Aux quatre coins du globe, les cadres de responsabilisation climatique aident les gouvernements à garder le cap dans l’atteinte de leurs cibles climatiques. Le Canada a d’ailleurs su s’inspirer des lois sur le climat de pays comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande pour s’en servir comme cadres de référence en la matière.
Le mois dernier, la Colombie-Britannique a publié son premier rapport de responsabilisation climatique. Ce dernier est une exigence fondamentale selon la loi sur le climat de la province. Il comprend d’ailleurs d’importants détails concernant la progression de la province dans l’atteinte de ces cibles climatiques. Puisque le gouvernement fédéral prévoit adopter son propre cadre de responsabilisation climatique par l’entremise du projet de loi C-12, l’approche de la Colombie-Britannique peut offrir des enseignements précieux.
Même si elle n’est pas parfaite, cette approche démontre que, lorsqu’il est question d’élaboration de cadres de responsabilisation climatique efficaces, mieux vaut en faire plus que pas assez.
Contenu du rapport
Le rapport de responsabilisation climatique démontre que la Colombie-Britannique n’est pas en voie d’atteindre son objectif : réduire les émissions de 40 % par rapport à 2007 d’ici 2030. Si les tendances se maintiennent, les mesures prises actuellement par la province devraient réduire les émissions de 22 % à 29 % par rapport à 2007.
Même si la Colombie-Britannique est loin d’être la première région du Canada à ne pas atteindre ses cibles climatiques, la publication de son rapport démontre que la loi a tout de même les effets escomptés.
L’obligation officielle et légale d’assurer une surveillance et une production de rapports transparentes permet au public de mieux comprendre et évaluer le progrès du gouvernement dans l’atteinte de ses cibles climatiques, ce qui, au final, permet aussi d’accroître la responsabilisation. Cette obligation donne aussi l’occasion aux gouvernements de démontrer au public que leurs mesures sont efficaces et conformes à leurs engagements.
Dans le contexte de la Colombie-Britannique, la publication de rapports annuels multiplie les occasions de prendre des mesures correctives.
Même si le rapport n’indique pas ce que la province compte faire pour réduire l’écart, le gouvernement s’est engagé à publier d’ici la fin de l’année un plan d’action qui tiendra compte des conseils de son organe consultatif indépendant. Il ne s’agit pas d’une simple promesse en l’air, mais bien d’une obligation légale, puisque c’est l’une des principales fonctions des lois sur la responsabilisation climatique.
Leçons pour la responsabilisation climatique fédérale
L’exemple de la Colombie-Britannique offre des enseignements de grande valeur pour le reste du Canada. Bien entendu, ce type de loi n’est pas infaillible et il ne permet pas de corriger le tir en un claquement de doigts. Toutefois, la transparence et la responsabilisation rendues possibles par de telles lois – surtout grâce à leurs obligations redditionnelles – sont inestimables. Comme observé au Royaume-Uni, on ne peut rétablir la situation qu’en ayant conscience de l’écart entre la réalité et l’objectif visé.
En novembre 2020, le gouvernement fédéral a proposé un projet de loi pour instaurer un cadre de responsabilisation climatique fédéral appuyé par des cibles à court et à long terme établies par la loi, un organe consultatif indépendant et un processus de production de rapports sur le progrès.
Toutefois, tel que présenté aujourd’hui, ce projet de loi n’est pas suffisant, et ce, pour plusieurs raisons. De fait, il met en place des cibles à court terme par tranches de cinq ans uniquement (au lieu de 10 à 15 ans d’avance), réduisant ainsi la certitude et la prévisibilité qui entourent les étapes à venir. Il définit d’ailleurs les cibles intermédiaires par des cibles de réduction des émissions plutôt que de miser sur les budgets carbone. Ces derniers seraient préférables puisqu’ils limitent le total des émissions pouvant être rejetées dans l’atmosphère pendant une période donnée, ce qui représente plus justement la contribution d’une région à l’atténuation des changements climatiques que les émissions rejetées dans l’atmosphère en une année. Par ailleurs, ce projet de loi accorde relativement peu de pouvoir à son organe consultatif indépendant.
Mais surtout, sa structure de surveillance et de production de rapports n’est pas suffisante. Alors que les lois de la Colombie-Britannique exigent la production d’un rapport annuel (par le gouvernement lui-même et non par un organe indépendant, comme dans d’autres régions), l’équivalent fédéral n’exige qu’une seule production de rapport (par le gouvernement et le Commissaire à l’environnement et au développement durable) par période cible de cinq ans. Même si un organe consultatif indépendant sera mandaté pour produire un rapport annuel décrivant ses conseils au gouvernement fédéral, cette exigence est un piètre substitut de la surveillance et de la production de rapports annuelles.
Autrement dit, ce sera plus difficile pour le gouvernement fédéral de corriger le tir s’il ne prend le pouls de la situation qu’aux cinq ans. De plus, l’approche de production de rapport suggérée n’est pas compatible avec les pratiques exemplaires internationales. Pour que la loi de responsabilisation climatique fédérale proposée soit un outil efficace pour maintenir le Canada sur la bonne voie, cette partie du projet de loi devra être repensée.
Responsabilisation climatique : plus, c’est mieux
Outre les détails techniques concernant la production de rapports sur le progrès, l’expérience de la Colombie-Britannique a aussi mis en lumière la façon dont les cadres de responsabilisation climatique des provinces et territoires peuvent s’appliquer parallèlement à un équivalent fédéral. Dans une fédération décentralisée, un cadre de responsabilisation climatique fédéral est fondamentalement limité dans ce qu’il peut légalement imposer aux provinces et territoires. Par ailleurs, comme l’Institut l’a déjà fait valoir, les provinces et territoires devraient être encouragés à instaurer leurs propres cadres de responsabilisation, comme l’ont déjà fait la Colombie-Britannique et le Manitoba. Le fait que plusieurs gouvernements aient leurs cibles établies et leurs propres politiques en ce sens peut favoriser la collaboration entre tous les acteurs dans l’atteinte de cibles climatiques particulièrement ardues. Cela peut aussi aider à faire ressortir les tensions et les incohérences entre les plans et les cibles, à jeter les bases des discussions (souvent épineuses) concernant les étapes à entreprendre et améliorer la collaboration et la coordination à travers tout le pays.
Parfois, moins, c’est mieux. Mais dans le cas des cadres de responsabilisation climatique, vaut mieux plus que pas assez : plus de production de rapports sur le progrès, plus d’occasions de corriger le tir et plus de décisions éclairées des gouvernements pour prendre les mesures nécessaires afin de contrer les changements climatiques.