Combattre la crise climatique par l’électricité

Le Canada peut réduire ses émissions en augmentant la portée de l’une de ses plus vieilles technologies.

Initialement publié par Maclean’s.

La première famille de notre rue à acheter un véhicule électrique en 2019 était rebelle. Notre quartier est typique de l’est de Toronto : il est rempli de petits jumelés sans entrée ­– ce qui complexifie le chargement. J’ai découvert comment la famille avait réglé le problème un soir où je promenais mon chien : j’ai trébuché sur la rallonge électrique qui traversait le trottoir dans la pénombre.

À peine trois ans plus tard, on voit les stations de recharge se multiplier un peu partout au pays (une augmentation de 39 % en 2021 seulement), et on assiste à des investissements massifs dans la fabrication de véhicules et de batteries électriques. Ce tourbillon d’innovation emportera bientôt les camions et les trains, mais aussi les thermopompes, les cuisinières à induction et les chaudières industrielles. L’un des meilleurs moyens pour lutter contre les changements climatiques, c’est d’électrifier presque tout ce qui nous entoure, le plus vite possible.

Pourquoi? Les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent cesser d’augmenter d’ici 2025 pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, le point limite au-delà duquel des catastrophes commenceront à survenir. L’année passée, la Colombie-Britannique a été successivement la proie des flammes et des inondations en quelques mois à peine, et des centaines de Canadiens sont décédés durant une vague de chaleur record en juin dernier. Dans un rapport récent, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’Organisation des Nations Unies indique que l’électrification rapide et à grande échelle est l’une des meilleures solutions pour réduire notre consommation de combustibles fossiles. Et ce n’est pas une utopie : le territoire canadien comporte déjà des avantages, le plus important étant un réseau électrique relativement propre; 80 % de l’électricité est produite à partir de sources non polluantes (l’hydroélectricité principalement).

Malgré cela, l’électricité fournit moins d’un quart de l’énergie du ménage canadien moyen, soit celle qui alimente les appareils que nous branchons dans les prises murales, mais pas nos voitures (essence), nos fours (gaz naturel) et nos barbecues (propane). Nous devrons échanger nos voitures énergivores contre des modèles électriques stylés comme la Tesla, qui a complètement épaté mes enfants durant un récent essai de route. Les autobus scolaires, les camions de livraison et les transports en commun prennent aussi le virage vert. Les résidences et les bureaux abandonneront les fournaises au gaz naturel au profit de thermopompes hautement écoénergétiques, qui se multiplient déjà sur les murs extérieurs des maisons. Il n’y a pas si longtemps, il était surprenant de voir un four à induction à surface vitrée chez un ami; maintenant ils sont dans tous les magazines de décoration et tout le monde en veut un. Cette transition se fera avec l’aide d’appareils intelligents qui s’adaptent au réseau et d’applications pour téléphones intelligents qui planifient le lancement du lave-vaisselle et le chargement de la voiture au moment où la demande et les coûts sont au plus bas.

Pour répondre à la demande, les réseaux devront doubler l’offre d’électricité. Il faudra remplacer le charbon et le gaz naturel par des sources d’énergie non polluantes comme l’éolien, le solaire et l’hydroélectricité. (D’ici 2050, l’éolien et le solaire devraient représenter jusqu’à 75 % du bouquet énergétique; actuellement, on parle de 6 %.) On aura aussi besoin de milliers de nouveaux travailleurs hautement qualifiés pour bâtir les infrastructures. De plus, on extraira de plus en plus de cobalt, de cuivre et de nickel pour fabriquer des batteries – pourquoi ne pas le faire au Canada? On verra une hausse de la demande de contrôleurs de la gestion de l’énergie, qui visiteront votre maison pour mesurer votre consommation d’énergie et vous conseiller sur les façons de la réduire. Une dame a récemment évalué mon jumelé de briques rouges mal isolé : elle a installé un gros ventilateur dans la porte pour trouver toutes les fuites d’air. Son travail a permis de réduire notre consommation d’énergie de 30 %. Pas mal. 

Les sceptiques n’ont qu’à se tourner vers l’Europe pour des exemples d’électrification de masse réussie. En Norvège, près de 85 % des véhicules neufs vendus récemment étaient électriques. Le marché européen des thermopompes est en pleine explosion : ce sont 1,8 million de ménages qui en ont acheté en 2020, un chiffre qui gonflera assurément puisque des pays comme l’Allemagne ont décidé de tout donner en énergie verte pour se libérer de leur dépendance face au gaz russe. Ici, l’administration fédérale a publié son Plan de réduction des émissions, qui stipule que tous les véhicules légers vendus au Canada devront être électriques d’ici 2035. Elle a même injecté 450 millions de dollars supplémentaires dans la Subvention canadienne pour des maisons plus vertes, qui vise la modernisation des résidences.

Par ailleurs, les véhicules électriques et les fours à induction amélioreront grandement la qualité de l’air intérieur et extérieur. L’électrification réduit aussi considérablement les coûts : les technologies de l’éolien, du solaire et du stockage sont de moins en moins chères chaque année. Imaginez comme il sera agréable de ne plus avoir à synchroniser le plein de votre voiture avec les aléas du prix de l’essence. Cette paix d’esprit s’étend même au bruit : les voitures, les motos et même les motoneiges électriques sont drôlement silencieuses. Les appels à l’action climatique étaient auparavant axés sur les sacrifices : « Consommez moins! Payez plus! Soyez moins confortable! ». Ce n’est plus le cas. Nous avons connu d’autres virages technologiques, comme le passage des téléphones pliables aux téléphones intelligents ou du câble à l’écoute en continu. À voir la vitesse de l’électrification, je suis plus optimiste que jamais. La question que les gens me posent le plus souvent quand ils apprennent que je travaille dans le domaine des changements climatiques, c’est : « Est-ce qu’on peut encore faire quelque chose? » Eh bien oui. On en fait du chemin, surtout en électrification. Il faut juste accélérer le rythme.

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