Malgré les nombreux remous nationaux et géopolitiques, la lutte mondiale et nationale contre les changements climatiques s’est accélérée, comme en témoignent les progrès considérables enregistrés ces 12 derniers mois.
Publié en mars 2022, le premier Plan de réduction des émissions du Canada a mis la table pour l’établissement de nouvelles politiques. Dans son évaluation détaillée sur le sujet, l’Institut climatique du Canada concluait que le Plan, s’il était mis en œuvre sans tarder, pourrait donner les moyens au pays de respecter ses obligations de réduction des émissions. Fait à noter, cinq politiques suffiraient à nous rapprocher considérablement des cibles d’émission de 2030. Et de ces cinq politiques, trois pourraient être mises en place dès 2023 : le plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, la réglementation sur l’électricité propre et les améliorations à la tarification du carbone. Regardons-les tour à tour.
D’abord, le plafond d’émissions pour le secteur pétrogazier est crucial. En effet, nos études le confirment : en l’absence de réglementation, ce secteur dépassera son objectif pour 2030. Entre 2005 et 2019, les émissions de pétrole et de gaz ont crû de près de 20 %. Le plafond devra être strict et appliqué adéquatement, avec un contrôle accru des émissions de méthane, pour donner lieu à des diminutions marquées et rapides d’émissions permettant au secteur de respecter les cibles canadiennes pour 2030.
Ensuite, le gouvernement fédéral s’est engagé à rendre la production d’électricité canadienne carboneutre d’ici 2035, une cible ambitieuse, mais réalisable, sachant que le pays doit accroître considérablement sa production d’électricité propre s’il veut respecter ses engagements de réduction des émissions en 2030 et 2050, et considérant que la décarbonisation d’autres secteurs passe par la carboneutralité du réseau électrique. Bien appliqué, ce cadre pour l’électricité propre pourrait générer d’immenses débouchés économiques et même rendre l’énergie plus abordable pour la population canadienne.
Enfin, on a également assisté, dans la dernière année, à une forte impulsion pour la mise en œuvre de politiques qui amélioraient la certitude des prix du carbone dans l’avenir, sans quoi les investisseurs hésiteront à prendre des engagements d’envergure sur plusieurs années. Une approche innovante, celle des contrats carbone sur la différence, pourrait être pleinement appliquée dès 2023. Si elle est bien exécutée, les contrats qui en découleront ouvriront les vannes de l’investissement en intégrant mieux la tarification du carbone au système financier et en laissant libre cours à la créativité des marchés pour amener le Canada vers la carboneutralité.
Ces nouvelles politiques canadiennes, qui s’avèrent nécessaires, doivent être envisagées dans un contexte de progrès notables à l’échelle mondiale. L’Union européenne (UE) continue de faire avancer son Pacte vert, une nouvelle stratégie de croissance visant à transformer l’économie de l’UE en modèle économique durable, en passe de faire du continent le premier à atteindre la neutralité climatique, et ce, d’ici 2050. Quant aux États-Unis – principal partenaire commercial du Canada –, ils viennent de promulguer le plus grand projet d’investissement dans les solutions climatiques de toute leur histoire, sous la forme de l’Inflation Reduction Act. Depuis des années, l’inaction des États-Unis sur les enjeux climatiques servait d’excuse au Canada pour ne pas agir trop rapidement, mais voilà que la pression vient d’augmenter d’un coup.
Il est aussi temps d’accélérer la cadence pour ce qui est de l’adaptation. Plus aucune région du Canada n’est à l’abri des effets des changements climatiques, et chaque année, plusieurs catastrophes liées au climat coûtent la vie à des Canadiens et détournent des milliards de notre économie. Le mois dernier, le gouvernement fédéral publiait sa première Stratégie nationale d’adaptation, un premier pas vers une sécurité et une résilience nationales accrues. Les principes de la Stratégie doivent rapidement être mis en action.
Toutes ces mesures demanderont des investissements. Le nouveau Fonds de croissance du Canada, instauré par le gouvernement fédéral, misera sur le financement public pour mobiliser des investissements privés. C’est sans parler du travail à venir du Conseil d’action en matière de finance durable, qui facilitera et accélérera le processus visant à déterminer si les investissements potentiels s’inscrivent dans les objectifs climatiques du Canada et favorisent la stabilité du climat mondial, afin d’attirer plus de capital vert au pays.
Ces politiques à grand déploiement du fédéral font ressortir le rôle essentiel des provinces et des territoires. En effet, les provinces ont différents leviers qu’elles peuvent actionner pour réduire leurs émissions : pensons entre autres à la tarification du carbone, aux codes du bâtiment, au transport public et au logement. Par-dessus tout, les engagements provinciaux qui passent par la réglementation et la collaboration interprovinciale seront essentiels à l’atteinte de l’objectif du Canada concernant l’électricité propre. En clair, il nous faut plus de leadership sur les fronts provinciaux et territoriaux – et vite.
Les gouvernements autochtones ont continué à faire preuve de leadership dans la transition énergétique en 2022, avec des communautés menant le volte-face vers de l’électricité non émettrice. Avec le soutient approprié, les projets d’énergie propre autochtones pourraient connaître une croissance exponentielle en 2023 et au-delà.
Si la dernière année a été le théâtre de quelques moments charnières en matière de politiques climatiques, les mesures à venir dans la prochaine année seront encore plus importantes et concrètes : le Canada accélérera la mise en œuvre de ses politiques tout en les peaufinant. L’Institut climatique du Canada continuera de mener la discussion en anticipant les politiques qui s’avéreront nécessaires et en proposant rapidement son analyse. Les 12 prochains mois s’annoncent chargés, avec les nouvelles données du projet 440 Megatonnes, que nous venons de lancer, mais aussi une étude majeure sur le chauffage des bâtiments, notre participation au déploiement de la Stratégie nationale d’adaptation et une attention renouvelée au secteur pétrogazier ainsi qu’à la croissance propre. Et notre but, lui, reste le même : l’élaboration de politiques climatiques durables et efficaces qui assureront la prospérité du Canada ainsi que la protection et la résilience de nos collectivités à long terme.