Les brasiers des forêts en juin ont enveloppé une bonne partie de la population canadienne d’un épais nuage de fumée. S’ouvrait une saison des feux de forêt d’une ampleur jamais vue. Du jour au lendemain, les dangers du climat changeant sont devenus très concrets et tangibles. Auparavant menace vague et distante, les changements climatiques touchent aujourd’hui de très près des millions de Canadiennes et de Canadiens.
À l’Institut climatique, nous étudions les coûts des changements climatiques depuis des années. Notre rapport Limiter les dégâts, de 2022, identifie 15 sphères qui ralentissent l’économie canadienne, effritent le revenu des ménages et des entreprises et compromettent la prospérité à long terme du pays. Bien que nous ayons observé les effets des changements climatiques sur la santé, Limiter les dégâts ne contient pas de prévisions relatives aux répercussions des feux incontrôlés sur la qualité de l’air pour la population canadienne en raison d’un manque de données.
Cet article utilise des données en temps réel sur la qualité de l’air pour estimer les coûts des feux incontrôlés du Québec qui ont recouvert l’Ontario de fumée du 4 au 8 juin. Il porte sur l’Ontario en raison de la disponibilité des données de suivi sur la qualité de l’air en temps réel.
Des soins de la santé qui coûtent les yeux de la tête
Par une approche qui établit un lien entre les changements dans la qualité de l’air et l’exposition humaine, et les effets négatifs sur la santé qui en découlent, nous avons estimé que le coût en santé des feux incontrôlés entre le 4 et le 8 juin serait de 1,28 milliard de dollars, seulement pour l’Ontario. Voyons cela de plus près.
Les données en temps réel sur la qualité de l’air du 4 au 8 juin indiquent que l’exposition aux PM2,5, un important facteur de mortalité prématurée et de maladie respiratoire a considérablement plafonné en Ontario. En effet, la moyenne quotidienne de PM2,5 sur cinq jours pour cette période est de 79,3 µg/m3, soit 13 fois la moyenne annuelle enregistrée à la station de surveillance. Des données similaires sont disponibles pour les grands centres urbains considérablement touchés par les feux de forêt, qui représentent environ 58 % de la population ontarienne ou 9 millions de personnes.
Les effets des particules fines sur la santé sont bien connus. La science pointe vers des effets sur la santé, peu importe le niveau d’exposition : mortalité prématurée, augmentation des bronchites et des crises cardiaques infantiles et hausse des visites à l’hôpital causées par les crises d’asthme, entre autres. L’Outil d’évaluation des bénéfices liés à la qualité de l’air (OEBQA)de Santé Canada permet de quantifier et d’évaluer les répercussions sur la santé de 8 résultats en matière de santé associés à l’exposition aux PM2,5.
Figure 1 : Coûts en santé par division de recensement (millions)
On utilise l’OEBQA pour estimer les coûts des feux incontrôlés en transformant la moyenne des niveaux de PM2,5 sur cinq jours en concentration annuelle pour sept grands centres urbains en Ontario. Nous l’appliquons ensuite à chacun des grands centres pour estimer les coûts de soins de santé des feux incontrôlés de juin.
Résultat? 1,28 milliard de dollars du 4 au 8 juin.
Et c’est sans compter les autres coûts : ceux des dommages écologiques, des perturbations des activités, de la gestion des feux, de la lutte contre les effets des PM2,5 sur la qualité de l’air à l’intérieur menée par les ménages, des répercussions sur le tourisme et des restrictions sur les loisirs des enfants.
D’aucuns pourraient continuer à affirmer que les changements climatiques ne sont pas leur problème, que le Canada est un petit acteur mondial et que nous n’y pouvons rien. Mais cette posture est imprudente; tant que nous ignorerons la science du climat, nous ne pourrons nous attaquer aux répercussions. Aussi bien jouer du violon pendant que la forêt boréale brûle et que la fumée nous étouffe.