Protéger les terres et les eaux dans la région du Traité nº9

Étude de cas sur les mesures climatiques prises par les Autochtones

[Cliquez pour voir en français] ᐦᐊᑕᓯᓐ-ᒉᐃᒥᔅ ᐯᔨ ᓃᑖᓂᒡ ᐊᓂᑌᐦ ᐙᐸᓅᑖᑦ ᐊᣆᑌᐦᐁᕆᔦᐤ ᑳ ᐄᐦᑕᑣᐤ ᒌ ᐊᒋᔥᑖᐊᐸᔥᑖᐆᒡ ᐯᔭᒄ ᐊᓂᔫ ] ᒫᐆᒡ ᐁᐦ ᒦᔫ ᐋᐸᑕᓃᒡ ᐆᑕᐦ ᐊᔅᒌᒡ ᐁᐐ ᒥᔫᓈᑲᑕᑲᓅᒡ ᐊᔅᒌ ᓀᔥᑕ ᐁᐦ ᒥᔻᑲᒥᑕᑲᓅᒡ ᓂᐲ ᑲᔦᐦ ᒪᓯᐌᐦ ᒉᐦᒀᓐ ᐁᐦ ᐊᔫᔨᒪᑯᒡ ᐊᓐᑌᐦ ᐊᔅᒌᒡ ᒉᒌ ᒥᔫᐸᐐᒡ ᐁᐦᐐ ᐊᑕᔥᑌᔨᑕᒥᒄ ᐃᔨᔫ ᐄᐦᑐᐎᓐ᙮ ᐆ ᓈᔥᒋ ᐁᐦ ᐊᒋᐦᐊᐸᐐᒡ ᐁᐦ ᐋᐦᒋᐸᐐᒡ ᐊᔅᒌ ᐊᓐᑌᐦ ᐄᔨᔫᒡ ᐁᐄᔥ ᐐᑕᒀᒡ ‘ᒪᔅᒉᒄ’ ᑲᔦᐦ ᐊᓂᑌᐦ ᐄᔥ ᓅᒋᒦᐦᒡ ᐁᐦ ᐐᒋᑣᐤ ᐆᒥᔥᑫᐦᒀᐤ ᐄᔨᔫᒡ ᓂᐲᐆᐄᔨᔫᒡ ᐁᐄᔥ ᐊᒋᔅᒉᔨᒫᑲᓅᑣᐤ ᑲᔦᐦ᙮ ᐆᔅᑌᐦ ᓂᔥᑕᒪᑎᓅ ᒦᓐ ᓂᔮᔪ ᒋᐦᐁ ᐱᓪᓕᔭᓐ ᐁᐦ ᐸᐸᒥᐾᑖᓄᒡ ᑳᐦ ᒥᔖᒡ ᒌᒫᓐ ᐁᐦ ᐋᐸᑕᓯᒡ ᑲᔦᐦ ᐁᐦ ᐸᐦᑳᓂᔥᑖᑲᓅᒀᐤ ᒦᓐ ᐊᑕᑑ ᒥᓕᔭᓂᔅ ᒉᒌ ᔭᐆᒐᐸᐐᑖᑦ ᑳ ᒥᔖᒡ ᒌᒫᓐ ᒣᔑᑲᒻ ᐊᐦᐴᓂᐦ ᑲᔦᐦ ᐆ ᐁᐃᔨᔅᐱᓇᑳᑦ ᐎ

Les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James dans le nord de l’Ontario forment l’un des puits de carbone et l’une des régions indispensables à la vie les plus importants du monde ainsi qu’un écosystème d’une grande importance culturelle. Ce vaste paysage de tourbières, appelé « muskeg » en langue crie, est le lieu de vie des Cris et Cries d’Omushkego, connus sous le nom de « peuple de l’eau ». Stockant plus de 35 milliards de tonnes de carbone et capturant des millions de tonnes supplémentaires chaque année, cette région contribue à stabiliser le climat mondial.

Sur ces basses terres se trouvent les communautés autochtones qui ont signé le Traité no 9. Le peuple Omushkego gère la terre depuis des générations et entretient un lien spirituel et culturel profond avec ses rivières, sa faune et ses muskegs. La richesse écologique de la région est à la base des modes de vie traditionnels. C’est une pouponnière pour la biodiversité, abritant des espèces menacées, comme le caribou des bois, le carcajou et l’esturgeon, en plus d’être un sanctuaire pour des centaines d’oiseaux migrateurs. Il est crucial de protéger les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James non seulement pour atteindre les objectifs climatiques et conserver la biodiversité, mais aussi pour respecter les droits et le patrimoine des peuples autochtones.

Malgré son importance mondiale, cette région fragile fait face à une menace sans précédent en raison des projets d’exploitation minière dans la région connue sous le nom de « Cercle de feu ». Le Cercle de feu est le nom que les sociétés minières ont donné à un important gisement de minéraux situé dans la région du Traité n° 9. Avec une durée de vie de plus de 100 ans, le projet d’exploitation minière aura des répercussions négatives sur la santé de la nature et sur la capacité des générations actuelles et futures à exercer leurs droits inhérents et les droits issus de traités, dont les droits de conserver et de gérer les terres, de chasser, de pêcher et de réaliser des activités de piégeage.

Dans ce contexte, des membres de la communauté autochtone ont commencé à se mobiliser pour protéger leurs terres, en faisant valoir leurs droits environnementaux, leurs droits inhérents et leurs droits issus des traités. Parmi ces groupes communautaires, il y a le groupe Friends of the Attawapiskat River (« Friends »), une coalition formée de membres de la communauté locale qui se consacrent à la protection du bassin hydrographique de la rivière Attawapiskat contre l’exploitation minière dans le Cercle de feu. Les efforts qu’ils déploient soulignent la nécessité pressante d’amplifier les perspectives des groupes communautaires autochtones et d’expliquer pourquoi il est impossible de séparer le fait de respecter les promesses des traités de l’atteinte des objectifs en matière de climat et de conservation.

