COP26 – Cinq indicateurs de réussite

La prochaine conférence de Glasgow est l’occasion pour le Canada et le monde de faire un pas en avant en matière de politique climatique.

Inondations, feux et dômes de chaleur : après un été de chaleur record où les catastrophes climatiques se sont intensifiées, tous les regards sont tournés vers Glasgow où les nations du monde viendront dans les prochaines semaines clarifier et renforcer les engagements prévus par l’Accord de Paris pour éviter un réchauffement catastrophique.

La pandémie a retardé d’un an la tenue de la 26e COP (en anglais « Conference of the Parties »); il est d’autant plus important de réaliser des progrès quant aux enjeux cruciaux parce que – ne nous faisons pas d’illusions – s’il y a une chose que nous n’avons pas, c’est bien le luxe d’attendre.

La conférence est aussi particulièrement importante pour le Canada, dont le gouvernement fera sa première apparition sur la scène mondiale depuis le renouvellement de son mandat (notamment en matière d’action climatique), fort de nouveaux engagements en la matière. Et c’est sans compter que le pays codirige le travail essentiel de renforcement de l’aide financière aux pays en développement dans la lutte contre les changements climatiques (voir le point 2 ci-dessous).

Quelle devrait donc être l’issue de la COP26 pour apporter les solutions tant attendues? Voici cinq indicateurs de réussite de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 2021.

1. Élever la barre en matière de réduction des émissions

Aux termes de l’Accord de Paris, les pays ont convenu de présenter tous les cinq ans un plan climatique (une « contribution déterminée au niveau national » ou « NDC » dans le langage onusien) qui fait état de leur contribution à l’atteinte des objectifs mondiaux; ils ont aussi convenu que chaque NDC doit être plus ambitieuse que la précédente. Cette conférence sera pour eux la première occasion, depuis la signature de l’Accord de Paris, de montrer qu’ils prennent cet engagement au sérieux et agissent pour le respecter.

Les plus récentes prévisions donnent froid dans le dos : les cibles fixées par l’ensemble des pays entraîneront une hausse de la température mondiale de quelque 2,7 °C, soit presque le double du réchauffement de 1,5 °C que les scientifiques considèrent comme un seuil à ne franchir en aucun cas. En parallèle, le dernier rapport du GIEC vient nous rappeler, brutalement, à quel point les changements climatiques que nous vivons déjà pourraient s’envenimer. Qui plus est, les NDC ne constituent que des engagements à court terme, pour l’horizon 2025 ou 2030. Pour que les objectifs à long terme restent atteignables, il sera crucial que les pays se dotent de plans plus ambitieux de réduction des émissions d’ici le milieu du siècle.

Indicateurs de réussite

Rôle du Canada

  • Le Canada a révisé sa NDC cette année et s’est fixé une cible plus ambitieuse pour 2030 : réduire de 40 % à 45 % ses émissions par rapport aux niveaux de 2005. Aux termes de la nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le gouvernement fédéral est tenu de présenter d’ici la fin décembre le premier plan national de réduction des émissions pour l’horizon 2030 en vue de la concrétisation de ces objectifs. La conférence de Glasgow tombe donc au beau milieu de quelques mois cruciaux pour les ambitions climatiques du Canada.
  • Le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 : il doit maintenant mettre à jour la stratégie à long terme qui lui permettra d’y arriver.

2. Mobiliser le financement à l’international pour les pays en développement

En 2009, les nations riches ont promis d’octroyer annuellement, d’ici 2020, 100 milliards de dollars américains aux pays en développement, d’un côté pour les aider à assumer les coûts importants de la réduction des émissions et à s’adapter aux conséquences des changements climatiques, et de l’autre, en reconnaissance de leur responsabilité historique à l’égard de ces changements. Ces nations n’ont toujours pas respecté leur engagement, ayant même repoussé l’échéance à 2025. Les répercussions de cette promesse brisée sont à la fois matérielles et symboliques, minant la bonne foi et la confiance dans toutes les négociations.

Indicateur de réussite

  • Augmentation des sommes promises par les pays développés pour le financement international de la lutte aux changements climatiques.

Rôle du Canada

  • Le Canada codirige avec le Royaume-Uni une initiative visant à faire respecter cet engagement de 100 milliards de dollars américains par année.
  • Il a aussi récemment doublé la somme qu’il a lui-même promis, la portant à 5,3 milliards de dollars sur cinq ans, même s’il ne s’agit là que d’un quart de sa juste part selon une analyse indépendante.

3. Hisser l’adaptation aux changements climatiques au rang des priorités mondiales

On assimile souvent les avancées dans la lutte aux changements climatiques à la seule réduction des émissions; si elle est capitale, il ne s’agit cependant pas du seul paramètre à prendre en compte. Les pays composent déjà avec les répercussions des changements climatiques, et ces conséquences de plus en plus graves s’enracineront dans le système climatique même si l’on parvient à faire cesser toutes les émissions. Les pays en développement sont les plus vulnérables, mais notre analyse montre que même le Canada, malgré sa richesse, sera confronté à d’importantes difficultés dans la préparation aux pertes grandissantes découlant du réchauffement climatique et leur atténuation. Il bénéficie aussi du travail international de renforcement de la résilience, qui diminue l’instabilité économique mondiale et les perturbations aux chaînes d’approvisionnement. En plus de se donner des cibles plus ambitieuses quant à la diminution de l’utilisation de combustibles fossiles, les pays doivent se préparer et s’adapter au climat plus chaud que l’on connaît déjà.

