Initiallement publié dans Policy Options.
L’électricité propre propulsera l’économie canadienne de demain. Dans son budget de 2023, le gouvernement fédéral a pris un engagement historique : déployer les réseaux plus grands, plus propres, plus intelligents nécessaires à l’atteinte de ses objectifs climatiques et paver le chemin à un avenir où l’énergie est abordable. Une nouvelle analyse de l’Institut climatique du Canada estime les gains de l’amélioration du réseau électrique que pourraient obtenir les provinces et territoires (figure 1).
Conclusion : ils pourraient empocher gros. Le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, avec une valeur estimée de 25,7 milliards de dollars, pourrait être accordé moyennant certaines actions de la part des provinces, conditions qui devraient faire l’objet d’une consultation du gouvernement fédéral dans les prochains mois.
Mais de quel genre de conditions parle-t-on?
Une étude de l’Institut climatique met en lumière la possibilité pour le gouvernement fédéral de créer des incitatifs institutionnels pour encourager les provinces à accélérer la transformation de leurs réseaux électriques, et ce, sans empiéter sur leurs compétences grâce à quatre conditions d’admissibilité précises pour les crédits d’impôt à l’investissement et autres formes d’aide.
Condition 1 : Mandater des évaluations de trajectoires indépendantes
La première condition pouvant encourager une transition énergétique efficace et rentable pour les provinces serait d’exiger des évaluations de trajectoires indépendantes périodiques. De telles évaluations permettraient aux provinces d’avoir une vue d’ensemble sur l’économie et de cibler les options pour remplir leurs besoins énergétiques respectifs qui soient compatibles avec la carboneutralité.
Les évaluations apporteraient des clarifications crédibles quant aux trajectoires possibles pour une province ou un territoire donné, orientant les décisions des gouvernements, des services publics, des exploitants de réseau et des autorités de réglementation. Pour assurer qu’elles remplissent leur rôle sans faillir, il serait nécessaire de les réviser périodiquement (peut-être tous les trois ou cinq ans) pour les adapter aux changements sur le plan des conditions du marché, des possibilités technologiques et des profils des coûts.
Condition 2 : Revoir le mandat des institutions publiques
Les provinces s’engageraient à réviser le mandat des exploitants du réseau électrique, des services publics et des autorités de réglementation des services publics pour y intégrer des objectifs de carboneutralité. Dans la plupart des cas, ces instances ont été formées bien avant que le problème des changements climatiques soit bien compris, donc leur approche est souvent ambiguë ou non déclarée. Partout au pays, les mandats existants de ces institutions nous opposent des forces d’inertie, malgré les plans et les cibles climatiques claires des gouvernements.
La révision exigée par cette condition représente plutôt un élargissement qu’une refonte des mandats (qui comprennent normalement un approvisionnement fiable et sécuritaire en électricité à des prix justes et raisonnables). Une telle clarification, à laquelle le Royaume-Uni travaille activement, permettrait aux instances de mieux comprendre leur but, soit d’assurer l’atteinte des objectifs climatiques sans nuire à l’intérêt des contribuables.
Condition 3 : Élaborer une vision de carboneutralité
La révision des mandats pour leur conformité avec les objectifs de carboneutralité est nécessaire, mais ne suffit pas à l’accélération de la transformation des réseaux électriques provinciaux. Il existe tout simplement trop de trajectoires vers la carboneutralité pour que les autorités de réglementation des services publics, dont la mission n’est pas l’élaboration de politiques, disposent d’une base qui justifie leurs décisions.
Un document sur la vision de l’énergie offre aux autorités de réglementation et autres acteurs des indications pour la transition énergétique des provinces et guide également la mise en œuvre et la supervision. Rédigés par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ces documents présenteraient leur vision quant aux trajectoires vers la carboneutralité à emprunter ou à éviter. Bien que ces documents se veulent non contraignants et généraux, ils donneraient tout de même des directives claires de la part des gouvernements, tout en laissant la réalisation entre les mains des instances expertes chargées des activités et de la surveillance du réseau électrique.
Condition 4 : Participer à l’échange d’information
La quatrième et dernière condition obligerait les provinces à participer à des forums où elles échangeraient sur leurs expériences et données, tout en collaborant à des défis communs. Malgré le caractère non contraignant des résultats, meilleures pratiques et recommandations émergeant de tels forums, ces derniers aideraient néanmoins les instances publiques et gouvernements provinciaux participants à abattre les cloisons entre les réseaux provinciaux.
Encourager les provinces à agir sans empiéter sur leurs compétences
Selon ce modèle, l’aide financière du gouvernement fédéral serait garantie par le biais d’ententes négociées entre les différentes provinces et le gouvernement fédéral. Les provinces se verraient offrir des incitatifs financiers directs pour qu’elles acceptent les conditions décrites plus haut : le remboursement potentiel des investissements dans le réseau, avantageux pour leurs usagers.
Le gouvernement fédéral, pour sa part, aurait un moyen de stimuler un changement de cap important au sein des provinces. (Il pourrait également renforcer les incitatifs des provinces, non seulement en offrant le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre en vertu des ententes, mais aussi en offrant du financement de la Banque de l’infrastructure du Canada et du Programme des énergies renouvelables intelligentes et de trajectoires d’électrification que l’on peut voir à la figure 1.) Une chose est claire : les conditions précisées dans les ententes devraient respecter la compétence des provinces en matière d’électricité en laissant la mise en application à leur entière discrétion, y compris celle du contenu des documents de vision de l’énergie vers la carboneutralité. Ainsi, les conditions représentent une façon non prescriptive de la part du gouvernement fédéral d’encourager et d’accélérer la transformation des réseaux provinciaux et territoriaux ainsi que la construction de l’infrastructure énergétique dont la population canadienne du 21e siècle a besoin.