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Tempête de neige au Texas : un avertissement lancé aux Canadiens

Pour une planification de l’électricité tournée vers l’avenir, et non vers le passé

Une tempête de neige record a provoqué des pannes de courant généralisées dans le sud des États-Unis. Au Texas, État le plus touché, des millions de personnes sont toujours privées d’électricité plusieurs jours après la catastrophe et les tarifs d’électricité ont connu une flambée, atteignant 100 fois leur valeur habituelle. L’exploitant du réseau a déclenché des pannes électriques tournantes, privant ainsi ses clients d’électricité pour éviter l’effondrement de l’entièreté du réseau.

Si la crise du Texas a été provoquée par une tempête qui n’aurait rien d’extraordinaire pour nous, il ne faut pas se leurrer : cette situation doit servir d’avertissement au Canada.

Une crise aux effets en cascade

Les pannes majeures provoquées par une forte tempête de neige ont eu un double revers pour la demande et l’approvisionnement. D’un côté, le froid a fait bondir la demande en électricité pour le chauffage. De l’autre, des pannes de centrales à la grandeur de l’État ont perturbé l’approvisionnement en électricité.

Non seulement les coupures de courant ont privé des millions de foyers de chauffage et d’éclairage, mais elles ont déclenché une série de conséquences révélant l’ampleur des services essentiels dépendant de cette ressource : retard de vaccination contre la COVID-19 causé par l’absence de réfrigération et les mauvaises conditions routières, manque d’eau potable dans certaines régions en raison des répercussions sur la distribution et le traitement de l’eau et avis d’ébullition émis partout dans l’État… Même la chaîne d’approvisionnement alimentaire a été touchée, avec des pertes de lait non transformé se chiffrant en millions de dollars.

Le Canada : différent du Texas, mais tout aussi vulnérable

Bien sûr, nous ne sommes pas le Texas. Alors que son réseau est isolé du reste du pays, ceux du sud du Canada sont bien connectés aux grands réseaux nord-américains. L’électricité du Texas provient majoritairement des combustibles fossiles (gaz naturel et charbon), avec une proportion modeste mais croissante d’éolien et de solaire. Au Canada, le bouquet énergétique varie d’une région à l’autre, mais c’est généralement l’hydroélectricité, avec ses forces et ses faiblesses, qui domine.

Mais ne nous berçons pas d’illusions : ce n’est pas parce que nous pouvons braver le froid que la situation du Texas ne nous concerne pas. Les Texans ont été déconcertés par le froid canadien, mais que ferions-nous si une vague de chaleur et de sécheresse à la texane s’abattait au Canada? En fait, l’Institut travaille à la rédaction d’un rapport montrant qu’au Canada, les températures estivales extrêmes, en plus d’affecter les infrastructures qui fournissent l’électricité, feraient augmenter la demande de courant en période de pointe… ça vous rappelle quelque chose?

Avec les changements climatiques, la fréquence de divers types d’événements à longue traîne (faible probabilité, forte incidence) ne fera qu’augmenter. Le Canada a vécu son lot d’événements de la sorte : tempêtes de verglas dans l’est, feu incontrôlé dans l’ouest, inondations partout entre les deux… Les risques climatiques varient d’une région à l’autre – précipitations extrêmes, changements dans la disponibilité de l’eau, vagues de chaleur plus fréquentes –, mais chacun pourrait avoir des répercussions sur le réseau d’électricité du Canada.

La consolidation des infrastructures n’est qu’une partie de la solution

Les événements du Texas nous montrent la nécessité de consolider les infrastructures pour qu’elles résistent à des conditions extrêmes (pour éviter un gel des puits de gaz et des éoliennes, par exemple). Or, de telles modifications ciblées ne sont qu’une partie de la solution. Comme nous ne savons ni où ni quand une catastrophe frappera, c’est le système au complet qu’il faut renforcer, notamment en permettant la défaillance de certaines parties pour mieux rebondir. 

  • Consolider le réseau : En situation de crise, une interconnexion solide peut servir de bouée de sauvetage; c’est d’ailleurs son absence qui s’est révélée le talon d’Achille du Texas. Nos réseaux provinciaux sont reliés au système du continent, même si les provinces frontalières sont généralement mieux connectées aux États du sud qu’aux provinces voisines. Par ailleurs, la construction d’installations de stockage est aussi une façon de s’assurer d’avoir des réserves de secours en cas de besoin.
  • Repenser la conception du réseau d’électricité : Pour éviter de mettre tous nos œufs dans le même panier, il faut soutenir la décentralisation du réseau d’électricité basée sur la diversification des sources. Ainsi, même si une centrale ou un type d’énergie flanche, le système tiendra le coup. Cela vaut également pour les communautés qui ne sont pas desservies par un réseau. Par exemple, la Première Nation de Gull Bay dans le nord de l’Ontario a installé un miniréseau solaire pour accroître son autonomie énergétique et réduire sa dépendance au diesel. 

Il importe également de vérifier si la structure du marché intègre les bonnes mesures incitatives pour renforcer la résilience. Que ce soit par un modèle (plus) déréglementé en Alberta et en Ontario, ou un modèle vertical comme dans plusieurs autres provinces, dans un monde idéal, le marché doit favoriser la résilience des autorités réglementaires, des installations et des consommateurs, ou du moins ne pas leur mettre de bâtons dans les roues.

  • Ne pas oublier la demande : Il est facile de rejeter la responsabilité des pannes sur les défaillances des centrales et des lignes de transport. Cependant, les gains d’efficacité résidentielle et industrielle – meilleure isolation, électroménagers plus efficaces – se traduisent par une baisse de la demande, et, dans l’absolu, préviennent les perturbations. Une réponse en temps réel de la demande pourrait donc encourager la conservation ou le déplacement de la charge en cas de rareté d’approvisionnement, mais nécessiterait un plus grand déploiement d’infrastructures de réseau intelligent et une refonte de la structure du marché dans plusieurs réseaux d’électricité au Canada.
  • Respect des objectifs de carboneutralité : La modernisation du réseau vieillissant du Canada doit intégrer la résilience en parallèle avec la poursuite d’autres objectifs, notamment la décarbonisation. Heureusement, plusieurs mesures énumérées dans cet article peuvent aider à atteindre les deux. Par exemple, une meilleure interconnexion et un stockage plus important permettraient l’intégration d’une plus grande proportion de solaire et d’éolien, tandis qu’un réseau intelligent et l’efficacité énergétique favoriseraient une utilisation efficace des ressources énergétiques. Bien entendu, il faudra tenir compte de l’abordabilité et de l’acceptabilité sociale. S’il n’existe pas de solution magique, il existe tout de même des solutions gagnantes pour tous.

Une construction d’infrastructures tournée vers l’avenir, et non vers le passé

Les événements du Texas ont montré que les graves conséquences d’événements météorologiques exceptionnels – et l’absence de planification – peuvent plonger des millions de personnes dans une obscurité glaciale. Selon les études scientifiques, les changements climatiques donneront lieu à encore davantage de ces événements à longue traîne. Comme point de départ, il faut une planification de l’électricité tournée vers l’avenir, et non vers le passé. La décarbonisation du réseau doit intégrer un renforcement de la résilience.

Restez à l’affût du rapport expliquant l’effet des changements climatiques sur les infrastructures, y compris la demande et la distribution d’électricité au Canada.

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