Pourquoi le secteur pétrogazier du Canada doit plafonner ses émissions de gaz à effet de serre

La transition vers la carboneutralité dans le secteur pétrogazier du Canada est essentielle pour l’atteinte des objectifs climatiques nationaux. Un plafond sur les émissions du secteur peut y contribuer.

Institut climatique du Canada et Groupe consultatif pour la carboneutralité

Pour atteindre les objectifs de gaz à effet de serre du Canada, les émissions du secteur pétrogazier doivent cesser d’augmenter et être réduites en accord avec la trajectoire carboneutre.

Un plafond sur les émissions du secteur peut permettre d’atteindre cet objectif. Mais une bonne conception est essentielle.

Le gouvernement fédéral doit veiller à ce que le plafond :

  • Réalise des réductions d’émissions réelles, pas seulement des améliorations de l’intensité des émissions. Les compensations de carbone doivent être limitée et à court terme.
  • Ne détourne pas l’attention de l’impératif de devoir limiter les émissions de méthane.
  • Est conçu pour minimiser les coûts pour les entreprises. Il doit protéger la compétitivité pour éviter les “fuites” d’émissions vers d’autres juridictions.

Si le Canada veut atteindre son objectif 2030 de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement fédéral doit donner suite à sa proposition de plafonnement des émissions de pétrole et de gaz. Mais le diable est dans les détails, et il est essentiel que le projet soit bien conçu.

Les émissions du secteur pétrogazier sont en décalage avec les objectifs de transition vers la carboneutralité. Contrairement à celles d’autres secteurs de l’industrie lourde comme l’acier et le ciment, elles ne cessent de croître. Nous ne pouvons plus nous permettre cette tendance si nous voulons éviter les pires conséquences des changements climatiques.

Entre 2005 et 2019, les émissions de pétrole et de gaz ont crû de près de 20 %. En l’absence d’un plafond et de réductions obligatoires, les politiques actuelles ne sont pas assez fortes pour entraîner les réductions d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour que le Canada atteigne ses objectifs climatiques. Elles font partie de la solution au problème mondial de réchauffement planétaire.

En même temps, dans la conjoncture mondiale, la planification financière de ce secteur est complexe. À court terme, l’Europe est confrontée à une pénurie d’énergie. Elle intensifie pourtant ses efforts pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, économiser l’énergie et construire davantage de projets d’énergie renouvelable. Mais à moyen et à long terme, la baisse de la demande mondiale de pétrole et de gaz risque de faire grimper la facture totale de la transition vers la carboneutralité du Canada.

Le coût élevé de l’inaction des émissions du pétrole et du gaz

Les investissements dans des projets à forte intensité de carbone pourraient « geler » les émissions. Chaque dollar dépensé dans des infrastructures incompatibles avec les objectifs de carboneutralité coûtera plus cher aux contribuables à long terme. Comme l’explique le Groupe consultatif pour la carboneutralité (GCPC), les solutions « sans issue », comme les nouveaux projets pétrogaziers à forte intensité de carbone qui exploitent pendant des décennies, alourdiront le coût de l’atteinte de l’objectif du Canada ou le rendront hors de portée.

L’inaction coûte plus cher que l’action. Les producteurs de pétrole et de gaz ont largement les moyens pour mettre l’épaule à la roue de l’impératif social de la carboneutralité.

Fort de son expertise, de ses ressources et de sa main-d’œuvre, le secteur pétrogazier a également le pouvoir de mettre en place des solutions de décarbonisation et de diversifier ses activités.

De plus, davantage d’émissions pétrogazières signifie que d’autres secteurs seront forcés de contribuer davantage à la réduction des émissions.

La fixation d’un plafond permettrait de s’attaquer au nœud du problème. Elle permettrait d’avoir l’heure juste sur la trajectoire d’émissions du secteur pétrogazier. Elle créerait des attentes claires et un mécanisme crédible pour veiller à la compatibilité des nouveaux investissements et des projets de ce domaine avec la transition vers la carboneutralité.

Comment concevoir le plafond d’émissions pour le pétrole et le gaz

Toutefois, ce qui compte le plus, c’est la façon dont ce plafond est conçu.

Tout d’abord, le plafond doit se traduire par des réductions d’émissions réelles et absolues dans le secteur. Des améliorations de l’intensité des émissions des produits à base de combustibles fossiles ne sont pas suffisantes. Ainsi, les mécanismes de conformité flexibles comme les compensations, qui réduisent la certitude d’atteindre des réductions d’émissions permanentes, doivent être très limités et offerts uniquement à court terme. Comme le souligne le GCPC, une trajectoire vers la carboneutralité pour le secteur pétrogazier doit être cohérente avec la transition vers la carboneutralité de l’ensemble de l’économie. Elle ne peut dépendre des réductions d’émissions d’autres secteurs.

Deuxièmement, un plafond ne doit pas nous distraire de l’impératif de réduire les émissions de méthane. Ces émissions sont grandement sous-estimées. Le méthane a un potentiel de rétention de la chaleur plus de 80 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone sur une période de 20 ans. Heureusement, elles font partie des réductions d’émissions les plus abordables. Le renforcement de la réglementation sur le méthane permettrait également d’alléger la pression exercée sur le plafond. Il réalignerait le prix du carbone dans ce secteur avec le reste de l’économie. Il réduirait le coût de l’atteinte des objectifs climatiques du Canada. Pour demeurer compétitif dans un monde carboneutre, le Canada devrait s’inspirer de son voisin du sud. En effet, celui-ci vient d’adopter une loi sur la réduction de l’inflation visant à entraîner des réductions d’émissions, notamment de méthane, dans des secteurs clés.

Troisièmement, la politique doit être conçue de manière à réduire au minimum les coûts pour les entreprises et protéger la compétitivité. Cela évitera la « fuite » des émissions vers des territoires ayant des politiques climatiques moins fortes. Le gouvernement a déjà indiqué qu’il utilisera des instruments fondés sur le marché, comme la tarification du carbone, qui réduiront les coûts de mise en œuvre de la trajectoire d’émissions du secteur.

La réponse de l’Institut climatique du Canada au document de travail du gouvernement sur le plafond ouvre d’autres avenues à considérer, comme l’évitement de la superposition de multiples politiques et mécanismes de conformité. 

Le temps pour agir est court

La transition vers la carboneutralité dans le secteur pétrogazier du Canada est essentielle pour l’atteinte des objectifs climatiques nationaux. Un plafond sur les émissions du secteur peut y contribuer. Bien conçu, il peut également soutenir la transformation du secteur, le mettant en bonne position non seulement pour contribuer à nos réductions d’émissions ici au pays, mais aussi pour être compétitif dans un monde carboneutre.

Il n’y a pas de temps à perdre.

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