La taxonomie des investissements climatiques du Canada, un moteur de la transition énergétique

Les taxonomies peuvent accroître les investissements publics et privés dans des projets de croissance propre, contribuer à l’atteinte des cibles climatiques du Canada et freiner l’écoblanchiment.

On le sait, l’atteinte des cibles climatiques nationales passe par des réductions majeures des émissions de ses secteurs historiquement polluants comme le pétrole et le gaz. De plus, s’il veut atteindre ses objectifs climatiques, le Canada doit majorer ses investissements privés et publics dans les projets de croissance propre de 80 à 110 milliards de dollars par an. En mars 2023, le Conseil d’action en matière de finance durable (CAFD), un groupe nommé par le gouvernement fédéral, a recommandé l’établissement, par les gouvernements canadiens, d’une taxonomie des investissements climatiques qui aiderait à diriger les fonds vers les secteurs nécessaires. Cette taxonomie ferait office de cadre normalisé pour les marchés financiers cherchant à évaluer quels projets et investissements contribueraient à réduire les émissions de combustibles fossiles des secteurs difficiles à décarboniser conformément aux objectifs climatiques du Canada et aux scénarios mondiaux de 1,5 °C.

Mais comment le Canada devrait-il accélérer la transition des projets pétroliers et gaziers dans sa taxonomie? Nous avons regardé le cadre proposé dans le Rapport sur la feuille de route de la taxonomie du CAFD et avons mis au point une approche pour catégoriser les projets pétrogaziers qui réduisent les émissions.

Comment des projets pétrogaziers peuvent-ils s’inscrire dans une taxonomie canadienne des investissements climatiques?

Le cadre de taxonomie élaboré par l’Institut climatique du Canada s’emploie en grande partie à définir les investissements et les projets dits « verts ». La quasi-totalité des plus de 30 pays qui ont élaboré ou sont en train d’élaborer des taxonomies se concentre d’ailleurs sur la définition de cette catégorie, qui comprend généralement des activités et des projets qui s’inscrivent déjà dans un avenir carboneutre, tels que l’électricité renouvelable, les batteries et le stockage, les véhicules électriques et l’hydrogène propre. Pour ce genre de projets, le CAFD recommande de s’inspirer des cadres et des pratiques novatrices d’ailleurs, notamment de l’Union européenne.

Contrairement à celui d’autres pays et régions, le cadre de taxonomie de l’Institut climatique du Canada définit une catégorie « de transition ». Cette catégorie vise à répertorier les sources de financement et à débloquer des fonds pour des trajectoires crédibles permettant de décarboniser rapidement les secteurs à forte empreinte carbone du Canada, comme le secteur pétrogazier.

Pourquoi inclure des projets pétroliers et gaziers dans une taxonomie des investissements climatiques?

L’intégration des activités pétrogazières à la taxonomie soulève des inquiétudes bien légitimes quant à la préservation de sa crédibilité. La science du climat est sans équivoque : la production et la consommation de combustibles fossiles doivent baisser drastiquement et rapidement si l’on veut que le réchauffement mondial moyen demeure sous 1,5 °C.

Pourtant, c’est précisément en raison du profil d’émissions élevées du secteur pétrogazier qu’il est impératif d’avoir une catégorie de transition pour évaluer les projets de décarbonisation du secteur. Dans un contexte où la demande mondiale pour les combustibles fossiles commence à diminuer au cours de la présente décennie, il faudra investir à grande échelle pour décarboniser la production de pétrole et de gaz en amont afin d’atteindre les objectifs climatiques nationaux et de maintenir la compétitivité du secteur.

La figure 1 résume les critères d’admissibilité des projets à la catégorie de transition de la taxonomie du CAFD. Pris dans leur globalité, ces critères proposent une solution réaliste pour repérer, dans le secteur pétrolier et gazier, les projets admissibles à la catégorie de transition de la taxonomie, et donc à des conditions de prêts préférentielles.

Ce schéma montre les exigences particulières à satisfaire pour la catégorie "de transition".  Les projets pétrogaziers de transition admissibles doivent respecter les exigences générales, particulières et les exigences d'absence de préjudice important.

Catégorisation des investissements pétroliers et gaziers dans la taxonomie

Pour déterminer si un projet pétrolier ou gazier est admissible à la catégorie de transition proposée dans la taxonomie du CAFD, nous nous sommes penchés sur trois questions :

  1. À quel moment les émissions de portée 3 d’un projet particulier sont-elles considérées comme le principal risque de transition?
  2. Quelle est la définition d’une nouvelle installation pétrogazière par rapport à une installation existante?
  3. De quelle façon la taxonomie peut-elle déterminer si la durée de vie et la réduction des émissions des projets sont conformes aux trajectoires vers les 1,5 °C?
Ce schéma présente le cadre de classement du rapport du CAFD sur la feuille de route de la taxonomie.

La catégorisation des projets pétrogaziers selon la taxonomie des investissements climatiques du Canada, gage d’une transition harmonieuse montre que ces questions peuvent être utilisées pour confirmer quels projets entrent dans la catégorie de transition et fait état des points forts et des défis de cette approche.

Dans l’ensemble, cet article propose de placer la barre haut pour déterminer les types de projets pétroliers et gaziers admissibles à la catégorie de transition qui garderont le Canada sur une trajectoire lui permettant d’atteindre ses cibles climatiques. En utilisant des critères et des indicateurs détaillés, l’étiquette de transition parvient à concilier la promotion d’investissements transformateurs et la prévention des freins à la décarbonisation.

Une taxonomie climatique efficace et crédible doit viser haut et loin. Avec la proposition d’une catégorie de transition, le Canada a une occasion unique de s’ériger en chef de file mondial des taxonomies des investissements climatiques. Il est en passe de montrer aux autres pays qu’une taxonomie peut contribuer à la transition des secteurs difficiles à décarboner. Cette taxonomie peut également aider l’économie canadienne à demeurer concurrentielle dans un monde sobre en carbone.