : un équilibre entre les politiques et les programmes et des paiements pour soutenir la croissance propre

Le gouvernement fédéral fait des choix sensés pour stimuler les investissements.

Le budget fédéral 2023 contient diverses mesures pour injecter des fonds publics dans les projets de croissance propre dans le but d’attirer des capitaux privés. En tout, le budget alloue 70 G$ pour soutenir des investissements majeurs dans l’électricité propre et la croissance verte.

Il est peut-être difficile de comprendre l’arrimage de ces mesures en parcourant la liste, mais un diagramme du budget 2023 résume bien la stratégie canadienne (voir figure 1).

Figure 1 : Pyramide des politiques du budget 2023 incitant le secteur privé à investir dans la croissance propre

Cette pyramide montre la stratégie et les principaux outils du budget 2023. En bas se trouve la tarification de la pollution et le cadre de réglementation. Dessus, les crédits d'impôt à l'invstissement et le financement stratégique. En haut se trouve les programmes ciblés.
Source : https://www.budget.canada.ca/2023/pdf/budget-2023-fr.pdf, p. 86

Examinons ce diagramme de plus près pour mieux comprendre son incidence sur l’économie propre du Canada – et ce qui donne à ces politiques leur grande importance.

La tarification du carbone demeure l’assise solide sur laquelle repose la croissance propre du Canada

Au bas de la pyramide, on retrouve la tarification de la pollution à l’échelle de toute l’économie et des cadres de réglementation flexibles et réfléchis – la fondation sur laquelle s’appuient toutes les autres politiques, qui lui sont complémentaires. Le budget 2023 confirme les intentions du gouvernement en ce qui concerne les contrats sur différence appliqués au carbone. Sorte de polices d’assurance pour les investisseurs, ces contrats leur offrent une garantie sur les prix du carbone et les protègent contre les éventuels revirements politiques. Ils procureront la stabilité nécessaire à l’investissement privé dans l’économie propre. À la base de la pyramide se trouve aussi le Règlement sur les combustibles propres, un instrument souple qui s’appuie sur le marché pour créer de vastes incitatifs.

Considérée dans son ensemble, la fondation de la stratégie canadienne est ce qui la différencie de celle des États-Unis et de son Inflation Reduction Act. L’approche canadienne se sert de leviers politiques pour faire le gros du travail, en dissuadant les grands pollueurs plutôt qu’en misant uniquement sur le déploiement à l’échelle de l’économie de subventions ou « carottes ». Non seulement ces incitatifs sont moins coûteux, mais ils permettent aussi au Canada de distribuer ses carottes plus astucieusement.

Les crédits d’impôt à l’investissement favorisent la fabrication et l’adoption de technologies propres

En plus de la tarification du carbone, le budget 2023 présente des crédits d’impôt à l’investissement substantiels et donne davantage de précisions sur des programmes déjà annoncés. Parmi toutes ces nouvelles mesures incitatives, l’étendue des technologies et des activités admissibles est frappante : électricité propre (dont la production, le stockage et le transport), hydrogène vert, adoption et fabrication de technologies propres (y compris l’extraction, le traitement et le recyclage des principaux minéraux critiques) ainsi que captation, utilisation et stockage du carbone. Bien que cette ampleur risque d’être perçue comme de l’éparpillement, elle peut aussi être considérée comme un effort du gouvernement pour établir une structure incitative large qui laisse les forces du marché la compléter – plutôt que choisir une poignée de « gagnants ».

Deux autres aspects des crédits d’impôt à l’investissement dans la croissance propre retiennent notre attention. D’abord, une grande importance a été accordée à l’électricité – un ingrédient essentiel à la compétitivité du Canada dans un avenir sobre en carbone. L’abondance et l’abordabilité de l’énergie propre sont ce qui rend le pays attrayant pour les investisseurs du monde entier. Ensuite, le budget 2023 s’inspire de la loi américaine sur la réduction de l’inflation de manière positive, en ce sens qu’il assortit les crédits d’impôt offerts aux entreprises à des critères liés aux conditions offertes à leurs employés comme un salaire décent, des avantages sociaux et le recrutement d’apprentis.