Actuellement, le fait d’autoriser des pratiques minières nuisibles discrédite la capacité du gouvernement de l’Ontario de gérer et de réglementer les activités liées à l’exploitation minière. Cela a conduit à des appels pour que les décisions soient prises par les Autochtones et respectent la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC), ainsi qu’à de nombreuses contestations et décisions judiciaires exigeant des organismes de réglementation de l’exploitation minière et des gouvernements qu’ils améliorent radicalement les pratiques actuelles. On trouve des minéraux critiques pour réduire la consommation de combustibles fossiles également dans d’autres régions, pas uniquement dans les « terres qui respirent » vierges.

La voix des groupes communautaires continue de se faire entendre en réaction aux plans élaborés par le gouvernement et l’industrie sans le consentement approprié des Autochtones. Friends est depuis devenu l’un des principaux groupes communautaires qui s’expriment au sujet des droits et des mesures climatiques dans la région. La présente étude de cas ainsi que les citations et les réflexions qu’elle renferme proviennent de Friends. Au moyen d’actions de sensibilisation, de cérémonies et de plaidoyers, la présente étude de cas fait partie des efforts déployés par Friends pour collaborer avec des alliés afin de protéger ces tourbières et les droits de ceux et celles qui vivent en aval du projet d’exploitation du Cercle de feu.

La présente étude de cas examine les mesures climatiques prises par les Autochtones dans la région du Traité n° 9, mettant l’accent sur les actions visant à protéger les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James contre l’exploitation minière dans le Cercle de feu. Elle commence par décrire de manière détaillée la toile de fond et le contexte, comme les propositions d’exploitation minière, l’importance écologique de la région et l’environnement juridique, avant d’analyser la façon dont les communautés autochtones se mobilisent sur le terrain et dans les arènes stratégiques. Elle présente ensuite des recommandations de politiques inspirées de cette lutte, comme la reconnaissance des aires protégées autochtones et l’application du CPLCC, et se termine par des réflexions sur la plus grande importance que revêtent les mouvements communautaires.

[Cliquez pour voir en français] ᐆ ᑲᐐᔅᒃ  ᐁ ᒥᓯᐌ ᐁᐦ ‘ᓈᓂᑑᐊᑰᑕᔥᑖᓄᒡ ᑲᔦᐦ ᐁᐐ ᒦᔫᑲᓇᐙᐸᑕᑲᓅᒡ ᐊᓐ ᐐᔓᐌᐎᓐ ᐯᔨᑯᔥᑌᐤ ᐋᔅᒌᐦ ᑲᔦᐦ ᓂᐲᐦ’ ᐗᐦᑏᐌᐅ ᑖᓐ ᐁᐄᔥ ᐊᑯᔅᑖᑕᑲᓃᒡ ᐋᓂᑦ ᐁᐄᔥ ᓃᐴᑣᐤ ᐄᔨᔫᒡ ᐁᐦ ᓃᑳᓂᔥᒀᑲᓅᑖᐤ ᐊᑕᔅᒉᔨᑕᒨᐦᐄᐌᐅᓐ ᑲᔦᐦ ᐯᔭᑯᔥᑌᐆᔖᑉ ᐊᔅᒌᔫᐦ ᐁᐦ ᐄᔅᐸᐐᒡ ᒌᔑᒄ ᑲᔦᐦ ᐊᔅᒌ ᐁᐦ ᒫᔥᑖᓅᒡ ᑲᔦᐦ ᓈᔥᒋ ᐁ ᓂᑑᐌᔨᑕᒧᒃ ᒉ ᐋᐦᒋᐸᐐᒡ ᒉᒀᓐ ᐁᐄᔥ ᓂᓈᑲᑕᔥᑖᑲᓅᒡ ᐁᐦ ᓅᑲᑕᑲᓅᑦ  ᐁ ᐊᒋᔥᑌᐃᑕᑲᓅᑦ  ᐄᔨᔫᒡ ᐆ᙮

Grâce à cette évaluation approfondie, la présente étude de cas illustre le rôle essentiel des têtes dirigeantes autochtones quand vient le temps de lutter contre les changements climatiques et de défendre la justice environnementale, ainsi que le besoin urgent d’apporter des changements systémiques pour assurer le respect des droits autochtones en tant que pierre angulaire de l’action collective en faveur du climat, de la conservation et de la justice.

Toile de fond et contexte

Généralités sur le Cercle de feu

Plus de 33 000 concessions minières ont été jalonnées dans une région surnommée le « Cercle de feu », qui couvre quelque 5 000 km² sur le territoire du Traité n° 9. Les permis d’exploration accordés par la province de l’Ontario, qui autorisent la coupe de lignes, le forage et les activités de construction, ouvrent l’accès à cette tourbière intacte et unique au monde, située dans les basses terres de la baie James. Aucune de ces concessions et aucun de ces permis n’ont été délivrés avec le consentement des communautés autochtones touchées et situées en aval, que Friends considère comme son chez-soi.

S’étendant sur la côte de la baie de James, la tourbière (muskeg) de cette région constitue un écosystème d’importance mondiale. Ses sols tourbeux, dont certains s’étendent sur plusieurs mètres de profondeur, se sont accumulés pendant des milliers d’années, stockant des milliards de tonnes de carbone. Selon une estimation, les tourbières des basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James renferment jusqu’à cinq fois plus de carbone par mètre carré que la forêt pluviale d’Amazonie. En tout, plus de 35 milliards de tonnes de carbone sont stockées dans ces terres.

Aussi longtemps que l’écosystème des tourbières demeure intact (humide et frais), ce carbone n’est pas libéré dans l’atmosphère, faisant donc de la région un puits de carbone naturel, capturant des gaz à effet de serre, ce qui est essentiel pour réduire les émissions dommageables pour le climat.

