La semaine dernière, lors d’une conférence sur les politiques climatiques organisée à Ottawa par l’Institut climatique du Canada et le Groupe consultatif pour la carboneutralité, un thème est ressorti clairement : s’il demeure important d’atteindre les cibles climatiques, ce sont les impératifs en matière d’économie et de sécurité énergétique qui constituent en ce moment le véritable moteur de la transition énergétique.
Chris Stark, le pragmatique directeur général du Comité sur le changement climatique du Royaume-Uni, dont le mandat légal est de faire un suivi des progrès climatiques et de conseiller les gouvernements à ce chapitre, l’a expliqué ainsi : « Au Royaume-Uni, nous passons de plus en plus de temps à réfléchir aux “avantages connexes”, les effets à grande échelle de la réduction des émissions et leur concrétisation. La carboneutralité est un objectif scientifique et légal. Mais nous ne l’atteindrons pas en misant uniquement sur les arguments climatiques. »
Au premier rang de ces « avantages connexes »? Les retombées économiques.
Andrew Light, secrétaire adjoint pour l’énergie des États-Unis, a décrit avec enthousiasme la portée et l’ampleur de la loi sur la réduction de l’inflation, qu’il a qualifiée de « plus grande loi climatique et énergétique adoptée dans l’histoire des États-Unis ». On parle de 500 milliards de dollars qui ouvrent des possibilités de croissance pour l’économie américaine et en font « l’accomplissement collectif le plus colossal ».
Le Canada, la souris qui dort à côté de l’éléphant, s’est réveillé pour prendre acte de ces possibilités économiques sans précédent. Le message du premier ministre Justin Trudeau à la conférence était clair : le monde a changé et offre de nouvelles possibilités… si le Canada est prêt à les saisir.
« Nous avons passé beaucoup de temps à parler de lutte contre les changements climatiques, et du défi qu’elle représente, a déclaré le premier ministre. Ce n’est que récemment que nous avons commencé à voir les possibilités dont nous avons parlé, dans un monde en transformation. »
De nombreux conférenciers ont fait remarquer que tout est maintenant en place pour une accélération spectaculaire de la transition énergétique. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, au lieu de rayer les mesures de lutte contre les changements climatiques de la liste des priorités politiques, ne fait que renforcer son élan.
« Les arguments économiques et de sécurité énergétique en faveur de l’action climatique n’ont jamais été aussi forts, a fait valoir Sara Moarif, directrice de l’environnement et des changements climatiques à l’Agence internationale de l’énergie. La crise en Ukraine a amené une harmonisation des priorités. Il s’agit d’une crise énergétique mondiale, ce que nous n’avions pas connu depuis un certain temps, qui entraîne de grands changements. Elle montre la fragilité et les lacunes en durabilité à de nombreux niveaux de notre système énergétique. »
Les États-Unis abondent en ce sens, comme l’a annoncé Andrew Light : « S’approvisionner auprès de quelqu’un qui est prêt à retourner cette énergie contre vous, ce n’est pas durable. Le simple fait de regarder le bulletin de nouvelles d’aujourd’hui devrait être la plus grande source de motivation pour accélérer la transition vers l’énergie propre. »
Une autre ligne de force s’est précisée tout au long de la journée, soit le désir de stabilité dans un monde instable : fin de l’inflation, stabilisation du climat de plus en plus imprévisible, et surtout, stabilité politique. Les ministres Wilkinson et Guilbeault ont tous deux souligné l’importance d’accroître la prévisibilité pour le secteur et les entreprises par la mise en place d’une politique de contrats carbone sur la différence, afin de garantir la tarification du carbone à l’avenir.
Les conférences de nos invités internationaux m’ont donné un élan d’espoir : il existe un réel consensus sur les objectifs et les résultats dans la trajectoire vers la carboneutralité. Il est important d’atteindre nos cibles climatiques, et le premier ministre a insisté sur le fait que nous y parviendrons grâce aux politiques globales actuellement en place. Mais il est également important que les pays s’entendent sur la façon dont la transition énergétique servira leurs objectifs stratégiques à plus grande échelle et rendra leur pays plus sûr, plus sain et plus prospère. « [Le Canada] est maintenant en voie de réaliser des réductions d’émissions de 40 à 45 % d’ici 2030, a déclaré le premier ministre Trudeau. Nous le ferons non seulement parce que c’est dans l’intérêt de la planète, mais également parce que cela nous confère un avantage concurrentiel. »