Crédit d'image: Lindsay Reid

L’avenir passe aussi par les vieilles pierres

Les bâtiments nouvellement construits, souvent davantage économes en énergie, ont un rôle importants à jouer pour atteindre l’objectif du zéro carbone mais ce dernier passe aussi par la rénovation des bâtiments existants.


Le bâtiment le plus durable et respectueux de l’environnement est celui qui existe déjà. Cette phrase revient souvent lorsque l’on s’entretien avec des spécialistes de la rénovation éco-énergétique des bâtiments. Elle résume bien le paradoxe auquel fait face l’industrie de la construction.

C’est l’un des paradoxes auxquels est confronté le secteur de la construction : alors que les bâtiments neufs et de plus en plus modernes présentent des avantages certains en matière de respect de l’environnement, les bâtiments rénovés – qu’ils aient ou non une désignation patrimoniale – ont également un rôle à jouer dans la voie de la réduction complète des émissions de carbone dans ce secteur.

Repenser le rôle des bâtiments existants

En 2015, le secteur des bâtiments au Canada représentait 17 % des émissions totales de gaz à effet de serre du pays (y compris les émissions liées à l’électricité). Ce chiffre approche les 30 % lorsqu’on prend en considération l’empreinte carbone des chantiers de construction et des matériaux qui y sont utilisés.

Face à cette réalité, le secteur du bâtiment a donc plus que jamais un rôle à jouer dans l’engagement qu’a pris le Canada de réduire de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’atteindre la cible de zéro émission nette d’ici l’horizon 2050.

Le Conseil du bâtiment durable du Canada décrit le carbone zéro comme « la prochaine étape pour le secteur du bâtiment ».

Si le Conseil fait valoir que les projets de nouvelles constructions présentent les meilleures possibilités d’atteindre une performance zéro carbone, il insiste également sur l’importance de rénover les anciens bâtiments afin de respecter les objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

En d’autres termes, la simple démolition de bâtiments existants et la construction de nouveaux bâtiments ne sont pas une voie vers le zéro émission – tout plan de réduction des émissions de carbone doit tenir compte de tous les bâtiments qui existent déjà. Selon les experts, on estime que 70 % des bâtiments existants aujourd’hui seront encore utilisés en 2050.

Les rénovations offrent l’occasion de repenser la manière dont le système électrique est intégré dans les bâtiments, en permettant l’ajout de stations de recharge électrique pour les voitures ou de panneaux solaires sur le toit, par exemple.

« L’idée est de développer la capacité de stockage et d’ajuster la demande d’électricité, en produisant l’électricité la plus verte et la moins chère », explique Tom-Pierre Frappé-Sénéclauze, directeur des bâtiments et des solutions urbaines à l’Institut Pembina.

Toutefois, ce n’est pas parce qu’un bâtiment existe déjà qu’il doit être forcément sauvé de la destruction.

« De nombreux vieux bâtiments sont d’horribles sources de pollution et certains devraient être démolis pour laisser place à une meilleure construction qui permettrait une plus grande densité », explique Mme Frappé-Sénéclauze. Il souligne par ailleurs que les codes de la construction sont plus exigeants aujourd’hui et que les nouveaux bâtiments ont tendance à être plus écologiques et plus efficaces sur le plan énergétique que les anciens.

Faire du neuf avec du vieux

Un exemple de la façon dont les vieux bâtiments peuvent s’intégrer dans des projets d’architecture modernes nous vient du quartier de la Bourse de Winnipeg, célèbre pour ses bâtiments patrimoniaux et ses anciens entrepôts. Parmi ces bâtiments se trouve l’édifice de l’Union Bank, un bâtiment patrimonial qui était le plus haut de la ville lorsqu’il a été construit en 1903. Abandonné et vide pendant des années, il a été ressuscité en 2010 lorsque le collège Red River a décidé d’y ouvrir une partie de son campus. Le projet de rénovation majeur a intégré un nouveau bâtiment de 40 000 pieds carrés à la structure patrimoniale existante.

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La grande salle de restauration à l’Institut Paterson GlobalFoods, l’école culinaire du collège Red River à Winnipeg. (Credit image Bryan Scott)

Prairie Architects Inc, le cabinet d’architecture winnipégois qui a pris en charge le projet, affirme que pendant la construction, les matériaux vierges ont été conservés et que 95% des éléments structurels et 59% des éléments non structurels ont été réutilisés. En outre, plus des trois quarts de ses déchets de construction ont été détournés de la décharge et ont été soit recyclés soit récupérés. Aujourd’hui, le bâtiment certifié LEED accueille une école de cuisine.

Des fondations solides pour l’objectif de zéro émission nette

Certains observateurs estiment que l’utilisation de ce qui existe déjà dans le secteur de la construction pourrait se faire de la même manière que les programmes de recyclage résidentiel des biens de consommation et des emballages ont inculqué des habitudes parmi les usagers.

 « Nous devons trouver des moyens d’encourager les gens à investir dans les bâtiments qui existent déjà », soutient la directrice de la fondation Héritage Canada, Natalie Bull.

Elle souligne que le secteur patrimonial demande depuis un moment à obtenir un incitatif fiscal relatif à la rénovation du patrimoine sur le modèle de ce qui existe déjà aux États-Unis afin de préserver le patrimoine historique.

Alors que le Canada explore des pistes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de la construction, il n’existe pas de solution unique ; les solutions futures devront trouver un moyen de s’attaquer à la fois à l’ancien et au nouveau.

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