Des politiques climatiques plus robustes peuvent rapprocher le Canada de ses principaux partenaires commerciaux

Le Canada peut choisir de reculer avec les États-Unis et perdre davantage de terrain par rapport à ses pairs, ou il peut accélérer ses efforts et rattraper les autres marchés.

Les entreprises canadiennes sont à la recherche de possibilités d’affaires au-delà de nos voisins du Sud; les plus récentes données mensuelles affichent une baisse record de la proportion d’exportations allant vers les États-Unis et une hausse du commerce avec les autres pays. Toutefois, les autres marchés avec lesquels le Canada désire diversifier ses échanges ont une longueur d’avance eu égard aux politiques climatiques, ce qui influence fortement nos perspectives économiques. 

Vu l’évolution du contexte commercial, nous avons analysé l’état des politiques en matière de climat et de finance durable des grands partenaires commerciaux du Canada. Alors que les États-Unis se rétractent, les autres pays poussent de l’avant. Le Canada bat d’ailleurs de l’aile par rapport à tous ces partenaires sur le plan des politiques climatiques.

Si le Canada reste à la traîne, la croissance de ses exportations et la concurrentialité de ses entreprises sur ces marchés en souffriront. Heureusement, il existe des solutions stratégiques; le reste du monde est d’ailleurs généralement en train de les instaurer.

D’autres pays mettent en place des politiques visant à préparer leurs marchés aux changements climatiques

Nous nous sommes penchés sur l’adoption de cinq grandes politiques complémentaires se rapportant au climat et à la finance durable chez les dix plus grands partenaires commerciaux du Canada, à l’exclusion des États-Unis. Nous observons un alignement mondial clair sur les aspects fondamentaux, signe que ces marchés se préparent aux changements climatiques et pavent la voie à la poursuite de la croissance des entreprises malgré la transition énergétique et les conditions climatiques qui vont en s’aggravant.

  1. Engagements de carboneutralité

Les engagements de carboneutralité sont des cibles nationales inscrites dans la loi ou dans les politiques qui visent un bilan net nul d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Ces promesses tracent la voie stratégique à long terme pour l’économie et encouragent d’autres choix stratégiques.

  1. Taxonomies des investissements climatiques

Les taxonomies des investissements climatiques définissent les activités commerciales qui sont conformes à l’atteinte de la carboneutralité. Grâce à elles, il est plus facile pour les chaînes d’approvisionnement et les investisseurs de repérer les entreprises présentant un faible risque et des possibilités intéressantes dans la transition climatique.

  1. Tarification du carbone ou échange de droits d’émission

En donnant un prix au carbone, on encourage financièrement les entreprises à se décarboniser. Plus de la moitié du PIB mondial est couvert par des systèmes de tarification du carbone ou d’échange de droits d’émission, ce qui donne aux entreprises des signaux de prix cohérents et leur permet d’éviter les tarifs frontaliers sur le carbone pour les exportations.

  1. Divulgation obligatoire d’informations sur le climat

La divulgation obligatoire d’informations sur le climat oblige les entreprises cotées en bourse à divulguer des renseignements sur leurs risques et possibilités en lien avec le climat. Là encore, plus de la moitié du PIB mondial est en voie d’être couvert par des normes de divulgation reconnues. Les grands investisseurs réclament l’adoption de ces normes afin d’avoir les données qu’il leur faut pour surveiller et atténuer leurs risques, et aussi maximiser le potentiel de leurs portefeuilles de placements.

  1. Encadrement des plans de transition

L’encadrement explique aux entreprises qu’elles devraient se doter d’un plan de transition afin de préparer et de divulguer de l’information prospective sur leur gestion des risques et des possibilités liés au climat dans le cadre de leur stratégie d’affaires. Ce plan présente les mesures prises par l’entreprise à la poursuite de ses ambitions climatiques ainsi que ses mécanismes de gouvernance et de responsabilisation. Les plans de transition constituent une avancée dans la manière dont les marchés communiquent au sujet des changements climatiques. D’ailleurs, les investisseurs se tournent de plus en plus vers ces plans pour comprendre le rôle que joueront les entreprises dans la transition vers la carboneutralité.