[Cliquez pour voir en français] ᓇᒧᐎ ᒨᔥ ᒋᑲ ᒌ ᒨᔅᑳᑲᓀᐦᐁᓐ ᐆᑲᐐᒪᐆ ᐊᔅᒌ ᔔᔮᓐ ᐆᐦᒋ ᑖᐹ ᒦᓐ ᑳᐤ ᒋᑲᒌ ᐄᑕᑲᓐ ᐊᓐ ᒉᒀᓐ᙮’ – ᐯᔭᒃ ᐊᓐ ᑳ ᐊᐹᒡ ᐊᓐᑕ ᐐᒉᐙᑲᓐᐦ ᒌᐃᔥ ᐐᑕᒻ

” On ne peut pas continuer à exploiter la terre nourricière pour un dollar, car on exploite quelque chose qui ne peut pas être remplacé. “

– Membre de Friends

En perturbant ce paysage, par exemple en asséchant les zones humides, en les creusant ou en les soumettant à des activités d’extraction, on risque de libérer ce carbone, transformant ainsi un puits de carbone d’importance mondiale en source d’émissions. Face aux changements climatiques, les scientifiques et les utilisateurs et utilisatrices des terres autochtones soulignent qu’il est essentiel de protéger ces tourbières pour empêcher la libération de niveaux de carbone pouvant altérer le climat. Autrement dit, le sort réservé à ces tourbières nordiques a d’énormes répercussions sur la capacité du Canada à atteindre ses cibles climatiques et à réduire les émissions de 40 pour cent d’ici 2030.

En plus de réguler le climat et de le stabiliser, les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James représentent un habitat riche pour la faune et exercent des fonctions écologiques irremplaçables. Les tourbières filtrent l’eau et préservent la santé des rivières Attawapiskat, Albany et Winisk et d’autres grandes rivières qui traversent cette région et descendent jusqu’à la baie James. Cette région est l’un des derniers bastions du caribou des bois en Ontario et abrite d’autres espèces sensibles, comme le carcajou et l’ours polaire à ses limites septentrionales. Un nombre incalculable d’oiseaux migrateurs nichent ou font une pause dans les tourbières et marais littoraux. D’ailleurs, les côtes de la baie d’Hudson et de la baie James sont des sites de reproduction revêtant une importance mondiale pour la sauvagine et les oiseaux de rivage.

Généralités sur le contexte juridique

L’inaction de l’industrie et des gouvernements quand vient le temps de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et de respecter les promesses des traités alimente les violations des droits des peuples autochtones, qu’il s’agisse du droit à l’eau potable, du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ou de la conservation de la nature. Comme les titulaires de droits autochtones ont constamment de la difficulté à accéder aux services juridiques pour consigner les changements aux politiques, assurer une sensibilisation à l’égard de ceux-ci et en appeler à des changements de politiques en réaction aux menaces visant leurs droits et intérêts, il est devenu essentiel d’accroître l’accès à la justice pour les actions déployées par Friends visant à amplifier les messages des groupes communautaires.

Dans le contexte du chevauchement des lois et des compétences ayant des répercussions sur les droits des membres de Friends, en tant que peuples autochtones et visés par des traités, cette section cherche à analyser une série de réformes à laquelle Friends a participé directement et qu’il a défendues afin de proposer une voie à suivre.

Droit international et obtention du “consentement”

En 2016, le Canada a annoncé qu’il appuyait la DNUDPA « sans réserve » et qu’il allait la mettre en œuvre. La DNUDPA reconnaît en particulier les droits des peuples autochtones en ce qui concerne les projets d’exploitation les touchant et touchant leurs terres, leur droit de conserver et de protéger l’environnement et la capacité de production de leurs terres et de leurs ressources.

En 2021, le Parlement canadien a édicté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (LDNUDPA), qui confirme que la DNUDPA est « un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien1 ». La Cour suprême du Canada a récemment conclu que, par l’intermédiaire de la LDNUDPA, la DNUDPA est « intégrée dans le droit positif interne du Canada », et la Cour fédérale a jugé que la DNUDPA, en tant que « cadre pour la réconciliation », souligne l’importance de « veiller au consentement libre et éclairé des Autochtones avant tout processus décisionnel qui les touche ».

Parmi les obligations qu’impose la LDNUDPA au Canada, mentionnons les suivantes :

  • Confirmer que la Déclaration constitue un instrument en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien;
  • Exiger la mise en œuvre d’un plan d’action pour atteindre les objectifs de la DNUDPA.

En dépit de ces reconnaissances et de l’élan juridique, il reste encore beaucoup de travail à faire. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, a récemment constaté que les activités d’extraction, y compris l’exploitation minière, continuent de violer les droits de la personne, en particulier le droit à l’eau des populations autochtones. Au printemps 2024, M. Arrojo-Agudo a rencontré des représentants et représentantes autochtones, recueillant des témoignages convaincants sur les conditions de vie difficiles dans les réserves, où, dans de nombreux cas, même le droit à l’eau potable n’était pas garanti. Les membres de Friends ont rencontré M. Arrojo-Agudo, à Ottawa, durant sa tournée au Canada. Ils ont indiqué que « les gens hors de la communauté ne comprennent pas les difficultés auxquelles les Premières Nations font face. Le Canada est un pays prospère, mais on a l’impression de vivre encore dans des conditions observées dans les pays du tiers monde. »

Comme les membres de Friends l’ont expliqué au rapporteur de l’ONU, sans accès à l’eau potable, les membres de la communauté ont des éruptions cutanées et d’autres problèmes dermatologiques. Les menaces de contamination de leurs rivières et de leurs muskegs (tourbières) par les activités minières ont des répercussions supplémentaires sur les membres de la communauté, suscitant peur et anxiété. Reconnaissant ces préoccupations, le rapporteur de l’ONU a déclaré que « les peuples autochtones font face, de manière disproportionnée, aux risques les plus élevés de contamination par l’eau toxique ayant de graves répercussions sur la santé. Il est regrettable que les personnes qui causent des dommages aux sources d’eau ou les polluent ne soient pas tenues responsables ni tenues de fournir un dédommagement pour les torts causés. »

