Ce post de blogue a précédemment été publié dans The Hill Times.
Si le printemps était autrefois la plus belle saison de l’année, synonyme de lumière et de légèreté à la sortie de l’hiver, il marque de plus en plus le début d’une longue saison d’angoisse. En effet, au Canada, bon nombre des répercussions les plus graves liées au climat – inondations, feux incontrôlés et vagues de chaleur – se produisent au printemps et en été, avant de laisser place à un automne orageux.
Le printemps et l’été 2023 ont battu des records : des feux incontrôlés sans précédent ont sévi partout au pays, enveloppant le continent de fumée. L’année précédente, la côte est du Canada avait été frappée par l’ouragan Fiona, la tempête la plus forte jamais enregistrée dans la région.
La population craint déjà ce qu’apporteront le printemps et l’été 2024, d’autant plus qu’un El Niño fort a entraîné un hiver inhabituel et exacerbé le risque de sécheresse persistante et de feux incontrôlés prolongés.
Ces changements climatiques et d’autres ont des conséquences profondes sur l’infrastructure du pays, des conséquences qui se chiffrent à des milliards de dollars et ont des répercussions très concrètes sur les personnes et les communautés. Simplement dit, les infrastructures canadiennes ne sont pas prêtes pour la crise climatique.
La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons nous préparer à l’avenir en adoptant des mesures qui réduiront les dépenses et les peines sur le long terme.
Les changements climatiques se font déjà sentir et iront en s’aggravant
Commençons par faire le point sur les mauvaises nouvelles. Les changements climatiques décuplent déjà les phénomènes météorologiques extrêmes observés partout au pays : feux incontrôlés sans précédent, inondations extrêmes, canicules à récurrence de 1 000 ans et sécheresses prolongées.
La facture des changements climatiques est salée : les principales répercussions coûtent déjà près de 720 $ par an aux ménages canadiens, selon des estimations de l’Institut climatique du Canada. Au total, notre économie pourrait essuyer des coûts entre 78 et 101 milliards de dollars chaque année à partir de 2050.
Les répercussions seront variables, mais n’épargneront aucune région
Les coûts des changements climatiques proviennent en grande partie des répercussions sur l’infrastructure construite : routes, voies ferrées, ports, etc. D’un océan à l’autre, les régions ont été frappées par des catastrophes d’origine climatique ravageant les infrastructures.
L’été dernier, des zones de la Nouvelle-Écosse ont reçu l’équivalent de trois mois de pluie en une seule journée. Les inondations consécutives ont endommagé les bâtiments, emporté des routes et des ponts et coupé la seule liaison ferroviaire entre Halifax et le reste du Canada.
Cet épisode a fait écho à un autre encore plus grave survenu en 2021 en Colombie-Britannique : les rivières atmosphériques avaient déversé des trombes d’eau dans la quasi-totalité de la province, entraînant de terribles inondations et glissements de terrain et la destruction de ponts et d’autoroutes cruciales. L’agglomération de Vancouver et le plus grand port du Canada s’étaient retrouvés isolés du reste du pays.
Dans les collectivités nordiques éloignées, les dommages aux chemins d’hiver essentiels et à d’autres infrastructures comme les pistes d’atterrissage et les bâtiments représentent un défi majeur. D’après nos études, le coût annuel des dommages aux routes pourrait dépasser 50 millions de dollars dans les Territoires du Nord-Ouest et 70 millions de dollars au Yukon pendant les 20 à 30 prochaines années – un coup de massue pour les caisses gouvernementales et une menace pour le mode de vie des habitants du Nord.
Des infrastructures résilientes réduiraient les coûts tout en protégeant les communautés
Les gouvernements doivent dès maintenant intégrer la résilience aux décisions d’infrastructure pour protéger les générations futures de la vulnérabilité climatique. Tous les ordres de gouvernement doivent aborder la réglementation, la planification et le financement des infrastructures avec une approche coordonnée de long terme.
Cela implique une mise à jour rapide des codes et des normes pour que la construction des infrastructures et des bâtiments résiste aux inondations, aux feux incontrôlés, aux tempêtes de vent et à d’autres phénomènes météorologiques extrêmes découlant des changements climatiques – un domaine dans lequel les gouvernements canadiens sont à la traîne. Nous aurons ainsi besoin d’informations actualisées sur les risques climatiques dans le pays, par exemple une cartographie des inondations plus exhaustive et moderne, de même que d’investissements initiaux accrus pour construire des routes, des ponts, des lignes de transport et d’autres infrastructures qui résisteront au climat de demain.
L’investissement dans l’adaptation a un coût, mais finit par être rentable. Nos études montrent que chaque dollar investi aujourd’hui dans l’adaptation au climat générera 13 à 15 $ d’économies, notamment en évitant 5 à 6 $ de réparations d’infrastructure et 6 à 10 $ de perturbations économiques.
Des récits positifs d’infrastructures résilientes commencent à se faire entendre au Canada. En Colombie-Britannique, six des ponts de la route de Coquihalla qui avaient été emportés par les inondations de 2021 ont été reconstruits avec des pieux plus profonds et des travées plus longues pour supporter un niveau d’eau plus élevé. Saint John, dans le Nouveau-Brunswick, élève ses routes et modernise ses égouts pour prévenir les conséquences des inondations rapprochées.
Tout projet d’infrastructure au Canada devrait suivre la même philosophie. Il faut agir maintenant, sans quoi les gouvernements et les communautés paieront le prix de l’amplification rapide des phénomènes extrêmes liés au climat.
Sur le plan financier, la seule réaction responsable est de se préparer maintenant. Notre futur climat sera plus imprévisible; de nouvelles infrastructures non adaptées laisseront la population sans protection et freineront l’économie du Canada.