Indicateurs de réussite

  • Avancées dans l’élaboration d’indicateurs de suivi des progrès vers l’atteinte d’un objectif mondial en matière d’adaptation, soit améliorer la capacité d’adaptation, renforcer la résilience et réduire la vulnérabilité aux changements climatiques (ce qui est particulièrement important avec l’entrée en vigueur d’un processus officiel de bilan mondial cette année).
  • Engagements financiers internationaux à l’égard de l’adaptation (la majeure partie des fonds est affectée à la réduction des émissions).
  • Souci plus grand de l’adaptation (y compris la soumission de plans en la matière) dans les NDC des pays.

Rôle du Canada

  • Le Canada, où le réchauffement est deux fois plus rapide que la moyenne mondiale, était l’un des organisateurs d’une initiative mondiale visant à redorer l’image politique de l’adaptation.
  • Il s’est aussi engagé à se doter d’une stratégie nationale d’adaptation, même si sa NDC donne peu de détails à ce sujet.

4. Convenir de règles pour les marchés du carbone

L’ensemble de règles encadrant les marchés du carbone internationaux constitue un sujet de négociation épineux depuis l’Accord de Paris. En fait, il s’agit de l’un des derniers problèmes à résoudre pour que celui-ci prenne toute sa force.

Les détails à peaufiner entourant l’article 6 sont pour le moins techniques. L’article prévoit en effet l’adoption de règles de comptabilisation pour les transferts de réduction d’émissions entre pays ainsi que d’un mécanisme de report des crédits inutilisés en vertu du Protocole de Kyoto. Or, il est essentiel de parvenir à une entente satisfaisante. Comme de plus en plus de pays recourent aux mécanismes internationaux d’échange d’émissions et de compensation, il nous faut des règles rigoureuses pour voir à ce que ces activités entraînent des réductions concrètes et durables des émissions. Sans règles claires et cohérentes, la capacité des marchés du carbone à réduire réellement les émissions sera grandement compromise.

Indicateur de réussite

  • Résolution des problèmes embêtants que sont la double comptabilisation, le report des crédits issus du Mécanisme du développement propre du Protocole de Kyoto et l’application d’une taxe sur les transactions pour les crédits générés.

Rôle du Canada

  • Malgré ce qu’il avait annoncé, le Canada a renoncé à recourir à un éventuel article 6 pour obtenir des crédits pour le remplacement des combustibles fossiles dans d’autres pays par du gaz naturel liquéfié canadien (comme nous avions affirmé à l’époque que le Canada était à côté de la plaque, ce retournement de situation est le bienvenu).
  • Il a également insisté sur la nécessité d’éviter la double comptabilisation sur les marchés internationaux.

5. Harmoniser les investissements privés aux objectifs climatiques

Pour qu’il y ait transition vers une économie mondiale sobre en carbone, il faut harmoniser les flux financiers aux cibles climatiques. Vu l’importance des investissements nécessaires, les investissements publics, même s’ils sont essentiels, ne suffiront pas : il faudra des investissements privés. Il est donc crucial de se doter de règles claires et uniformes à l’échelle internationale pour encadrer la transparence financière et l’étiquetage de produits financiers sur le plan climatique, afin que les investissements privés servent à bon escient.

Le 21 octobre prochain, nous publierons un rapport sur les risques et les occasions qui se présenteront au Canada dans la transition vers une économie mondiale sobre en carbone. Nous y recommandons aux gouvernements de mettre en place des politiques, incitatifs financiers et règles de déclaration pour mobiliser les investissements privés dont aura besoin le pays pour opérer la transformation économique garante de sa future prospérité.

Indicateurs de réussite

  • Engagement à l’égard d’une déclaration obligatoire des risques (elle est actuellement volontaire), d’après les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), lequel élabore des lignes directrices sur la déclaration des risques climatiques à l’intention des entreprises.
  • Avancées dans l’élaboration d’indicateurs quantitatifs uniformes à l’échelle mondiale pour comparer de façon équitable l’action climatique des entreprises.

Rôle du Canada

  • La déclaration des risques climatiques est de plus en plus répandue au Canada, mais elle demeure volontaire et peu cohérente.
  • Le Canada a posé sa candidature pour accueillir le siège mondial du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, ce qui pourrait accroître son influence dans l’établissement de normes internationales cohérentes et équivalentes concernant les enjeux climatiques, environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Les négociations menées pendant la conférence pourraient sembler bien loin du dur labeur nécessaire pour s’attaquer à la crise climatique dans le monde réel, mais leurs résultats auront des retombées concrètes et d’une grande ampleur, qui accéléreront ou gêneront le travail sur le terrain.

Les enjeux sont de taille à Glasgow, et le succès de la conférence sera largement déterminé par les avancées sur ces cinq fronts. Le monde entier regarde.

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