Parmi les « réformes approfondies » que le rapporteur a recommandées, mentionnons les lois qui font la promotion d’une approche écosystémique fondée sur les droits de la personne, avec une participation égale des Autochtones et des gouvernements, ce qui garantit le respect du principe de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Bien que ces constatations s’appliquent directement à l’Ontario et à l’octroi continu de concessions et de permis d’exploitation minière sans le consentement des peuples autochtones, aucune loi provinciale touchant la DNUDPA n’a encore été adoptée. Le rôle de cette dernière et de la LDNUDPA est donc limité. Si la DNUDPA peut être invoquée pour interpréter les lois existantes ou aider à résoudre les ambiguïtés des textes législatifs, en tant que principe général du droit constitutionnel, le gouvernement fédéral ne peut pas faire en sorte que des lois internationales ou fédérales s’appliquent dans un domaine relevant de la compétence provinciale. Il appartient plutôt à chaque province, agissant en son nom propre, de mettre en œuvre une loi provinciale qui mettrait en application un traité international, comme la DNUDPA. Par conséquent, si la LDNUDPA et son plan d’action peuvent fournir un langage et une orientation stratégique utiles, il faut tout de même plaider en faveur d’une loi provinciale qui mette en œuvre la DNUDPA afin qu’elle soit pleinement contraignante.

Loi sur l’évaluation d’impact et son application aux projets miniers

Les peuples autochtones, y compris Friends, continuent de mettre l’accent sur l’absence de consultation véritable au sujet des projets d’extraction. Le respect des perspectives et des communautés autochtones, qui risquent d’être les plus directement touchées par les projets miniers, existants et nouveaux, de l’industrie extractive, passe par la mise en place des processus d’évaluation les plus solides, qui vont de pair avec les lois autochtones.

Il existe également un espace pour cela, étant donné que la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI) a été rédigée en tenant compte de la DNUDPA et que sa mise en œuvre est intégrée aux processus et à la prise de décision. Par exemple, la LEI exige la prise en compte des droits et des connaissances autochtones et confirme l’engagement du Canada à obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones en ce qui concerne les décisions prises dans le cadre de la LEI.

Malheureusement, en raison d’une approche « par seuil », seuls les projets miniers de la plus grande envergure font l’objet d’une évaluation d’impact (EI). Cela signifie que la majorité des projets miniers et leurs infrastructures, comme les fonderies, ne font pas l’objet d’EI2. Cette lacune dans l’application de la loi supprime alors la possibilité de faire avancer les EI menées par des Autochtones, la prise de décision conjointe et un mécanisme qui pourrait faciliter l’obtention du consentement.

Friends a également fait part de ses préoccupations concernant l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, une autorité fédérale, et a insisté sur la primordialité de mettre en place des processus dirigés par les Autochtones. Invoquant la nécessité de susciter la confiance et de disposer de l’expertise et de l’accréditation requises pour lancer un processus qui respecte le droit naturel et les traités, Friends continue de plaider en faveur d’une plus grande inclusion des membres de la communauté autochtone lors des processus d’EI.

Lois provinciales en matière d’exploitation minière et modifications régressives

Les modifications récemment apportées à la loi provinciale sur l’exploitation minière, la Loi sur les mines, par le projet de loi no 71, la Loi de 2023 visant l’aménagement de davantage de mines, ont bouleversé les protections déjà minimales en place pour les droits des Autochtones, l’environnement et les communautés. En raison des modifications, les exigences imposées aux sociétés minières pour couvrir les coûts de nettoyage après la fin des activités minières ont été réduites, en plus de supprimer la nécessité d’élaborer des plans de fermeture détaillés avant le début des activités. De plus, elles permettent aux exploitants miniers, plutôt qu’au gouvernement, d’examiner le caractère adéquat des plans techniques.

Il existe de bonnes raisons pour justifier l’obligation de présenter des plans financiers et de fermeture détaillés dès le départ. L’Ontario est le plus grand producteur de minéraux du Canada, mais c’est aussi la province qui compte le plus grand nombre de mines orphelines et abandonnées, alors que 5 000 des 10 000 mines et plus que compte le Canada se trouvent dans la province. Le projet de loi n°71 a affaibli la norme existante selon laquelle une entreprise devait préparer un plan de fermeture de la mine avant de pouvoir entreprendre sa construction.

Comme Friends l’a fait valoir auprès de l’Assemblée législative de l’Ontario lors de la présentation du projet de loi n°71, ces changements ramènent l’Ontario à une époque où la planification de la fermeture des mines et les ressources financières étaient insuffisantes, ce qui a entraîné le maintien de centaines de milliers de tonnes de produits chimiques hautement toxiques dans le paysage. Les communautés autochtones seront probablement les plus touchées par les répercussions de ces réformes et de la pollution qui en découle. Comme l’a fait remarquer le rapporteur de l’ONU sur les substances toxiques, à l’issue d’une visite au Canada en 2020, « les peuples autochtones en particulier se trouvent du mauvais côté d’un fossé toxique ». C’est dans ce contexte que Friends a demandé le retrait du projet de loi n°71 dans son entièreté.

Il est essentiel de comprendre ce contexte provincial à la lumière de l’intérêt que suscite l’exploitation minière dans la région du Cercle de feu. La société Juno Corp, dont le siège social se trouve à Toronto, est devenue la plus grande détentrice de concessions minières dans la région, contrôlant plus de 17 000 concessions minières (couvrant environ 333 000 hectares), soit plus de la moitié de toutes les concessions dans le Cercle de feu. Au deuxième rang se classe Ring of Fire Metals (une filiale de Wyloo), avec plus de 10 600 concessions minières.

