Crédit d'image: Des gens prennent part à des cérémonies lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation sur le territoire traditionnel et non cédé des Anishinabe Algonquins (Ottawa) le vendredi 30 sept 2022. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick

La lutte contre les changements climatiques commence par la réconciliation avec les peuples autochtones et le territoire

Préparer le terrain pour une réconciliation qui va de pair avec le progrès des politiques climatiques.

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, c’est le moment de réfléchir à ce qu’il faut faire pour favoriser la réconciliation au Canada. Elle peut aussi grandement nous inspirer quant à la manière dont les autorités canadiennes et autochtones peuvent allier leurs forces pour créer des politiques visant à régler la crise climatique tout en réconciliant le Canada avec les peuples autochtones et le territoire et en rééquilibrant les pouvoirs. Essentiellement, de bonnes politiques climatiques (c.‑à‑d. qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre et aident les communautés à s’adapter aux changements climatiques) devraient reposer sur de saines relations entre les humains et la nature, y compris les autres êtres vivants.

Instaurée le 30 septembre 2021, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, ou Journée du chandail orange, rend hommage aux membres des Premières Nations, aux Inuits et aux Métis qui ont survécu aux pensionnats ainsi qu’aux enfants disparus. Pendant plus d’une centaine d’années, des enfants autochtones ont été arrachés de force à leur territoire, communauté, famille et culture pour être placés dans des établissements exploités par le gouvernement du Canada et les Églises catholiques romaines, méthodistes et anglicanes, le tout en vertu d’une politique du gouvernement fédéral et des autorités religieuses qui, comme le pape François l’a récemment admis, instaurait l’équivalent d’un génocide. À l’apogée de ce régime, on comptait 139 pensionnats autochtones en activité. Dans ces établissements, il y avait peu de visites des familles, voire aucune, les frères et sœurs étaient souvent séparés, et il était strictement interdit de parler des langues autochtones. Ce n’est qu’en 1996 que la dernière école du genre a fermé ses portes, et nombreuses sont les communautés qui subissent encore les contrecoups à long terme du régime sur leur langue, culture et bien-être, surtout que la découverte de sépultures anonymes continue de faire les manchettes.

Toutefois, les legs du colonialisme au Canada, et par conséquent les efforts de réconciliation, dépassent largement le cadre des cours d’école mises en place par le gouvernement. Les politiques ayant aggravé les torts causés par les pensionnats demeurent en grande partie bien ancrées dans la législation canadienne d’aujourd’hui. La Loi sur les Indiens, rédigée en 1876 et toujours en vigueur, a joué un rôle dans l’interdiction de pratiques culturelles, les déplacements forcés et l’adoption d’autres mesures visant à dépouiller les peuples autochtones de leurs terres.

Environ le tiers du libellé de la Loi sur les Indiens traite des ressources territoriales et de l’environnement. L’imposition de pratiques occidentales de gestion des ressources pour remplacer les pratiques traditionnelles d’intendance des terres au cours du dernier siècle et demi a fait perdurer le mot d’ordre du gouvernement du Canada dans les années 1870, à savoir qu’il fallait dépouiller les peuples autochtones de leurs terres et les assimiler pour exploiter les ressources.

En cette année où les feux incontrôlés ont été pires que jamais, et où les populations autochtones tout particulièrement ont été déplacées en grand nombre, il est de plus en plus reconnu que les politiques de suppression des feux font partie du problème, et d’aucuns s’en remettent au savoir autochtone pour trouver un moyen de protéger la population, les collectivités et les écosystèmes contre les effets des changements climatiques, comme en font foi des initiatives de brûlage dirigé et de réseaux de surveillance chapeautées par des Autochtones.

Le leadership et les pratiques autochtones se taillent également une place dans d’autres domaines stratégiques liés au climat, comme l’électricité propre, la préparation de projets majeurs, le militantisme pour le climat et le leadership économique. En revanche, malgré la revitalisation du savoir autochtone, il reste encore bien du pain sur la planche avant qu’une réconciliation concrète et un partage des pouvoirs s’opèrent dans l’espace politique en ce qui concerne le climat.

Historiquement, on observe un manque constant d’inclusion des peuples autochtones dans les instances politiques où les décisions environnementales sont prises, et il faut que cela cesse. L’intégration de la vision du monde, de l’expertise et du savoir autochtones dans les politiques climatiques viendra non seulement faciliter la démarche de réconciliation, mais également consolider notre relation avec le territoire et les autres êtres vivants qui dépendent de celui-ci en favorisant l’équilibre, le respect et la réciprocité des relations.

Les administrations occidentales manifestent une volonté de procéder différemment à l’avenir. Dans le Plan de réduction des émissions pour 2030, publié en juillet 2022, le gouvernement du Canada s’est engagé à adopter des politiques climatiques chapeautées par des Autochtones, qui serviront de pierre angulaire dans la transition vers la carboneutralité. Une réconciliation concrète, toutefois, ne peut s’opérer en se contentant d’ajouter une touche autochtone aux politiques climatiques actuellement en vigueur. Pour assurer une véritable réconciliation à ce chapitre, il faudra mobiliser les peuples autochtones et les gardiens du savoir en tant que dirigeants et détenteurs de droits ayant plein pouvoir sur leurs systèmes de connaissance, au lieu de les traiter comme des parties intéressées qu’il suffit de consulter. Si les connaissances et enseignements autochtones sont mieux respectés et compris, et que les peuples autochtones sont davantage représentés dans les processus décisionnels, ces derniers pourront avoir l’assurance que les protocoles seront suivis, et que leur savoir et leur sagesse ne seront pas employés à mauvais escient.

En cette journée commémorative, nous souhaitons tourner nos cœurs et esprits vers la guérison en songeant à la transformation nécessaire pour rétablir les relations entre nous et avec le territoire. Pour ce faire, nous pouvons donner corps aux propos de Christina Hoicka, Alicia Campney et Katarina Savic : « La réconciliation, c’est une restructuration et une transformation véritables des relations entre les Autochtones et les colonisateurs. » C’est là une invitation à voir à ce que les peuples autochtones, en plus de siéger aux instances où sont prises les décisions sur les politiques climatiques, soient ceux qui mettent la table.

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