Les services publics à fond vers un réseau plus grand, plus propre et plus intelligent

Il est temps pour chaque province du Canada de bâtir des réseaux plus grands et plus intelligents, nécessaires à un avenir durable.

Publié initialement dans Canada’s National Observer.

La Colombie-Britannique vient tout juste d’appuyer sur l’accélérateur de sa transition vers l’énergie propre en annonçant un investissement de 36 milliards de dollars pour l’expansion et la mise à niveau de son réseau électrique dans les dix prochaines années. La nouvelle version du plan d’immobilisations de BC Hydro, annoncée mardi dernier, marque une augmentation de 50 % par rapport à la version précédente. On consacrera la majeure partie de ces sommes à établir de nouveaux liens avec la clientèle et à améliorer les actifs existants, notamment les sous-stations, les lignes de transport et les barrages hydroélectriques pour une production d’électricité plus efficace.  

Le principal moteur de cet investissement transformateur? Une demande d’énergie propre en forte croissance pour les maisons, les entreprises et les industries de la province, où l’on prévoit une augmentation de 15 % de la demande en électricité d’ici 2030. On comprend de plus en plus que l’électricité propre sera une composante essentielle au projet climatique du Canada; les modélisations de l’Institut climatique du Canada montrent que toutes les trajectoires concevables vers l’atteinte de nos cibles de décarbonisation nécessiteront une électrification de grande envergure dans à peu près tous les secteurs de l’économie canadienne.

Avec la croissance de la population, le secteur qui prend des mesures pour réduire ses émissions de carbone, et les clients qui se tournent vers des technologies propres, BC Hydro doit améliorer son réseau électrique pour suivre le rythme. S’ajoutent les efforts de la province à améliorer l’abordabilité des logements, notamment par la densification, et le poids sur les ménages de l’augmentation des prix en raison des dommages de plus en plus importants en raison des changements climatiques – de quoi renforcer la nécessité d’une mise à niveau du réseau. Pourquoi? Parce que les ménages ont besoin d’une électricité abordable et fiable ainsi que d’un accès à des technologies propres comme les véhicules électriques et les thermopompes pour réaliser des économies et profiter d’autres avantages.

Cette volte-face de l’utilisation des combustibles fossiles pour alimenter nos maisons, nos véhicules et nos milieux de travail à l’utilisation de l’électricité propre est bien entamée partout, mais particulièrement en Colombie-Britannique. Dans les six dernières années, le nombre de véhicules électriques sur les routes de la province a explosé : on en compte maintenant 20 fois plus. En effet, un nouveau véhicule utilitaire léger sur cinq vendu dans la province était électrique en 2023 – le plus haut pourcentage toutes provinces et tous territoires confondus. Plus de 200 000 maisons en Colombie-Britannique sont désormais équipées de thermopompes. Et comme de plus en plus de ménages choisissent de passer des combustibles fossiles à l’électricité propre renommée de la Colombie-Britannique (qui est 98 % renouvelable), BC Hydro a compris l’enjeu : le réseau doit tenir bon.

Cet investissement vise également à catalyser les réductions d’émissions industrielles et à attirer de nouveaux investissements privés. La demande de transport le long du littoral du nord, de Prince George à Terrace, pourrait facilement doubler durant cette décennie; cette demande provient de divers secteurs, dont celui de l’exploitation minière. Les sociétés minières, comme les autres entreprises, sont de plus en plus déterminées à réduire leurs émissions de carbone et cherchent à investir dans des lieux où il y a de l’électricité propre. Cette demande exerce une pression importante sur les fournisseurs d’équipements de technologies propres comme les batteries de véhicules électriques et les panneaux solaires.

