Cet article a précédemment été publié dans le National Newswatch.
Le Canada est à la croisée des chemins dans sa lutte climatique.
La saison des feux de forêt actuelle se hisse deuxième au palmarès des plus ravageuses, ayant brûlé près de 9 millions d’hectares de forêts, bouleversé des communautés et couronné d’énormes panaches de fumée toxique de grandes zones urbaines abritant des millions de personnes.
Pourtant, malgré l’aggravation des catastrophes climatiques, le Canada est en voie de rater son prochain objectif de sobriété en carbone.
D’après une étude de l’Institut climatique du Canada, le pays n’a fait aucun progrès en la matière l’an dernier. Certains secteurs, comme l’électricité et les bâtiments, ont continué de réduire modestement leurs émissions, mais ils n’étaient pas de taille à combattre la hausse dans le secteur pétrogazier, maintenant responsable de 31 % des émissions nationales.
Et comme les gouvernements fédéral et provinciaux ont assoupli plusieurs politiques climatiques depuis, il est clair que le Canada ne pourra pas atteindre la cible qu’il s’était fixée pour 2030 dans le cadre de l’Accord de Paris.
Et maintenant?
Rappelons-nous d’abord pourquoi nous avons des objectifs.
Si le Canada souhaite réduire sa pollution, c’est que cette entreprise présente des avantages tangibles. Dans ce contexte, la définition de cibles facilite la coordination des efforts et la responsabilisation des gouvernements.
Chaque tonne d’émissions de carbone évitée réduit les dommages climatiques à l’échelle nationale et mondiale. Après des mois de mauvaise qualité de l’air, de verglas, de vents violents et de pluies torrentielles, le besoin de réduire la pollution est indéniable. Les changements climatiques sont déjà un frein important pour l’économie canadienne : nos recherches montrent que les dommages annuels représentent environ la moitié de la croissance du PIB attendue cette année.
Le Canada se place onzième au classement général des émetteurs mondiaux, et deuxième au classement par habitant. Nous avons donc une influence bien réelle sur la situation.
De plus, la réduction des émissions donne un avantage concurrentiel aux entreprises et industries du Canada, particulièrement sur les grands marchés comme l’Europe et la Chine qui imposent déjà un prix sur les émissions, transitionnent rapidement vers les énergies et les technologies propres et adoptent des modèles de tarification du carbone. C’est notamment le cas au Royaume-Uni et dans l’Union européenne, deux marchés qui seront essentiels pour résister aux relations houleuses avec les États-Unis.
Il s’agit là d’avantages non négligeables pour un Canada qui se doit d’aller chercher toute la croissance économique possible. Une cible ratée retarde certes ces avantages, mais ne les rend pas inaccessibles. Pour assurer la sûreté de tous, la concurrentialité de l’économie et l’abordabilité de l’énergie, nous aurons besoin de politiques climatiques durables et efficaces, mises en œuvre par tous les ordres de gouvernement.
Les gouvernements fédéral et provinciaux ont d’ailleurs la possibilité d’agir rapidement sur quelques plans prioritaires.
Le plus important : la modernisation des systèmes de tarification du carbone industriel. Ces systèmes visent à protéger la concurrentialité des entreprises tout en les incitant à réduire la pollution. Politique la plus efficace dont dispose le Canada pour réduire ses émissions, la tarification du carbone est remarquablement peu coûteuse et n’a presque aucun effet sur l’abordabilité pour les consommateurs. Cependant, certains gouvernements, dont ceux de l’Alberta, de la Saskatchewan et de l’Ontario, ont assoupli leur tarification, créant une incertitude dévastatrice pour les industries.
Parmi les autres priorités, citons la promulgation du crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre afin d’accélérer la production d’électricité propre à faible coût, l’achèvement de la réglementation sur le méthane pétrogazier, l’établissement d’une taxonomie des investissements climatiques pour encourager le financement privé de projets sobres en carbone, et le maintien de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques pour multiplier les options abordables et de qualité. Sur ce dernier point, les provinces comme la Colombie-Britannique et le Québec devraient d’ailleurs prolonger ou rétablir leurs incitatifs à l’achat.
Le gouvernement du Canada devrait également travailler à préparer le pays aux catastrophes climatiques à venir. Il s’agirait notamment d’appliquer des critères de résistance aux inondations et aux feux de forêt pour les logements financés par le fédéral afin que ceux-ci soient construits en terrain plus sûr, une mesure qui pourrait sauver des vies et faire économiser des milliards de dollars lors de catastrophes futures.
Les ententes commerciales changeantes avec les États-Unis ont plongé le Canada dans une situation d’urgence économique, mais il est possible de gérer les pressions sur l’abordabilité et la concurrentialité sans démanteler les politiques climatiques. Si les gouvernements disposent d’outils pour faire face aux chocs à court terme, les changements climatiques, eux, ne sont pas près de disparaître. Ce qu’il nous faut, ce sont des signaux politiques clairs à long terme pour définir les attentes et remettre le pays sur la voie du développement sobre en carbone qui assurera notre avenir économique.