La COP26 s’impose à nous comme la date limite de dépôt d’un projet d’envergure – et nous sommes comme l’étudiant qui a procrastiné durant toute la session. Il ne reste à présent que peu de temps devant nous, et nous avons un plan sommaire, quelques notes utiles de notre colocataire studieux et une tasse de café bien remplie. Certes, nos intentions sont peut-être bonnes, mais nous avons rendu la tâche beaucoup plus difficile.
Si une prolongation est peut-être possible, une date butoir permet de concentrer nos efforts : il reste à peine assez de temps pour accomplir le travail nécessaire – mais il faudra faire preuve de logique, d’ambition et de détermination.
Bien sûr, les enjeux sont bien plus grands à Glasgow que la réussite d’un cours. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) paru en août était limpide : le réchauffement climatique se produit plus rapidement que prévu. Des conditions météorologiques extrêmes sont enregistrées sur tous les continents, et les points de bascule aux conséquences destructrices se rapprochent.
Trop de gens au Canada subissent déjà directement les effets désastreux des changements climatiques : inondations, incendies et vagues de chaleur. Et comme le Canada se réchauffe en moyenne deux fois plus vite que le reste de la planète, les conséquences seraient dévastatrices si le réchauffement se poursuivait. On sent littéralement la chaleur monter.
Une chose est claire : les décisions prises à Glasgow seront critiques parce que beaucoup de gens mourront en cas d’échec. L’été dernier, 569 Britanno-Colombiens sont décédés en raison d’une vague de chaleur, et ce n’est que le début des répercussions des changements climatiques. L’Organisation mondiale de la santé prévoit que les changements climatiques tueront au moins 250 000 personnes par année après 2030 si rien n’est fait pour réduire drastiquement la pollution par le carbone.
On peut sauver des millions de personnes. Si l’on prend les choses en main lors de la COP26 à Glasgow, plutôt que de repousser les actions d’une autre année ou d’une autre décennie, on sauvera des vies.
C’est là l’importance capitale de la période actuelle, soit l’automne 2021 : les pires répercussions des changements climatiques peuvent encore être évitées si nous agissons rapidement. Il n’est pas encore trop tard pour changer de cap, même si la fenêtre pour le faire se ferme rapidement.
Les projections du rapport du GIEC démontrent, avec beaucoup de certitude, que si l’on atteint la carboneutralité à l’échelle mondiale d’ici 2050, il sera encore possible de limiter le réchauffement à 1,5 °C et ainsi d’éviter des points de bascule catastrophiques. La communauté scientifique est claire : plus vite on réduit nos émissions, plus froide demeurera la planète.
Mais les choses se compliquent beaucoup à partir de maintenant. Comme l’étudiant au gros projet dont la date butoir approche, nous savons aujourd’hui que nous aurions dû nous pencher sur ce problème il y a très longtemps. Nous aurions dû amorcer la réduction de nos émissions dès les années 1990, et même avant, dès que nous avons commencé à comprendre l’effet de serre et ses conséquences futures.
Dans une analyse récente, le climatologue Zeke Hausfather illustre la situation : « si les émissions avaient atteint leur sommet en 2000, nous glisserions sur une piste pour débutants vers un réchauffement de 1,5 °C, mais aujourd’hui, nous sommes devant une double diamant et dans quelques années, nous serons au bord d’une falaise ».
Si le fait de sauver des vies n’est pas un incitatif suffisant pour que le Canada opte pour de réels changements à Glasgow, pourquoi ne pas parler de l’emploi? L’aggravation des changements climatiques menace la prospérité du Canada : il est difficile de garder un emploi lorsque sa demeure a été détruite par un feu incontrôlé, ou encore de faire rouler son entreprise lorsqu’une inondation ravage la ville.
Depuis 2010, le coût des événements catastrophiques attribuables au climat représente environ de 5 à 6 % de la croissance annuelle du PIB canadien, une hausse par rapport à la moyenne de 1 % enregistrée au cours des décennies précédentes.
Économie d’exportation, le Canada est dans une décennie « ça passe ou ça casse » puisque le monde est en train de se décarboner rapidement. Des billions de dollars en investissements mondiaux s’éloigneront inévitablement des secteurs à forte intensité de carbone. Le Canada ne veut pas se retrouver comme un employé de club vidéo qui regarde des films sur son téléphone en se demandant pourquoi l’endroit est désert.
Bien sûr, avec les politiques sur les changements climatiques, et le climat lui-même, on ne se trouve pas dans une situation de réussite ou d’échec. Aucun événement unique ne changera la trajectoire planétaire. Toutefois, la COP26 à Glasgow est sans conteste un moment charnière pour le Canada et le reste du monde.
Étant donné l’élection d’un nouveau gouvernement fédéral, dont la plateforme claire et solide prévoit une accélération des mesures de lutte aux changements climatiques, la nomination d’un nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique, et le contexte de course contre la montre, le Canada doit maintenant faire preuve d’une plus grande ambition.
Rick Smith est président de l’Institut climatique du Canada.
Initialement publié par Toronto Star.