Malheureusement, l’Ontario a délibérément supprimé les possibilités de garantir que les peuples autochtones ont le droit de posséder, d’utiliser et de contrôler leurs terres et territoires, comme l’exige l’article 26(2) de la DNUDPA, et que le consentement préalable, libre et éclairé pour tout projet ayant une incidence sur les terres et les ressources autochtones soit obtenu, conformément à l’article 32(2) de la DNUDPA. Les lois de l’Ontario stagnent quand vient le temps de reconnaître le droit naturel autochtone et de le respecter.

Analyse de l’étude de cas

Actions de sensibilisation, cérémonies et plaidoyer en faveur de la terre

Face aux décisions imposées par les échelons supérieurs et à la quasi-exclusion des décisions ayant des répercussions sur les droits et les terres autochtones, les groupes communautaires sont de plus en plus nombreux à s’exprimer au sujet de l’exploitation proposée du Cercle de feu. Cette hausse est également profondément enracinée dans la terre elle-même.

Un exemple frappant de cette situation s’est produit à l’automne 2023. Friends of the Attawapiskat River a organisé une expédition en canot de plusieurs semaines sur la rivière Attawapiskat, réunissant des jeunes, des Aînées et Aînés de toute la région pour faire valoir leur présence sur la terre et leur responsabilité envers elle. Des jeunes de différentes communautés, dont Attawapiskat et Neskantaga, ont fait un parcours de 386 km sur des cours d’eau ancestraux. Pendant leur parcours, ils tenaient des cérémonies à des emplacements clés. C’était bien plus qu’un voyage en canot. C’était une forme d’organisation cérémoniale.

[Cliquez pour voir en français] ‘ᐆ ᐊᐳᐎ ᔕᓇᐙᑕᔥᑣᐤ ᓂᑕᔭᒨᓇᓂᔫ ᑭᔦᐦ ᑖᓐ ᐁᐦᐃᔥ ᒋᔅᒡᔩᑖᑰᐦᐆᔮᒡ ᑲᔦᐦ ᐁᐦ ᐄᔨᔫ ᑖᐸᐌᐦᑕᒨᓂᐦ ᑲᔦᐦ ᐁᐦ ᐐ ᑲᓇᐌᔩᑕᒫᒡ ᒉ ᒫᒨ ᐊᐸᑕᔥᑖᔮᒡ ᐊᔅᒌ ᑲᔦᐦ ᒉ ᒦᔫ ᐐᒉᐆᑑᔮᒡ᙮’ -ᐯᔭᒃ ᐊᓐ ᑳ ᐊᐹᒡ ᐊᓐᑕ ᐐᒉᐙᑲᓐᐦ ᒌᐃᔥ ᐐᑕᒻ

” Cette pagaie est notre déclaration, en reconnaissance de ce que nous sommes, en tant que peuples des traités, en honorant les promesses de gentillesse, de partage et d’honnêteté, qui est notre force. “

– Membre de Friends

En naviguant sur la rivière et en prenant soin de l’eau en tenant des cérémonies, les participants et participantes ont renforcé leur lien spirituel avec le territoire et ont attiré l’attention sur les enjeux liés à la pollution de la rivière ou aux dommages causés par l’exploitation. Ces mesures terrestres incarnent le principe selon lequel les mesures de lutte contre les changements climatiques ne sont pas seulement une question de politique, mais aussi de relation avec le lieu, faisant état d’une approche autochtone en matière de protection de l’environnement qui mêle activisme et pratique culturelle.

Perspectives et défis de la mobilisation communautaire

Les mesures climatiques prises par les Autochtones autour de la région du Cercle de feu offrent plusieurs perspectives clés.

Tout d’abord, elles démontrent que les lois et les connaissances autochtones sont essentielles pour trouver des solutions viables au problème du climat. Que ce soit par la renaissance des traités en tant qu’ententes vivantes ou par la formation de coalitions, comme celle de Friends of the Attawapiskat River, qui fonctionnent selon les valeurs autochtones, ces actions montrent d’autres modèles de gérance. En raison de la réticence des gouvernements à mettre en œuvre la DNUDPA au moyen de lois provinciales et du manque de respect de l’industrie relativement au principe qu’il faut obtenir le consentement avant de procéder à toute activité d’extraction sur les terres autochtones, un objectif essentiel du travail et des activités de défense des droits de Friends reste de parvenir à un moment et à un endroit où le droit naturel autochtone est respecté.

Ensuite, le mouvement des groupes communautaires autochtones souligne l’importance que revêtent les cérémonies et la guérison fondée sur la terre dans le cadre de l’activisme. En tenant des cérémonies sur des sites endommagés par l’extraction, les protecteurs et protectrices des terres autochtones reconnaissent le traumatisme subi par la terre et confirment leur obligation de prendre soin de ces lieux. Ce processus peut renforcer la détermination de la communauté et présenter un récit moral qui va de pair avec les visions du monde et le droit autochtones. Il rappelle à tout le monde qu’au-delà des graphiques des gisements de minerai et des émissions de carbone, il existe des relations sacrées et des liens spirituels impossibles à quantifier. Si l’évaluation d’impact, en tant que processus, représente un mécanisme qui pourrait permettre de prendre en compte les valeurs sociales et culturelles (et permet également de remplacer les processus de l’État par des processus menés par des Autochtones), elle reste un forum sous-développé pour la prise de décision par des Autochtones en raison de son manque d’application à la plupart des projets miniers.

