Crédit d'image: Inco Ltd. exploration camp sits at the base of Discovery Hill at Voisey’s Bay, Nfld. The Labrador site contains one of the world’s largest ore bodies of nickel, copper and cobalt. (CP PHOTO) l996 (stf/Andrew Vaughan) av

Pour tirer parti des minéraux critiques, il est nécessaire d’accélérer les calendriers de projet, sans compromettre les normes

Le Canada peut-il tirer parti des avantages économiques, sécuritaires et climatiques d’une chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques plus solide, tout en respectant les droits des Autochtones et en répondant aux préoccupations environnementales ?

Cet article a précédemment été publié dans le National Newswatch.

En réponse aux menaces persistantes contre l’économie et la souveraineté du Canada, les gouvernements de tout le pays semblent soudainement empressés de relancer le développement économique.

Les minéraux critiques – en particulier le cobalt, le cuivre, le lithium, le nickel, le graphite et les terres rares – sont au cœur des discussions en raison de leur potentiel pour l’économie et la sécurité énergétique et de leur importance pour la transition énergétique mondiale. D’ailleurs, l’exploitation croissante des minéraux critiques et la consolidation de la chaîne d’approvisionnement font partie des priorités que le premier ministre, Mark Carney, a défendues lors du Sommet du G7 à Kananaskis en début de semaine.

Cependant, la volonté des gouvernements d’intensifier l’extraction de minéraux critiques au Canada – ainsi que d’autres formes de développement économique – soulève des inquiétudes légitimes quant aux répercussions sur les droits des Autochtones et l’environnement.

Le Canada peut-il trouver le juste milieu? Peut-il procurer les avantages économiques, sécuritaires et climatiques d’une chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques plus solide tout en respectant les droits des Autochtones et en répondant aux enjeux environnementaux locaux?

En un mot, oui. C’est la conclusion d’une nouvelle étude menée par l’Institut climatique du Canada. En adoptant des politiques avisées, le pays peut attirer des investissements privés dans des projets de minéraux critiques et protéger les écosystèmes et les droits des Autochtones. En réalité, les deux stratégies profitent l’une à l’autre : le renforcement de la confiance autour des bons projets les rendra moins risqués, ce qui accélérera leur mise en œuvre et augmentera leur attrait aux yeux des investisseurs.

Les minéraux critiques sont les composants fondamentaux des technologies dont dépend la transition énergétique, par exemple les panneaux solaires, les éoliennes, les véhicules électriques, les bornes de recharge et les batteries pour les services publics. Presque tous les territoires et provinces du Canada recèlent de grandes quantités de ces ressources, de plus en plus convoitées. Le pays possède assez de minéraux pour subvenir à ses propres besoins tout en aidant les autres (par exemple, les États membres de l’Union européenne) à sécuriser leur approvisionnement, à mesure que la transition énergétique mondiale s’accélère.

Selon le rapport de l’Institut, la demande mondiale de minéraux critiques prioritaires devrait quasiment doubler d’ici 2040, ce qui représenterait une aubaine économique pour le Canada, s’il répond à cette demande.

« Si. »

Car si l’occasion est évidente, ce n’est pas le cas des bénéfices pour les investisseurs. Les mines sont des projets très risqués par nature; par ailleurs, les incertitudes qui entourent les marchés mondiaux et les processus d’examen réglementaire nationaux refroidissent l’intérêt. Immatures et régis par une poignée d’acteurs, les marchés de certains minéraux critiques affichent des prix dont la volatilité dérange. À cela s’ajoutent les bouleversements actuels du commerce mondial… on imagine bien la situation.

Dans ce contexte, les acheteurs nationaux et internationaux cherchent à s’assurer des approvisionnements fiables sécurisés en minéraux critiques, et en vitesse. Or pour exploiter son potentiel de production et bénéficier des retombées économiques connexes, le Canada doit attirer entre 30 et 65 milliards de dollars de nouveaux investissements avant 2040. Au cas où la production ne répondrait pas à la demande, l’économie canadienne pourrait passer à côté de 12 milliards de dollars chaque année jusqu’à cette date.

D’après le rapport, la trajectoire critique à suivre nécessite un mélange complet de politiques et d’actions visant à réduire les risques financiers, environnementaux et sociaux des projets potentiels. De plus, la réussite de ces derniers dépendra de la consultation, de la participation et du consentement réels des communautés autochtones.

En matière de ressources naturelles, le Canada en a vu d’autres. À de multiples reprises, les gouvernements et les entreprises ont appris qu’une course vers le bas cause des dommages durables aux personnes et à l’environnement, sans parler de la publicité négative, des poursuites coûteuses et des oppositions plus fortes aux futurs développements. Gardant en tête les milliards de dollars en jeu et le récent impératif de consolider l’indépendance économique du Canada, les décideurs politiques se trouvent devant une occasion unique d’accélérer les projets qui fourniront aux industries canadiennes et aux marchés mondiaux les matières premières d’une économie sobre en carbone, en minimisant les risques pour les ressources communes – l’air, la terre, l’eau et l’atmosphère.

Le défi est de taille, mais les outils existent. Par exemple, pour atténuer les fortes fluctuations des prix des marchandises qui éloignent les capitaux, les gouvernements peuvent conclure des ententes de partage des risques financiers avec les entreprises; ils peuvent augmenter le financement accordé aux communautés autochtones pour qu’elles participent aux projets miniers à titre d’associées; ils peuvent durcir les réglementations pour diminuer les risques et la responsabilité en matière d’environnement et réduire considérablement la probabilité qu’une catastrophe comme celle du mont Polley en 2014 survienne à nouveau. En bref, les gouvernements peuvent simplifier les examens de projets sans compromettre les protections environnementales ni précipiter les consultations autochtones.

Les minéraux critiques sont pour le Canada une occasion qui ne se présente qu’une fois par génération. Et le temps presse, car plusieurs économies majeures, notamment l’Australie, se disputent le marché. Les gouvernements souhaitent hâter les processus d’examen, mais la rapidité ne doit pas empiéter sur le consentement des Autochtones ni sur les protections environnementales.

Actuellement, la mise en route des projets vastes et complexes que sont les mines de minéraux critiques prend environ 18 ans. Comme l’ont répété les représentants de l’industrie, de peuples autochtones et de la société civile qui ont participé au rapport, certaines étapes pourront être abrégées en cours de route, mais pas toutes.

Heureusement, comme l’indique le rapport, les gouvernements sont bien en mesure d’accélérer les calendriers de projets sans tourner les coins ronds. Peut-être faudra-t-il s’aventurer en terre inconnue pour aller de l’avant, mais la destination vaut le périple.

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