Cet article a précédemment été publié dans le Edmonton Journal.
Cette semaine, des échanges dans le cadre de la semaine sur le climat à New York et au Congrès mondial du pétrole à Calgary ont donné lieu à des conclusions vastement différentes, avec très peu de chevauchements.
Explication potentielle : il y a plus d’une manière de mesurer un résultat optimal. En fait, d’un point de vue pragmatique, le moyen le plus efficace d’inciter le secteur pétrogazier à réduire ses émissions est de concevoir des politiques visant de multiples objectifs au moyen de multiples approches. Un ensemble de politiques bien pensé peut être plus puissant que la somme de ses parties.
Commençons par les objectifs des politiques climatiques.
Il est vrai que le niveau d’émissions dans le secteur pose problème. Alors que dans la plupart des secteurs de l’économie canadienne, la pollution climatique générée diminue depuis le sommet atteint en 2005, les émissions pétrolières et gazières demeurent trop élevées. De plus en plus, ce secteur complique l’atteinte des objectifs d’émissions au Canada.
Par ailleurs, les coûts ne sont pas à négliger. Le secteur pétrogazier constitue une part importante de l’économie canadienne – autour de 5 % du PIB –, et il a fait gonfler les salaires des travailleurs des provinces productrices. Il génère aussi des revenus importants, sous forme d’impôt sur le revenu et de redevances sur l’exploitation des ressources, pour les gouvernements provinciaux. C’est pourquoi les politiques d’élimination rapide de la production pétrolière et gazière ne sont pas une solution à envisager au Canada : on arriverait sans doute à réduire les émissions, mais le prix serait prohibitif.
Cela dit, des politiques climatiques réfléchies devraient tenir compte de la capacité régionale d’attirer et de maintenir des investissements dans un contexte d’un virage mondial vers la carboneutralité et du déclin inévitable de la demande en combustibles fossiles qui l’accompagnera. Même selon le scénario de la Régie de l’énergie du Canada où le reste du monde connaît une transition plus lente vers la carboneutralité, la production pétrolière au Canada baisserait de 22 % d’ici 2050 et la production gazière, de 37 % (par rapport aux chiffres de 2022). Mais à long terme, en employant les bons signaux politiques, le secteur pétrogazier pourrait bien opérer une transition vers la production de biens et services pour de nouveaux marchés, possiblement au-delà des combustibles, qui ne disparaîtront pas dans une économie mondiale carboneutre.
Enfin, des politiques réfléchies devraient inclure une répartition équitable des coûts et de la réduction des émissions entre les diverses régions canadiennes, une proposition qui pourrait prêter à controverse. Il y a deux côtés à la médaille. Des provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan considèrent comme injuste le fait de cibler directement le secteur pétrogazier, par exemple par l’imposition d’un plafond sur les émissions de pétrole et de gaz. Cela dit, sans politiques ciblées, on s’attend à ce que ces émissions continuent de croître, vu le coût élevé des mesures de réduction dans ce secteur. Dans une telle situation, pour atteindre les cibles fixées, les autres secteurs et les autres régions devraient réduire leurs émissions encore davantage et assumer une plus grande partie de la tâche, en se débrouillant essentiellement avec une plus petite portion des émissions permises au Canada.
Dans ce contexte, comment arriver à un compromis? Dans un nouveau document de travail, nous proposons quatre politiques qui permettront au secteur pétrogazier de demeurer compétitif dans le contexte d’un Canada et d’un monde carboneutres.
Le resserrement graduel des règlements sur les émissions de méthane peut favoriser les réductions d’émissions à faible coût, ce qui correspondrait au tiers des réductions nécessaires pour que le secteur soit en mesure d’atteindre les cibles pour 2030. Cette mesure garantirait également que des sources futures de croissance, comme la production d’hydrogène, soient réellement compatibles avec l’objectif de carboneutralité.
L’établissement d’un plafond d’émissions pour la production pétrolière et gazière est une mesure capitale pour faire en sorte que le Canada atteigne ses cibles climatiques en 2030 et en 2050. Le plafond garantit que d’autres politiques, comme les mesures gouvernementales de réduction des émissions dans le secteur, ne viendront pas nuire à l’atteinte des objectifs d’émissions en rendant intouchables des projets à forte intensité d’émissions. Par ailleurs, dans les secteurs et les régions où il s’applique, le plafond contribue à la progression du Canada vers la carboneutralité.
Un appui financier bien pensé à des technologies comme la captation du carbone peut aider le secteur pétrolier et gazier à remplir ses obligations en respectant le plafond imposé, ce qui répond aux préoccupations quant à l’équité devant une tarification de carbone plus élevée. Cet appui peut également augmenter la valeur des fonds publics même devant un déclin international de la demande en pétrole et en gaz, en finançant une infrastructure de captation du carbone utilisable par d’autres secteurs (tout en tirant profit des investissements privés du secteur pétrogazier).
Enfin, une taxonomie de la transition appuyée par le gouvernement peut aider le secteur pétrogazier à trouver des capitaux privés compatibles avec la transition pour financer de nouveaux investissements respectant à la fois le plafond d’émissions et la réglementation sur le méthane afin de favoriser une compétitivité sobre en carbone, mais aussi une transition rentable vers la carboneutralité.
Ces quatre politiques se complètent et contribuent à ce que le secteur pétrogazier s’inscrive dans la transition du Canada vers l’énergie propre, favorisant la croissance économique et la compétitivité du pays à long terme. Cet ensemble de politiques serait équitable pour les provinces qui produisent des combustibles fossiles, le gouvernement fédéral, l’industrie et le reste du Canada.
Et ça pourrait bien être un passeport vers une politique climatique crédible et viable pour le secteur pétrogazier canadien.