Après s’être sentis trompés ou exclus pendant des années, les membres de Friends font partie des voix autochtones qui soulignent la profonde érosion de la confiance à l’égard du gouvernement et de l’industrie. Les groupes communautaires, c’est-à-dire les peuples visés par le Traité n° 9, ont une obligation fiduciaire. Au lieu de cela, l’Ontario s’appuie sur des tactiques de division et de conquête pour faire avancer un projet sans le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de toutes les communautés.

[Cliquez pour voir en français] ‘ᐊᓂᒌ ᒥᔑᑲᔔᐊᓂᒡ ᐊᔭᐆᒡ ᐁᐄᔥ ᐯᐦᑖᑲᓯᑣᐤ᙮ ᓇᒪᐐ ᐆᔦᔑᓐ ᐐᒌᓀ ᓀᔥᑕ ᐋᑳ ᐐᒌᓀ ᐊᓐᑕ ᐄᔨᔫ ᐄᑕᐎᓂᒡ᙮ ᐐᑖᑲᓐ ᐊᓐᒌ ᑳ ᓂᑑᐦᐆᑣᐤ ᐊᒃᔦᐦ ᑳ ᓅᑕᒣᓭᑣᐤ ᐊᓐᑕ ᐊᔅᒌᒡ᙮’ -ᐯᔭᒃ ᐊᓐ ᑳ ᐊᐹᒡ ᐊᓐᑕ ᐐᒉᐙᑲᓐᐦ ᒌᐃᔥ ᐐᑕᒻ

” Les groupes communautaires ont une voix. Peu importe s’ils vivent dans une réserve ou non. Cela comprend quiconque a réalisé des activités de chasse, de piégeage ou de pêche sur le territoire. “

– Membre de Friends

Recommandations au chapitre des politiques

Recommandation 1 : reconnaître et soutenir les déclarations des Autochtones en ce qui concerne la protection des terres

Parmi les solutions puissantes à long terme pour protéger les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James, il y a la création de régions autochtones protégées et conservées (RAPC) dirigées par les peuples autochtones. Bien que la définition des RAPC varie d’une communauté à l’autre, elle repose souvent sur trois principes clés : (1) elles sont dirigées par des Autochtones; (2) elles représentent un engagement à long terme en matière de conservation; (3) elles font valoir les droits et responsabilités autochtones.

La création de RAPC accorde aux communautés autochtones l’espace nécessaire pour assurer la protection des terres et des eaux. Une RAPC désignerait officiellement de vastes étendues de tourbières et de bassins hydrographiques comme étant protégées du développement industriel, dans le cadre de modèles de gouvernance qui mettent l’accent sur le droit et la gérance autochtones. À la base, ces RAPC reconnaîtraient la nécessité de respecter les droits issus de traités.

[Cliquez pour voir en français] ‘ᐐ ᔮᔫᑕᐆᒡ ᐊᔅᒌᔫ ᐁᐆᒃ ᐙ ᐄᑑᑕᒀᐤ᙮ ᐋᐹᐦᑑ ᒉᐄᒥᔅ ᐯᐄ ᐁᐦᐄᔥᐸᔖᒡ ᒋᑲᐄᔥ ᐲᑲᐸᑕᒨᒡ᙮ ᒋᒃ ᓅᑲᓐ ᑲᔦᐦ ᐊᓐᑌᐦ ᐆᒡ ᒌᔑᑯᕝᐦ ᑲᔩᔥ ᒪᔑᓈᔥᑌᐦᐾᒡ᙮ ᐁᐦᑲ ᒫᒃ ᐄᑑᑕᒥᒣᐦ ᐊᓐ ᑲᔩᔥ ᐐ ᐄᑐᑕᒥᓐ ᑭᔭᐦ ᔖᔥ ᐆᓈᑕᔥᑕᔩᓐ᙮ ᔖᐧᐦ ᑕᔅᑖᑯᐗᐦᐋᐤ ᐆᑳᐐᒫᐤ ᐊᔅᒌ᙮’ -ᐯᔭᒃ ᐊᓐ ᑳ ᐊᐹᒡ ᐊᓐᑕ ᐐᒉᐙᑲᓐᐦ ᒌᐃᔥ ᐐᑕᒻ

« Ils vont tout simplement violer la terre. Il s’agit d’une région dont la taille équivaut peut-être à la moitié de celle de la baie James et qu’ils vont détruire. Cela va être visible sur l’imagerie satellitaire. Une fois qu’on l’a fait, on l’a déjà endommagé. La Terre mère a déjà été blessée. »

– Membre de Friends

En exigeant la protection de la région où le Cercle de feu est proposé, Friends a publié une déclaration qui stipule ce qui suit :

[Cliquez pour voir en français] ᒌᔭᓅ ᑲᔦᐦ ᐅ ᐁᔨᐅᓯᓇᑳᓱᐐᒃ ᒥᔑᑲᔔᐊᓂᒡ ᐊᓐᑌᐦ ᐆᒡ ᐄᔫᐊᑕᔥᑌᔨᑕᒨᐎᓐ 9 ᑲᔦᐦ ᐋᐌᓂᒡ ᐄᔨᔫ ᑳ ᓇᓃᐴᔥᑕᒧᐙᑣᐤ ᑲᔦᐦ ᐊᓐᑐᐌᐄᑖᑯᒡ ᒉᒌ ᐊᓂᔥᑲᒨᔮᒡ ᑲᔦᐦ ᐁᐦ ᐸᑕᔅᒋᓂᒫᒡ ᐁᔥᒃ ᐋᑳ ᐆᔥᑕᑲᓅᒡ ᐊᑕᐦᑑ ᒉᒌ  ᐊᑎᔅᒀᑏᐸᐧᐎᒡ ᒉᒀᓐ ᐊᓐᑌᐦ ᒋᑕᔅᒌᓅᒡ᙮

