Construire les logements dont le Canada a tant besoin en lieu plus sûr permettrait d’économiser des milliards

Le logement le plus abordable est celui qui n’a pas à être reconstruit.

Ce billet de blogue a précédemment été publié dans le National Newswatch.

Les gouvernements canadiens se sont engagés à faire tout leur possible pour combattre la crise du logement qui touche des millions de Canadiens, notamment investir des milliards de dollars et éliminer les entraves réglementaires pour que des millions d’habitations soient construites d’ici la fin de la décennie.

L’augmentation du nombre de logements est nécessaire à leur abordabilité, tant qu’ils sont construits au bon endroit. À l’ère des impacts climatiques grandissants, la règle d’or de l’immobilier – emplacement, emplacement, emplacement – peut parfois ignorer les coûts futurs potentiels que les résidents et contribuables devront payer si les logements sont construits au mauvais endroit.

Selon un nouveau rapport – le premier en son genre – de l’Institut climatique du Canada, si les logements continuent d’être bâtis en zone à risque d’inondation ou de feux incontrôlés, les propriétaires, les locataires et les gouvernements pourraient avoir à payer des milliards de dollars chaque année pour l’aide aux sinistrés et les efforts de reconstruction.

Cependant, l’inverse est aussi vrai : les gouvernements qui encouragent l’aménagement loin des zones à haut risque peuvent économiser ces milliards de dollars.

Ces constats recoupent ceux du Groupe de travail pour l’habitation et le climat, qui affirme qu’améliorer l’abordabilité ne consiste pas simplement à bâtir des maisons n’importe où, mais bien à construire intelligemment.

Ignorer les risques climatiques lors de la construction de nouveaux logements pourrait rendre ces derniers moins abordables 

La Société canadienne d’hypothèques et de logement estime que 5,8 millions d’habitations devront être construites d’ici 2030 pour atteindre les cibles d’abordabilité, ce qui représente une augmentation de 35 % du parc de logements.

La recherche de l’Institut climatique, fondée sur les modèles de risque de feux incontrôlés de Co-operators, révèle que sous le régime des politiques actuelles, plus de 220 000 de ces nouveaux logis seront construits dans des collectivités à haut risque de feu. L’analyse de l’Institut a aussi montré que plus de 530 000 habitations seront bâties dans des zones particulièrement sujettes aux inondations. Les dommages probables aux nouvelles constructions pourraient donc atteindre 3 milliards de dollars par année, bien plus que les milliards dépensés en aide aux sinistrés chaque année pour les habitations existantes.

Les politiques d’utilisation du territoire de la plupart des provinces et territoires présentent des lacunes qui admettent la construction résidentielle en zone à haut risque de feu incontrôlé ou d’inondation, et les programmes fédéraux comme le Fonds pour accélérer la construction de logements peuvent encourager les collectivités locales à prioriser la quantité plutôt que la sécurité. Ce boom immobilier à haut risque ferait monter le coût de la vie au lieu d’améliorer l’abordabilité, comme il alourdira la facture (publique et privée) pour les réparations et remplacements, les assurances et la reprise après sinistre.

Ces risques ne sont ni lointains ni abstraits. Les dommages causés par les phénomènes météorologiques extrêmes ont fait de 2024 l’année la plus coûteuse de l’histoire du Canada, avec des pertes assurables de plus de 8,5 millions de dollars.

Il suffirait de bâtir une fraction des logements en lieu plus sûr pour économiser des milliards de dollars

Que peuvent faire les gouvernements pour assurer la sécurité des Canadiens et protéger les finances publiques tout en augmentant drastiquement l’accès au logement?

Eh bien, la bonne nouvelle est que l’on peut bâtir de nouvelles habitations sans autoriser l’aménagement des zones dangereuses. En redirigeant une petite partie des chantiers vers des emplacements plus sûrs, les gouvernements peuvent atténuer les risques de feux incontrôlés et d’inondation de manière significative et empêcher les coûts d’exploser. Écarter environ 3 % des habitations dont la construction est prévue d’ici 2030 des zones à haut risque réduirait le risque d’inondation des nouveaux logements au Canada de presque 80 %, selon les études de l’Institut climatique.

Pour que cela se produise, trois changements s’imposent.

Premièrement, tous les ordres de gouvernement devraient mettre en place des politiques qui encouragent le développement résidentiel et le financement des infrastructures dans les zones à faible risque et limitent la construction de nouveaux logements dans les zones à haut risque.

Deuxièmement, les gouvernements fédéral et provinciaux devraient revoir les programmes d’aide aux sinistrés afin d’indiquer clairement que les nouveaux projets à haut risque ne peuvent pas bénéficier d’une aide en cas de catastrophe, et allouer des fonds pour reconstruire les logements endommagés hors de portée du danger.

Troisièmement, les gouvernements devraient mettre à jour les cartes des risques d’inondation et de feux incontrôlés, les rendre accessibles au public, et en imposer la divulgation lors des transactions immobilières pour que les promoteurs, les propriétaires et les locataires puissent choisir des endroits sécuritaires où construire, acheter et vivre.

Les impacts des changements climatiques se font de plus en plus extrêmes et omniprésents. Il est plus que jamais important que les nouvelles habitations soient bâties en lieu sûr. Les gouvernements peuvent ainsi s’éviter des coûts futurs, protéger la population et s’assurer que les investissements publics offrent des bienfaits durables. Car au bout du compte, le logement le plus abordable est celui qui n’a pas à être reconstruit après une catastrophe.

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