Électricité propre : payer les gens plutôt que les centrales

En tirant pleinement parti du potentiel énergétique des ménages et des entreprises, on peut veiller à ce que le réseau électrique soit fiable, rentable et moins dépendant au gaz.

Cet article a précédemment été publié dans le National Observer.

Le Règlement sur l’électricité propre, annoncé récemment, réduira la pollution dans nos réseaux, et ce malgré leur croissance attribuable à la demande grandissante en électricité propre. Les règles prévoient cependant, au nom de la flexibilité et de la fiabilité, la poursuite de l’exploitation de centrales au gaz naturel, qui assureraient en partie que les opérateurs de réseaux disposent de ressources pouvant être mises en service rapidement en cas de forte demande en électricité ou lorsque la production renouvelable est faible.

Cependant, le gaz n’est pas la seule option flexible. Chaque province dispose d’une autre ressource grandement inexploitée du côté des ménages et entreprises raccordés au réseau.

En réduisant ou en ajustant leur utilisation d’électricité en période de forte demande ou d’approvisionnement faible, les ménages et les entreprises du pays peuvent agir comme une sorte de « centrale flexible » pour favoriser la stabilité du réseau électrique. 

Les mesures peuvent prendre plusieurs formes.

Pour déplacer la demande et ainsi réduire la pression sur le réseau électrique, le chargement du chauffe-eau et des véhicules électriques peut se faire lorsque le vent souffle.

L’automatisation peut optimiser l’éclairage, la climatisation et la ventilation des bâtiments commerciaux.

La combinaison de l’isolation à une thermopompe à haute efficacité demande moins d’énergie par temps froid – et comme de plus en plus de ménages et d’entreprises délaissent les énergies fossiles, le potentiel de cette ressource ne fait que grandir.

Le mieux dans tout ça, c’est que ces méthodes de déplacement et de réduction de la demande n’incommodent pas les ménages et entreprises participantes; même qu’elles viennent souvent avec des avantages : confort accru grâce à une meilleure isolation et un meilleur système de chauffage; stabilité de l’alimentation en cas de panne de courant grâce à des batteries résidentielles; et économies sur la facture énergétique.

Ce qui est bien, c’est que les gens peuvent être payés pour leur contribution.

Le déplacement et l’optimisation de la demande énergétique se traduisent par des économies pour les services d’électricité, puisqu’ils n’ont pas à payer pour une centrale, des combustibles fossiles ou une infrastructure de réseau inutiles, et donc peuvent recourir davantage à l’énergie renouvelable quand elle est disponible. Plus les consommateurs réduisent les coûts et optimisent la fiabilité pour tout le monde, plus ils peuvent faire de l’argent.

Les gestionnaires du réseau électrique investissent déjà dans les solutions propulsées par les usagers.

En Ontario, les clients des services d’électricité peuvent recevoir un montant forfaitaire de 75 $ pour l’utilisation d’un thermostat intelligent qui lance leur climatiseur en prévision des journées de canicule. Le refroidissement préalable de leur demeure contribue à abaisser l’utilisation d’énergie lorsque le réseau est le plus sollicité. Pas moins de 100 000 ménages se sont inscrits dans les six premiers mois, créant ainsi une « centrale virtuelle » de 90 mégawatts.

Comme les marchés et les règlements réclament le remplacement des combustibles fossiles ainsi qu’un réseau plus vert, il est essentiel de réorienter les politiques de sorte que l’on paie d’abord les gens pour leur efficacité énergétique, et que l’on utilise le gaz naturel qu’en dernier recours. 

Afin de satisfaire ses ambitions d’avancement de l’électricité propre, le gouvernement fédéral gagnerait à mettre de l’avant les solutions propulsées par les usagers.

Par exemple, il pourrait financer en contrepartie les mesures d’efficacité énergétique des services publics, et obliger l’intégration de dispositifs intelligents aux appareils et à l’équipement, comme les chauffe-eau. Il peut imposer des exigences à son financement pour veiller à ce que les services publics laissent les mesures de rationalisation de la demande faire concurrence aux options d’approvisionnement en énergie, pour ainsi permettre aux usagers d’économiser davantage quand ils transmettent leurs données de consommation aux entreprises qui innovent technologiquement dans le domaine de la demande d’énergie.

Les gouvernements provinciaux ont également un grand rôle à jouer : ils peuvent inciter les services publics à atteindre des cibles d’efficacité énergétique, forcer la flexibilité de la demande et obliger les planificateurs en électricité à faire valoir les avantages de la frugalité dans l’utilisation de l’énergie pour la société et la clientèle.

En tirant pleinement parti du potentiel énergétique des ménages et des entreprises, on peut veiller à ce que le réseau électrique soit fiable, rentable et moins dépendant au gaz.

Après tout, c’est mieux de payer des gens que des centrales.

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