ᐆᔥᑖᐦ ᐆ ᐊᔑᒪᐙᑎᔒᐌᐎᓐ ᐁ ᒦᔫ ᑲᓇᐗᑉᑕᑲᓅᒀᐤ ᐊᒌᐦ ᑲᔦᐦ ᓂᐲᐦ ᐁᐦ ᐄᔅᐸᓂᑳᒡ ᐊᓐᑌᐦ ᐆᕝᐦ ᐊᔥᒌᐃ ᐁᐦ ᓇᓈᑲᑕᔥᑖᑲᓅᒀᐤ ᐊᑕᐯᔨᒋᒉᓲ ᐄᑕᔅᒡ ᑲᔦᐦ ᐊᓐ ᒋᔨᔥ ᐋᐸᑕᓰᑲᑕᒨᒃ ᐊᓐᑌᐦ ᐄᔥ ᓃᔣᔥᒡ ᐋᐴᓂᐦ ᑲᔦᐦ  ᒉᒌ ᒌᑲᐙᐸᑕᑲᓅᒡ ᒪᒨ ᐁᐄᔥ ᑲᓇᐗᐸᑕᒃᓅᒡ ᒉ ᒋᐤ ᒦᔫ ᓃᐴᒪᑯᒡ ᐊᒻᑦ ᐄᔨᔫ ᐊᑕᔥᑌᔨᑕᒨᐙᑲᓐ ᒉ ᒦᔫᑲᑑᑕᒫᑐᐐᒃ ᑲᔦᐦ ᒉ ᒦᔫᐊᑎᔥᒉᐃᑕᒨᐦᐄᑕᐐᒃ ᑲᔦᐦ ᒉ ᒪᒨ ᐋᐸᑕᔥᑕᔨᒃ ᐊᔅᒌ

NOUS, EN TANT QUE GROUPE COMMUNAUTAIRE du TRAITÉ NO 9, qui sommes titulaires de droits autochtones et dont la consultation et le consentement sont nécessaires avant toute activité d’exploitation sur nos territoires

FAISONS CETTE DÉCLARATION DE PROTECTION DES TERRES ET DES EAUX en vertu de nos lois naturelles et en tant qu’engagement envers les sept prochaines générations, et en reconnaissance de notre responsabilité partagée de respecter les droits issus des traités, soit être gentils, être honnêtes et partager la terre

Cette déclaration, qui peut encore être signée par le public et adoptée par les alliés, s’apparente à une RAPC, reconnaissant qu’il est impossible de respecter l’engagement du Canada à protéger 30 pour cent de ses terres et de ses eaux d’ici 2030 sans protéger certains lieux, comme les basses terres de la baie James, et que le fait de le faire en partenariat avec les peuples autochtones offre une voie allant de pair avec la réconciliation.

La déclaration favorise également l’atteinte des cibles mondiales en matière de protection de la biodiversité établies dans le récent Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal conclu lors de la COP15. La cible 22 fait partie des cibles qui promettent la promotion du leadership autochtone dans le domaine de la conservation. Elle est essentielle quand vient le temps de fournir de nouveaux points de départ pour la protection des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme dans le domaine de l’environnement, en exigeant que les décisions en matière de conservation respectent pleinement et équitablement les cultures et les droits sur les terres, les territoires, les ressources et les connaissances traditionnelles des peuples autochtones. Comme le texte le mentionne :

CIBLE 22

Assurer la représentation et la participation pleines et entières, équitables, inclusives, efficaces et tenant compte du genre des peuples autochtones et des communautés locales aux processus décisionnels, ainsi que l’accès à la justice et aux informations relatives à la biodiversité, dans le respect de leurs cultures et de leurs droits sur leurs terres, territoires, ressources et connaissances traditionnelles, tout en veillant à inclure les femmes et les filles, les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes handicapées, et garantir la pleine protection des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme en matière d’environnement.

Pour que le gouvernement fédéral atteigne la cible 22, les RAPC (comme la déclaration de protection faite par Friends) représentent un moyen essentiel d’aller de l’avant. La valeur intrinsèque des RAPC pour protéger la biodiversité fait écho à la reconnaissance croissante du fait que les lois naturelles autochtones, qui enseignent le respect et la responsabilité à l’égard des terres, ont été plus efficaces pour protéger la santé des écosystèmes et des espèces que les pratiques de conservation traditionnelles établies par les gouvernements au Canada.

ᒋᒌ ᐄᑐᑕᒃᓅᒡ 2: ᐁᐦᓇᑐᐌᔨᑕᑯᒡ ᐁᐦ ᐐᑖᑲᒡ ᒥᔐᐁ ᑲᔦᐦ ᐆᑖᒡ ᑲᔦᐦᓄᐦ ᒋᔅᒉᔨᑲᒪᐦᐊᑲᓅᑦ ᒉ ᓇᐦᐁᔨᑕᒃ (FPIC) ᑆᐅᒥᔥ ᐊᑕᐦᑑ ᐗᔨᐦᐆ | Recommandation 2 : obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause réfléchi avant d’accorder une approbation

Friends a demandé d’urgence un moratoire concernant la prise de décision quant au projet de Cercle de feu, exhortant les gouvernements à mettre fin à la pratique consistant à accorder des concessions minières et des permis d’exploration minière sans le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC) des titulaires de droits autochtones. Le CPLCC signifie que les communautés autochtones ont la liberté de prendre des décisions (sans contrainte), qu’elles participent à un stade précoce (avant toute décision définitive ou perturbation du sol) et qu’elles sont pleinement informées de toutes les répercussions, avec la possibilité d’accepter ou non selon leurs propres termes.

Pour y parvenir, Friends a déclaré que l’Ontario et le Canada devraient au moins suspendre l’approbation de tout nouveau permis d’exploration minière, de construction de route ou de tout autre projet jusqu’à l’obtention du consentement de toutes les Premières Nations touchées. Les perspectives des groupes communautaires, pas seulement celles des têtes dirigeantes des conseils de bande, doivent être entendues et prises en compte; il faudrait déployer des efforts particuliers pour inclure les Aînées et Aînés, les femmes et les jeunes, dont les perspectives sont parfois négligées dans les cadres de consultation de la Couronne.

