BlackRock devrait écouter son président et chef de la direction de 2020 : le risque climatique reste synonyme de risque pour les investissements

La transition énergétique mondiale est pour ainsi dire inévitable; il s’agit maintenant de savoir à quel point elle sera rapide et harmonieuse.

Une grande coalition de l’industrie à l’avant-garde de la finance climatique se fracture. La semaine dernière, la plus importante société de gestion d’actifs au monde, BlackRock, s’est retirée de l’initiative Net Zero Asset Managers. Ensuite, quatre institutions financières canadiennes ont quitté une coalition climatique similaire pour les banques. Les deux organisations sont chapeautées par la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, dont le mandat est d’accroître les ambitions et la responsabilisation climatiques dans la transition vers la carboneutralité.

Le départ de BlackRock et des autres institutions financières est un recul majeur qui pourrait ralentir les nouveaux investissements dans les solutions climatiques. C’est aussi un écho de l’hostilité croissante à l’égard de l’action climatique en Amérique du Nord ainsi que de la révocation prévue des politiques climatiques sous l’administration Trump.

Pourtant, les principes de base de la finance climatique demeurent essentiellement les mêmes. Comment ces deux réalités peuvent-elles coexister?

Commençons par les raisons pour lesquelles ces principes restent pratiquement inchangés.

Dans les entreprises de partout dans le monde, les coûts des changements climatiques se font de plus en plus sentir. C’est pourquoi des institutions comme BlackRock se sont initialement alliées à des coalitions mondiales, à une époque où ce facteur était moins important qu’à l’heure actuelle. Les événements comme les incendies dévastateurs en Californie – qui, selon les projections, comptent déjà parmi les catastrophes de ce type les plus coûteuses de l’histoire des États-Unis – deviendront plus fréquents et entraîneront une hausse des coûts pour les personnes, les propriétés et les infrastructures. La multiplication de ces pertes catastrophiques aura une énorme incidence sur les résultats financiers dans le secteur.

Parallèlement, la transition énergétique mondiale est pour ainsi dire inévitable; il s’agit maintenant de savoir à quel point elle sera rapide et harmonieuse. Par exemple, en Chine, les ventes de véhicules électriques et hybrides ont presque dépassé celles des véhicules à essence en 2024 et les supplanteront probablement cette année. Cette accélération des tendances dans le plus grand marché automobile au monde aura des répercussions majeures sur la future demande de pétrole ainsi que sur les fabricants automobiles d’Amérique du Nord et d’Europe. Le monde dispose actuellement de nombreuses technologies pour réduire considérablement les émissions, technologies qui sont souvent moins chères et plus efficaces que les options plus polluantes.

Le secteur financier est bien au fait de cette nouvelle réalité. Les institutions financières se sont dotées d’expertise interne et d’équipes entièrement consacrées à l’analyse des grands risques que les changements climatiques posent pour leurs actionnaires et leur clientèle – ainsi que des immenses occasions qu’ils présentent. Qu’il s’agisse d’enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), de finance climatique ou de « capitalisme conscient », les institutions financières ont l’obligation fiduciaire d’évaluer les répercussions des risques et des occasions découlant des changements climatiques – comme de tout autre risque important – sur leurs actionnaires et leur clientèle. En termes simples, pour maximiser le rendement pour les investisseurs, les institutions financières ne peuvent pas revenir en arrière.

Si les fondements de la gestion des risques climatiques restent solides, l’abandon de la coalition mondiale par BlackRock pourrait réduire la cadence et l’ampleur des nouveaux investissements climatiques. Le monde doit consacrer des billions de dollars à l’atteinte de ses objectifs climatiques, et la plus grande partie des fonds devra provenir du secteur privé.

Le leadership mondial des institutions financières comme BlackRock est important pour combler cet écart; c’est pourquoi leur retrait de la coalition climatique internationale est non négligeable. En 2020, Larry Fink, président et chef de la direction de la société, a fait tourner les têtes dans la communauté financière internationale lorsqu’il a écrit que les risques découlant des changements climatiques « amènent les investisseurs à réévaluer leur compréhension de la finance moderne » et sont devenus un « facteur déterminant dans les perspectives d’avenir des entreprises ». Le récent revirement affaiblit le signal, autant pour la clientèle et les actionnaires de BlackRock que pour les autres institutions qui suivent de près cette société de gestion d’actifs.

L’aspect le plus inquiétant de la fracturation de la coalition est son effet sur les politiques gouvernementales.

Les politiques, comme celles sur la tarification du carbone, les crédits d’impôt, les taxonomies des investissements climatiques et la divulgation, détermineront si les institutions financières peuvent atteindre leurs cibles climatiques. Le retrait de la plus grande société de gestion d’actifs au monde pourrait fragiliser l’influence de la coalition, et donc ralentir la transition et réduire son ampleur, surtout si l’opposition populiste aux politiques climatiques gagne du terrain en Amérique du Nord.

Pour rectifier l’appel à l’action initialement lancé par Larry Fink en 2020, le risque climatique reste synonyme de risques pour les investissements, peu importe le nom qu’on lui donne ou les entités qui se penchent sur la question. Mais le retrait de BlackRock envoie un message regrettable à un moment charnière. Cela pourrait avoir une incidence sur le rendement à long terme pour tous les investisseurs.

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