Les interactions entre les crédits d’impôt et la tarification du carbone génèrent des risques qu’il vaut la peine d’examiner minutieusement. Les réductions d’émissions issues des projets soutenus par les crédits d’impôt à l’investissement pourraient submerger les marchés provinciaux des crédits assujettis à des systèmes de tarification fondés sur le rendement et entraîner un effondrement des prix, affaiblissant l’efficacité de la tarification du carbone. Il s’agit d’une source majeure de préoccupation qui nécessitera une attention particulière à l’évaluation de la tarification du carbone de 2027, au moment où certains de ces projets seront peut-être déjà en activité. Un recours possible serait d’empêcher les réductions des projets qui ont bénéficié de crédits d’impôt à l’investissement de générer des crédits de carbone. Nous nous pencherons sur ces interactions dans quelque temps.

Les mécanismes de partage des risques propulseront des projets stratégiquement importants

À l’étage suivant, le budget 2023 présente la Banque de l’infrastructure du Canada et le Fonds de croissance du Canada comme véhicules pour l’investissement public ciblée dans d’importants projets de croissance propre. Les deux organisations ont une structure semblable à celle d’une « banque verte », qui stimule l’investissement privé en donnant accès à des capitaux à des conditions plus favorables que celles de banques commerciales. Cette approche vise à partager les risques avec des investisseurs privés plutôt que de distribuer des subventions directes, ce qui est plus rentable et moins risqué pour la population canadienne.

Le budget 2023 apporte aussi des précisions sur la gouvernance du nouveau Fonds de croissance du Canada. L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, une société d’État, administrera les actifs du Fonds. Cette disposition institutionnelle promet un équilibre sain entre l’indépendance politique des décisions d’investissement et l’expertise financière, et une solide responsabilisation quant à l’exécution du mandat du Fonds. Mais d’importantes questions restent encore sans réponse. Par exemple, quels sont les mécanismes de responsabilisation à mettre en place? Et comment le Fonds compte-t-il définir ses critères d’investissement? Son mandat est de générer des retombées pour la société, et pas seulement pour les investisseurs; il s’agit d’un changement de perspective pour les investisseurs de l’Office.

De plus, le budget a annoncé que la Banque de l’infrastructure du Canada allouera des prêts aux communautés autochtones pour l’achat de participations en capitaux dans les projets d’infrastructure dans lesquels la Banque investit. Faciliter l’accès à la propriété de projets de croissance propre aux Autochtones est un élément capital de la réconciliation économique.

Au sommet de la pyramide : les programmes ciblés

Pour couronner le tout, le budget 2023 revigore les programmes gouvernementaux existants qui portent précisément sur des aspects de la transition du Canada vers la sobriété en carbone, notamment le Fonds stratégique pour l’innovation et le Programme des énergies renouvelables intelligentes et de trajectoires d’électrification. Ces fonds visent à stimuler la croissance des secteurs où le pays dispose d’avantages concurrentiels comme l’électricité renouvelable et les combustibles propres.

C’est une base solide qui fait la stabilité d’une pyramide

En somme, la pyramide des politiques de mobilisation de capitaux privés dans la croissance propre offre un équilibre fructueux entre la consolidation du prix du carbone dans l’ensemble de l’économie canadienne par l’entremise de contrats sur différence et l’introduction de nouvelles politiques plus ciblées pour soutenir des secteurs stratégiquement importants. Le gouvernement fédéral avait plusieurs enjeux à équilibrer dans ce budget : d’une part, il devait miser sur le soutien aux technologies et aux activités les plus prometteuses et « choisir des gagnants », et, d’autre part, injecter suffisamment de fonds publics pour apporter un changement et éviter de subventionner des projets qui progresseraient avec moins d’aide ou aucune aide de l’État.

En ce qui concerne l’avenir, le budget 2023 envisage aussi le prochain grand défi de la croissance propre du Canada : les premières pelletées de terre. Il faut construire l’infrastructure et les chaînes d’approvisionnement nécessaires à la transformation de l’économie. Il est aussi nécessaire d’accélérer les processus d’approbation réglementaire et la délivrance des permis sans compromettre les progrès sur la réconciliation et les droits autochtones, et le développement durable.

Il reste fort à faire pour maintenir la compétitivité du Canada dans un monde sobre en carbone, mais dans le budget de cette semaine, le gouvernement fédéral a construit une solide fondation.

Publications liées