Sauf pour certaines politiques, le Canada prend du retard sur les partenaires commerciaux autres que les États-Unis

Collectivement, en adoptant ces cinq politiques, les pays définissent les marchés, créent des incitatifs et facilitent la communication d’information importante concernant les risques et les possibilités liés aux changements climatiques. Si le Canada désire accroître sa présence sur d’autres marchés, ses politiques doivent être compatibles.

Tous les pays examinés sont signataires de l’Accord de Paris, ce qui veut dire qu’ils s’engagent tous à décarboner l’économie d’ici 2050. À l’exception du Mexique, ils ont tous enchâssé leur promesse de carboneutralité dans des lois ou politiques.

La plupart des pays ont établi, ou sont en train d’établir, des critères de conformité des activités commerciales avec l’objectif de carboneutralité au moyen d’une taxonomie. Et malgré leur absence de taxonomie, le Japon et le Royaume-Uni proposent tout de même des conseils et des définitions solides par d’autres moyens, notamment des lignes directrices exhaustives pour les obligations vertes ou la planification de la transition. Le Canada s’est engagé à élaborer une taxonomie nationale, mais n’a pas encore fait de progrès en la matière, et par conséquent, les entreprises canadiennes peinent à se présenter comme conformes à l’objectif de carboneutralité.

Par ailleurs, les principaux partenaires commerciaux du Canada s’entendent presque tous pour pénaliser financièrement les émissions et encourager l’énergie propre. Chaque pays analysé attribue un prix aux émissions, à l’exception de l’Inde et des Émirats arabes unis. Même alors, l’Inde prévoit de lancer son système d’échange de droits d’émissions l’année prochaine, et les Émirats arabes unis ont créé un marché pour l’échange volontaire de crédits de carbone. 

Le Canada était parmi les premiers à adopter la tarification du carbone; sa tarification du carbone industriel a d’ailleurs démontré son efficacité et ses répercussions financières négligeables pour les consommateurs. Le gouvernement fédéral a toutefois récemment éliminé la tarification pour les consommateurs, et tout autre affaiblissement de cette mesure créerait un fossé entre les incitatifs du Canada et ceux de ses partenaires commerciaux, et forcerait par le fait même les entreprises canadiennes à payer des tarifs sur le carbone pour accéder à certains marchés. 

Au bout du compte, chaque pays à l’exception du Canada a mis en place des mesures de divulgation obligatoire d’informations sur le climat, ou est en voie de le faire, ce qui leur donne un avantage lorsque vient le temps de définir les risques et possibilités par rapport aux nouvelles réalités climatiques ainsi que jeter les bases pour l’élaboration de normes ou d’orientations pour les plans de transition. C’est à ce chapitre que le Canada perd le plus de terrain, puisqu’il n’y a pas d’obligation d’information ni de plan de transition formalisé. Les autorités canadiennes ont conçu des normes volontaires pour la divulgation d’informations sur le climat, mais les organismes de réglementation des valeurs mobilières ont mis un frein aux démarches visant à les rendre obligatoires. En l’absence de normes de divulgation, les entreprises se donnent davantage de mal à anticiper le risque climatique et à y réagir, et sans politiques gouvernementales formelles, l’encadrement des plans de transition revient à des initiatives non gouvernementales, comme l’initiative Parcours des entreprises de demain menée par des investisseurs. 

La mise au diapason des politiques climatiques peut aider à diversifier des exportations du Canada ailleurs qu’aux États-Unis

Le Canada est grandement déphasé par rapport à la majorité de l’économie mondiale, mais surtout, par rapport aux partenaires avec lesquels il souhaite développer son commerce. Seulement deux des cinq politiques climatiques que nous avons évaluées sont en place, et le reste n’a pas progressé. Cette divergence rend plus difficile et coûteux pour les entreprises de faire affaire dans d’autres marchés, ce qui complique la circulation des biens et des capitaux.

Même si les États-Unis demeurent un important partenaire commercial, leur orientation stratégique va à l’encontre de celle des autres marchés majeurs et nuit à la stabilité et la croissance économique à long terme. Le Canada vit un moment charnière : il peut choisir de reculer avec les États-Unis et perdre davantage de terrain par rapport à ses pairs, ou il peut accélérer ses efforts et rattraper les autres marchés. Cette dernière option aidera à la fois les entreprises canadiennes à trouver de nouvelles possibilités de croissance et le pays à décarboner son économie.

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