ᒋᒌ ᐄᑐᑕᒃᓅᒡ 3: ᐁᐦ ᐃᑕᔥᑌᔪᑕᒃᓅᒡ ᐄᔨᔫᒡ ᐆᐐᔗᐎᓂᐅᐗᐅ ᐊᓐᑌᐦ ᐄᔥᐸᒥᒡ ᐁᐅᒡ ᓇᓈᑲᑎᔥᑕᑲᓄᐐᒡ᙮ | Recommandation 3 : respecter les revendications de souveraineté des Autochtones

Comme corollaire aux recommandations ci-dessus, les responsables des politiques devraient prendre sérieusement en considération l’appel lancé par plusieurs Premières Nations et groupes environnementaux pour l’adoption d’un moratoire concernant l’exploitation du Cercle de feu jusqu’à ce que certaines conditions soient remplies. Parmi ces conditions, comme l’explique Friends, il y a les suivantes : (a) des plans de protection robustes en place pour les tourbières et les cours d’eau sensibles; (b) les besoins fondamentaux des communautés locales (comme l’eau potable, le logement et les services de santé) doivent être pris en compte avant toute « possibilité » minière.

[Cliquez pour voir en français] ᒋᑲ ᑲᓄᐌᔨᑌᓅ ᐊᓐ ᑲ ᓂᔅᑯᒥᓇᓅᒡ ᐊᓐᒌᔥ ᑲᔦᐦ ᓇᐐ ᐊᑐᔥᑐᑦᔐᓈᓐ ᐊᔭᒨᐎᓐ ᐁᐦᐐ ᑲᓄᐌᔨᑕᒧᒃ ᐊᓐ ᑲᔨᔥ ᓇᔅᑯᒧᓈᓅᒡ ᒋᔩᔥ ᐐᑕᒨᒡ ᐊᓐᒌ ᐄᔫᒡ ᑲ ᐄᑕᑕᐗᒡ ᐊᓐᑕ ᐐᒉᐙᑲᓂᒡ᙮

” Nous devons préserver cette harmonie aujourd’hui… Nous essayons de faire passer le message qu’il faut préserver l’harmonie. “

– Membre de Friends

Aucune activité d’exploitation ne devrait avoir lieu dans une région où il n’y a pas de protection environnementale et sociale fondamentale. En adoptant un moratoire temporaire, les gouvernements créeraient un espace pour donner libre cours aux évaluations appropriées, aux processus de CPLCC et à la planification de la conservation. Selon le principe de précaution en matière de politique environnementale, l’absence de certitude scientifique totale (par exemple, concernant l’hydrogéologie des tourbières ou les répercussions cumulatives des mines sur le climat) n’est pas une raison pour reporter les mesures visant à prévenir la dégradation. Dans le même ordre d’idées, le fait de suspendre les activités dans le Cercle de feu permettrait d’éviter que des décisions irréversibles soient prises à la hâte.

Conclusion

L’action de Friends en faveur de la protection des terres et des eaux dans la région du Traité no 9 face au projet d’exploitation du Cercle de feu nous rappelle que les traités sont des promesses vivantes qui doivent orienter les agissements actuels et futurs « tant que le soleil brillera, tant que la rivière coulera, tant que l’herbe sera verte et que les Anichinabés seront là ». Les actions déployées par le groupe communautaire Friends montrent la voie à suivre. Qu’il s’agisse d’un ou une responsable des politiques, d’un représentant ou une représentante de l’industrie ou d’un ou une membre du public, chacun, chacune partage la responsabilité de faire respecter les droits et les engagements issus d’un traité, à savoir être aimable, être honnête et partager.

[Click to see in English] ᐊᓐ ᐐᒉᐙᑲᓂᐦ ᐊᑎᐸᒋᒨᓐ ᐊᐌᐃᔐᑌᐤ ᒉ ᐊᑌᐦᐳᐗᑕᑲᓅᒡ ᐋᒌᔫᓐ: ᒉ ᐐᒋᐦᐊᑲᓅᒡ ᐃᔨᔫ ᐁᐦ ᓈᑭᑌᔨᑖᒃ ᐊᔅᒋᔫ ᑲᔦᐦ ᐊᓐ ᒉ ᐊᑕᒋᔐᔨᑕᒨᐦᐄᐌᑦ ᐊᓂᔫ ᐐᔑᐌᐎᓂᐦ ᐊᔅᒌ ᐆᒡ ᑲᔦᐦ ᒉᒌ ᐊᑦᔥᑌᔨᑕᑲᓄᐐᒡ ᑲᔦᐦ ᒉᒌ ᓅᑲᑕᐦᑲᓄᐎᒡ ᐁᐦ  ᓇᓈᑲᒋᔥᑕᑲᓄᐐᒡ ᒋᔅᑕᔅᒋᔫᓂᔫ ᑲᔦᐦ ᓃᐲᔫᐦ ᑲᔦᐦ ᒋᔅᑖᐎᓂᔫ ᐄᔥᒌᔗᐆᒡ ᒉ ᒥᔫ ᑲᓇᐙᐸᑕᒀᒡ ᐊᓐᑌᐦ ᓃᔥᑕᒥᒡ᙮

L’histoire de l’organisation Friends of the Attawapiskat River sert d’appel à l’action : soutenir les protecteurs et protectrices des terres autochtones, défendre les lois naturelles et leur respect, et reconnaître que la protection des terres, de l’eau et des communautés est étroitement liée à la protection de notre avenir collectif.


1 Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, L.C. 2021, ch. 14, art. 4(a)

2 Voir les articles 18 à 25 du règlement désigné fréquemment par le terme « Liste des projets », Règlement sur les activités concrètes, DORS/2019-285.