La stratégie de renforcement du réseau de la Colombie-Britannique s’inspire d’initiatives d’autres provinces, comme le Québec. Hydro-Québec a pris les devants de façon précoce à la fin de l’année dernière, en annonçant des investissements en capital et d’exploitation de 155 à 185 milliards de dollars dans son plan d’action 2035. Les facteurs de motivation se ressemblent : encourager la décarbonisation et faciliter la croissance économique. D’ici 2050, Hydro-Québec estime que la province aura besoin du double d’électricité (la demande supplémentaire d’ici 2035 viendra, en partie plutôt égale, des maisons, du transport, du secteur industriel et de la croissance économique).

Selon leurs plans, les deux entités comptent financer à la fois les nouvelles constructions et l’exploitation des actifs existants, notamment par l’amélioration des barrages et des lignes de transport. Le plan d’Hydro-Québec, par exemple, donne la priorité à l’abordabilité en incluant des cibles d’efficacité énergétique qui doubleront les économies actuelles de la clientèle. Cela permettrait de rendre accessibles plus de 3 500 mégawatts, soit l’équivalent de plusieurs nouveaux barrages hydroélectriques.

Même avec ce niveau d’investissement, les provinces devront discuter davantage des priorités et définir la meilleure utilisation des ressources d’électricité propre. Le Québec s’est également éloigné de l’approche du premier arrivé, premier servi pour analyser d’importantes demandes de nouvelle électricité industrielles alors que la demande explose.

La Colombie-Britannique a signalé son propre virage vers la priorisation stratégique, avec sa stratégie énergétique climatique en cours d’élaboration. En 2023, la province a lancé un moratoire sur les nouveaux branchements pour les installations de minage de monnaie virtuelle. En effet, pour la fabrication et la validation des cryptomonnaies, comme le Bitcoin, on utilise des ordinateurs gourmands et intensifs en énergie.

Étant donné la cadence et l’ampleur prévues de la fructification du réseau, il sera essentiel de donner plus de place aux partenariats et au leadership autochtones pour assurer la réussite de cette transition. L’appel à l’achat d’électricité de la Colombie-Britannique à venir ce printemps et l’appel du Québec aux partenariats financiers avec les communautés autochtones signalent une détermination de plus en plus marquée pour l’adoption d’une approche collaborative. La Colombie-Britannique a également investi 140 millions de dollars pour appuyer des projets d’électricité menés par des Autochtones dans le cadre de l’initiative Indigenous Clean Energy.

Mais qu’en est-il du reste du Canada?

La planification de la transition électrique sera différente dans les provinces avec des marchés partiellement ou complètement déréglementés comme l’Ontario et l’Alberta. Cependant, ces provinces s’adaptent elles aussi : l’Ontario a fait une intervention historique, donnant des directives claires à ses exploitants de réseau, ce qui l’élève à un niveau d’ambition similaire à celui de la Colombie-Britannique et du Québec.

Les services publics bougent rapidement, non seulement pour élargir et moderniser leurs réseaux, mais également pour les rendre plus résilients, plus abordables et plus intelligents, soit mieux adaptés pour gérer les pointes de demande et les déplacer.

Quant à Hydro-Québec, elle se concentre à améliorer la fiabilité et l’abordabilité du réseau, alors que la Colombie-Britannique effectue des essais pour rendre le réseau plus intelligent et combler les écarts entre la charge et la demande, notamment grâce au chargement bidirectionnel.

L’Ontario et la Colombie-Britannique offrent des mesures incitatives aux clientes et clients qui réduisent leur consommation en temps réel (programme Peak Rewards de BC Hydro et myEnergy rewards de Hydro One). Le potentiel d’une telle gestion côté demande n’a fait ses preuves que très récemment en Alberta. En réponse à une demande urgente, la clientèle a soustrait 150 mégawatts à la demande et a sauvé le réseau du délestage. L’intégration proactive de la gestion côté demande dans l’avenir pourrait renforcer la stabilité et la résilience du réseau albertain et préparer les ressources énergétiques existantes à la croissance de la demande.

Il est temps pour chaque province du Canada de bâtir des réseaux plus grands et plus intelligents, nécessaires à un avenir durable. Les services publics commencent à faire de grands pas dans la bonne direction.

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