Loi de 2018 sur la mise en Œuvre du plan vert et climatique du Manitoba

En 2018, le Manitoba est devenu la première province canadienne à mettre en œuvre une législation sur la responsabilité climatique. Sa législation ne comprend pas d’objectifs de réduction des émissions à long terme ni de voie de réduction des émissions clairement définie. L’approche et l’expérience du Manitoba offrent de précieuses leçons aux gouvernements canadiens qui envisagent d’élargir la législation sur la responsabilité climatique.

RÉSUMÉ

En 2018, le Manitoba a été la première province canadienne à adopter une loi de responsabilisation climatique. Son approche et son expérience offrent des enseignements précieux aux gouvernements canadiens qui prévoient mettre en place des cibles intermédiaires de réduction des émissions et instaurer une législation de responsabilisation climatique plus large. Contrairement à d’autres administrations, telles que le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et la Colombie-Britannique,, le Manitoba n’a pas inscrit dans sa loi d’objectifs de réduction des émissions à long terme ni de stratégie claire de réduction des émissions. La présente étude de cas passe en revue les grands axes de la Loi du Manitoba.

AXES DE LA LOI DU MANITOBA

1. Enchâssement des processus de reddition de comptes dans la législation

La Loi de 2018 sur la mise en œuvre du Plan vert et climatique (la Loi) instaure un compte d’épargne carbone, qui comprend des objectifs quinquennaux de réduction des émissions cumulatives et incorpore des mécanismes et des processus de reddition de comptes, notamment un conseil consultatif d’experts indépendant, des plans d’action gouvernementaux obligatoires et des systèmes de suivi et de reddition de compte à intervalle fixe.

2. Définition claire des rôles et des responsabilités

Responsabilités du gouvernement

Le ministre de la Conservation et du Climat (auparavant ministre du Développement durable) est le ministre responsable de l’application de la Loi. Aux termes de celle-ci, le ministre doit établir des structures de gouvernance, tenir un compte d’épargne carbone, élaborer des plans de réduction des émissions et rendre des comptes régulièrement sur les progrès réalisés. La Loi impose également la création d’un Bureau pour un gouvernement à faibles émissions de carbone, responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques et d’initiatives visant à réduire les émissions et à promouvoir une gestion gouvernementale durable.

Conseil consultatif d’experts

La Loi établit également un conseil consultatif d’experts, c’est-à-dire un groupe d’experts indépendant chargé de donner des conseils et des recommandations au ministre sur le Plan vert et climatique, y compris sur le compte d’épargne carbone. Les membres du conseil sont nommés par le ministre.

Le conseil a notamment pour mandat de guider le ministre sur les politiques devant figurer dans le Plan vert et climatique, d’évaluer les progrès réalisés quant à sa mise en œuvre et de recommander des objectifs de réduction des émissions. Lorsqu’il donne des conseils et des recommandations, le conseil doit tenir compte de plusieurs paramètres prévus par la Loi, comme les projections économiques, industrielles et démographiques, la mise en œuvre de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la disponibilité et l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes. Soulignons qu’il ne dispose d’aucune compétence légale.

3. Établissement de cibles intermédiaires de réduction des émissions

Dans le cadre du compte d’épargne carbone, le Manitoba fixe des objectifs quinquennaux de réduction des émissions cumulatives de la province en fonction de l’année qui précède la période quinquennale, ou « année de référence dynamique » (conseil consultatif d’experts, 2019). Le gouvernement doit définir l’objectif de réduction des émissions avant le début de chaque période en tenant compte des conseils et des recommandations du conseil consultatif d’experts. Pour formuler des recommandations, ce dernier s’appuie sur les modélisations originales des scénarios et des mesures de réduction des émissions, les analyses sectorielles, l’avis des parties prenantes ainsi que sur les tendances et les prévisions en matière d’émissions (conseil consultatif d’experts, 2019).

Pour la première période quinquennale (2018-2022), la ministre a fixé un objectif de réduction des émissions d’une mégatonne, conformément à la recommandation du conseil (gouvernement du Manitoba, 2019). Puis, en mars 2020, le gouvernement du Manitoba a décidé d’instaurer une taxe carbone fixe de 25 $ la tonne à compter du 1er juillet 2020. Cette mesure devrait selon lui doubler les réductions d’émissions cumulatives, ce qui les porterait à deux mégatonnes pour la première période quinquennale (gouvernement du Manitoba, 2020).

Le modèle du Manitoba laisse une certaine marge de manœuvre quant à l’atteinte des objectifs. À la fin de la période quinquennale, tout manque doit être porté au débit du prochain budget. Il n’y a pas de limite au montant pouvant être reporté. Toutefois, chaque compte d’épargne carbone doit augmenter par rapport à celui de la période précédente (gouvernement du Manitoba, 2017).

4. Production de plans d’action pour respecter les cibles intermédiaires

Le ministre de la Conservation et du Climat est chargé d’élaborer le Plan vert et climatique, qui comprend un vaste éventail de politiques et de programmes destinés à limiter les changements climatiques et à s’y adapter. Aux termes de la Loi, lorsqu’il élabore et met en œuvre ce plan, il doit tenir compte des avis du conseil consultatif d’experts.

