Les émissions de gaz à effet de serre issues de la production pétrolière et gazière au Canada sont en décalage avec les objectifs de carboneutralité. Voilà qui risque de nous faire rater les cibles climatiques et prendre du retard dans la transition mondiale vers l’énergie propre.
Entre 2005 et 2019, les émissions du secteur pétrogazier ont crû de près de 20 % et elles n’ont pas cessé depuis. Le Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada montre que le secteur doit réduire considérablement et rapidement ses émissions : d’ici 2030, elles doivent avoir diminué de 31 % par rapport à 2005.
Le Canada doit aussi tenir compte de l’avenir de la production pétrolière et gazière et du risque d’actifs délaissés. La transition mondiale vers une économie sobre en carbone est en cours; la demande en combustibles fossiles devrait atteindre un sommet cette décennie, pour ensuite diminuer. À mesure que la transition prend son élan, la demande internationale en gaz et en pétrole pourrait chuter de façon spectaculaire.
Les politiques actuelles ne suffisent pas à gérer ces risques. Pour mettre le Canada sur la voie de la réduction d’émissions, arrimer le secteur pétrogazier à la transition et préserver la concurrentialité dans la transition mondiale vers l’énergie propre, tous les ordres de gouvernement devront mettre en place des politiques strictes et bien conçues – comme un plafond d’émissions – pour le secteur pétrolier et gazier, et ce, rapidement.
Arrimer le secteur pétrogazier à la transition vers la carboneutralité
Le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 440 mégatonnes d’ici 2030 en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il nous sera impossible d’y arriver si le secteur pétrolier et gazier ne réduit pas considérablement, comme le reste de l’économie, ses émissions.
Selon les scénarios projetés par l’Institut climatique, en l’absence de nouvelles politiques climatiques, si la situation ne change pas, les émissions pétrolières et gazières seront 6 % plus élevées en 2030 qu’en 2021, et 15 % plus élevées qu’en 2005.
En résumé : les politiques actuelles ne sont pas assez rigoureuses pour réduire les émissions du secteur pétrogazier. Pour atteindre les cibles énoncées dans le Plan de réduction des émissions du Canada, ces émissions doivent diminuer de 31 % par rapport à 2021.
Des politiques climatiques bien conçues peuvent nous rapprocher de cet objectif; le document de travail de l’Institut climatique du Canada en relève quatre qui pourraient mettre le secteur pétrolier et gazier sur la voie d’un avenir concurrentiel, en harmonie avec un Canada et un monde carboneutres.
Maintenir la concurrentialité du Canada dans la transition vers l’énergie propre
La demande à long terme en pétrole et en gaz baisse à mesure que les efforts déployés à travers le monde pour réduire les émissions de gaz à effet de serre s’intensifient. Selon le scénario de carboneutralité de l’Agence internationale de l’énergie, d’ici 2050, la demande mondiale en pétrole diminuera de 75 %, et celle en gaz, de 55 %. Bien que certains événements, y compris la guerre en Ukraine, ont engendré une hausse de la demande en pétrole et en gaz canadiens, cet état des choses n’est que temporaire. En effet, la guerre accélère la transition vers un avenir sobre en carbone : en 2022, la Commission européenne a annoncé un plan de 210 milliards d’euros pour aider l’Union européenne à accélérer sa transition vers l’énergie propre et à réduire sa dépendance au pétrole russe. L’Inflation Reduction Act des États-Unis redessine aussi le paysage international des politiques climatiques et pousse les gouvernements à repenser leurs propres orientations en la matière et leur compétitivité économique dans un monde sobre en carbone.
À travers le monde, des changements en matière de technologie, de marché et de politiques s’annoncent et réduiront davantage la demande pétrogazière, tout comme les nouvelles politiques climatiques au Canada, dont le récent projet de Règlement sur l’électricité propre.
Le déclin de la demande mondiale signifie que l’avenir du secteur pétrolier et gazier canadien ne ressemble en rien à la situation actuelle. La question reste à savoir comment les gouvernements aideront le secteur durant la transition tout en protégeant l’économie et la concurrentialité à l’international. Notre document de travail intitulé Les voies de transition pour le secteur pétrogazier montre qu’il existe un bon nombre de secteurs capables de se décarboner et de créer de nouveaux produits carboneutres. Des politiques climatiques strictes peuvent aussi aider, notamment un plafond pour les émissions pétrolières et gazières et une réglementation stricte sur le méthane.
D’autres mesures s’offrent aux ordres de gouvernement pour favoriser la transition du secteur et protéger l’économie et la concurrentialité du Canada. Par exemple, grâce à une taxonomie canadienne des investissements pour la transition, les investissements publics et privés se rendraient aux secteurs disposant d’une trajectoire de décarbonisation claire qui n’entraînera pas de délaissement des actifs et ne nous laisseront pas avec des projets hautement polluants sur les bras, non conformes aux cibles climatiques mondiales. Comme notre rapport Venons-en au fait sur la question des subventions pour les combustibles fossiles l’indique : chaque dollar dépensé dans des infrastructures incompatibles avec les objectifs de carboneutralité coûtera plus cher à la population canadienne à long terme.
Points à retenir
En raison de la hausse des émissions issues de la production pétrolière et gazière, le Canada court le risque de rater ses cibles climatiques intégrées à la loi et d’être laissé pour compte dans la transition mondiale vers l’énergie propre. Toutefois, de bonnes politiques bien conçues peuvent atténuer ces deux risques et favoriser la réussite du pays.
Lire notre document de cadrage sur le secteur pétrolier et gazier du Canada, la voie vers la carboneutralité et l’équité régionale.