Cet article a précédemment été publié dans le Toronto Star.
En Amérique du Nord, où les nouvelles sur Trump pullulent, il est facile de croire que le monde entier a cessé de se préoccuper de la décarbonisation, mais rien n’est plus faux.
En fait, de nombreux exemples illustrent la situation inverse. En voici quelques-uns qui montrent que la réduction des émissions est désormais une partie intégrante des principes économiques de base.
L’Inde, le troisième plus grand émetteur au monde, lancera l’an prochain un système d’échange de crédits carbone national. Le pays a déjà atteint sa cible climatique, soit la moitié de sa puissance électrique installée provenant de sources autres que les combustibles fossiles, et ce, cinq ans plus tôt que prévu.
L’Union européenne, l’un des partenaires commerciaux les plus importants du Canada, tente d’établir une cible d’émission 90 % en dessous des niveaux de 1990 d’ici 2040. Cette zone d’échanges commerciaux est en voie d’atteindre sa cible de 2030, soit une réduction de 55 %. En 2023 seulement, l’UE a réduit ses émissions collectives de 8 %.
Ce progrès remarquable n’aurait pas eu lieu sans la hausse de popularité de l’énergie renouvelable. En juin, par exemple, l’énergie solaire a produit davantage d’électricité que toute autre source en Europe.
Mais surtout, l’engagement ferme de la Chine à l’égard de l’électrification signifie que les dés sont jetés : le monde passe rapidement à l’énergie propre. D’ailleurs, la Chine et l’UE ont signé une entente pour intensifier les efforts de lutte contre les changements climatiques.
On a beaucoup parlé de la hausse étonnante de l’énergie renouvelable en Chine, qui a fait chuter l’utilisation de l’électricité au charbon et réduit les émissions nationales dans le premier trimestre de cette année, malgré la hausse de la demande en électricité.
La Chine élargit son marché du carbone – déjà le plus grand de sa catégorie au monde – afin d’incorporer l’acier, le ciment et l’aluminium. De plus, bien qu’elle possède l’un des plus importants marchés automobiles au monde, elle électrifie ses transports à une vitesse impressionnante; l’année dernière, près d’une nouvelle voiture sur deux vendue au pays roulait à l’électricité.
Cette transition a eu des répercussions sur les données mondiales : plus d’une nouvelle voiture sur quatre vendue cette année serait électrique, selon l’Agence internationale de l’énergie.
Et tout cela a des répercussions sur le Canada.
Il y a six mois, les États-Unis misaient tout sur l’électrification. Ils reprendront cette voie, car les perspectives économiques de la transition énergétiques deviendront impossibles à ignorer. C’est d’ailleurs déjà le cas dans des États comme le Texas, où la production d’énergie renouvelable a monté en flèche et où Enbridge injecte près d’un milliard de dollars dans un grand projet solaire – un moment historique pour l’ère climatique.
Entre-temps, le Canada pourrait devenir un acteur important sur la scène internationale en exploitant l’un de ses plus grands avantages naturels : l’énergie propre mobilisable.
Le hic? Nous n’avons pas de réseau électrique national unifié, mais plutôt plusieurs déconnectés. L’obstacle est de taille, car le mot d’ordre de la transition énergétique est d’« électrifier presque tout ».
Même si 80 % de l’électricité du Canada ne produit pas d’émissions, il faut construire davantage de projets d’énergie – et rapidement – afin d’attirer les investissements permettant de décarboniser le secteur privé, les bâtiments et le transport, tout en favorisant la croissance de l’intelligence artificielle.
La bonne nouvelle : l’expansion de l’offre en énergie propre et le raccordement des différents réseaux provinciaux s’inscrit dans l’esprit d’une économie canadienne unie. Ce projet coche toutes les cases de la liste du premier ministre Carney – il promeut l’autonomie économique, abat les obstacles internes au commerce, accélère la croissance propre et la décarbonisation et fait avancer les intérêts des communautés autochtones.
En bref, le gouvernement fédéral, qui a promis des projets dans l’intérêt de la population canadienne, devrait miser sur la construction de réseaux électriques plus grands, plus propres et plus intelligents.
La cible est tout à fait atteignable. Nous savons comment nous y prendre, nous avons les ressources nécessaires et le gouvernement s’est engagé à y arriver. Il suffit de se mettre au travail.
Sinon, le risque serait de mal interpréter la situation et de ne pas s’adapter. Ce n’est pas en restant attaché aux anciens modèles économiques en cette période de grands changements que l’on garde son avantage concurrentiel. C’est ainsi qu’on le perd. C’est un grand danger qui guette le Canada dans un monde où l’énergie propre et la croissance économique se renforceront mutuellement.