5. Surveillance et reddition de comptes

Chaque année, le gouvernement est légalement tenu de déposer devant l’Assemblée législative un rapport annuel portant sur les réductions des émissions, les politiques mises en œuvre et les progrès réalisés eu égard à l’objectif fixé. Ce rapport doit également faire état des émissions de tous les ministères et organismes gouvernementaux pour l’exercice visé.

À la fin de chaque période quinquennale, le gouvernement doit préparer un rapport final recensant les émissions rejetées et évaluant si l’objectif a été atteint. Il reçoit pour ce faire l’aide du conseil consultatif d’experts, qui élabore la méthodologie et les valeurs de référence nécessaires à l’évaluation (conseil consultatif d’experts, 2019).

6.Visées au-delà de la réduction des émissions

Au-delà des objectifs de réduction des émissions, la Loi sur la mise en œuvre du Plan vert et climatique inclut des objectifs économiques et environnementaux. Plus précisément, le Plan doit comprendre un ensemble complet de programmes, de politiques et de mesures permettant de réaliser les objectifs suivants :

  1. la réduction des émissions de GES et la lutte contre les effets des changements climatiques;
  2. la promotion du développement durable;
  3. l’amélioration de la gestion et de la protection des ressources hydriques du Manitoba;
  4. la conservation et la protection des habitats naturels et de la biodiversité de la province.

LEÇONS POUR LE CANADA

Un budget de réduction des émissions cumulatives est plus avantageux qu’une cible annuelle

Dans le cadre du compte d’épargne carbone, le gouvernement fixe un budget quinquennal de réduction des émissions cumulatives au lieu d’une cible annuelle. Contrairement à une cible, un budget d’émissions cumulatives a pour avantage de limiter les émissions totales sur une période donnée (puisqu’on peut adopter autant de stratégies que nécessaire pour atteindre une cible annuelle).

L’approche cumulative tient compte du fait que ce qui importe en définitive pour limiter les répercussions des changements climatiques, ce sont les émissions totales rejetées dans l’atmosphère et non pas uniquement la quantité d’émissions rejetées pendant une année donnée. Le gouvernement fédéral peut s’inspirer de cette approche pour déterminer s’il souhaite opter pour une cible ou pour un budget quinquennal.

L’absence de cible à long terme diminue la responsabilisation,
la prévisibilité et la certitude

La Loi sur la mise en œuvre du Plan vert et climatique du Manitoba ne prévoit pas de cible de réduction des émissions à long terme, et le gouvernement provincial n’a pas non plus annoncé publiquement d’objectif à long terme. Or, le fait d’établir dans une loi une cible à long terme juridiquement contraignante favorise la responsabilisation climatique du gouvernement et accroît la prévisibilité de la future stratégie de réduction des émissions et la certitude des entreprises, des investisseurs, des consommateurs et des décideurs politiques de tous les ordres de gouvernement. Sans objectif à long terme, on dispose également de moins d’informations pour orienter la mise en place de cibles intermédiaires.

L’établissement d’un seul budget à la fois réduit la responsabilisation, la prévisibilité et la certitude

Si l’approche du Manitoba consistant à établir un budget à la fois laisse aux décideurs politiques la latitude nécessaire pour s’adapter aux circonstances changeantes, elle n’offre néanmoins pas la même certitude à long terme qu’une stratégie déterministe, comme celle consistant à établir au moins trois budgets en même temps. En outre, l’établissement d’un budget unique peut conduire à des modifications budgétaires discrétionnaires, notamment pour des raisons politiques. Même si l’engagement du gouvernement à réduire les émissions durant chaque période quinquennale suppose une ambition soutenue, une stratégie plus déterministe favoriserait la responsabilisation, la prévisibilité et la certitude.

Un grand pas en avant

La Loi sur la mise en œuvre du Plan vert et climatique du Manitoba est un grand pas en avant dans la politique climatique du Canada. L’instauration législative d’un cadre de responsabilisation – associé à des processus de gouvernance officialisés, à des cibles de réduction des émissions cumulatives et à des avis d’experts – pourrait servir à l’ensemble des gouvernements du Canada dans leur démarche de réduction des émissions et de lutte contre les changements climatiques.

RÉFÉRENCES

Conseil consultatif d’experts. 2019. Rapport du Conseil consultatif d’experts auprès du ministre du Développement durable du Manitoba : un compte d’épargne carbone pour le Manitoba.
https://manitoba.ca/asset_library/en/eac/eac_carbon_savings_report2019.pdf

Gouvernement du Manitoba. 2017. A Made-in-Manitoba Climate and Green Plan: Hearing from Manitobans.
https://www.gov.mb.ca/asset_library/en/climatechange/climategreenplandiscussionpaper.pdf

Gouvernement du Manitoba. 2020. A Made-in-Manitoba Green Levy: Moving Manitoba Forward with the Climate and Green Plan.
https://news.gov.mb.ca/asset_library/en/newslinks/2020/03/BG-Carbon_ Pricing-PR.pdf

Gouvernement du Manitoba. 2019. Objectif en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Manitoba pour la période 2018-2022. https://www.gov.mb.ca/asset_library/en/eac/sd_response.fr.pdf

REMERCIEMENTS

Cette étude de cas a été préparée par Anna Kanduth de l’Institut climatique du Canada, avec l’aide de Jason Dion, Caroline Lee et Dave Sawyer.

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