Crédit d'image: Un ruisseau coule à la périphérie de la Première Nation de Neskantaga, qui fait partie du Cercle de feu, une région riche en minéraux située dans le nord de l'Ontario, le dimanche 20 août 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Chris Young

Les droits autochtones et les minéraux critiques vont de pair, un principe que le Canada devrait sans tarder mettre de l’avant

Le leadership mondial en matière d’exploitation minière durable et équitable est une nécessité économique et morale.

Ce billet de blogue a précédemment été publié dans The Hill Times.

Imaginons un instant que le Canada soit la sommité en matière de pratiques minières durables et équitables. Plutôt que d’attendre que quelqu’un à l’international dicte le ton, c’est lui qui pourrait montrer aux autres que la richesse en ressources, les droits autochtones et les pratiques respectueuses de l’environnement ne sont pas forcément incompatibles, et qu’une exploitation minière inclusive et tournée vers l’avenir est à la fois possible et nécessaire.

En ce moment même, le secteur privé et les gouvernements se hâtent de mettre à exploitation les vastes réserves de minéraux du Canada; en effet, le pays est à la recherche de nouveaux moteurs de croissance économique depuis l’implosion des relations commerciales avec les États-Unis. Cette implosion coïncide avec la hausse fulgurante de la demande mondiale pour les minéraux critiques – éléments essentiels aux éoliennes, aux véhicules électriques et à la transition mondiale vers l’énergie propre.

Les territoires traditionnels nordiques et riches en minéraux des peuples autochtones s’étendent du Cercle de feu de l’Ontario jusqu’au Yukon et au Nunavut et se trouvent de plus en plus dans la mire des grandes entreprises et des investisseurs.

Ce sentiment d’urgence soudain a toutefois donné naissance à la croyance troublante que l’exploitation minière et les droits autochtones seraient incompatibles et opposées. En fait, c’est plutôt l’inverse : pour libérer le plein potentiel minier du Canada, les gouvernements et le secteur privé doivent placer les droits autochtones et le développement territorial au centre – et non à l’arrière-plan – de notre avenir minier.

Il ne fait plus de doute, les gouvernements doivent approcher l’exploitation minière d’un angle de développement territorial. Le processus doit commencer avec les gens qui vivent dans la région concernée, et prioriser les relations et l’intendance environnementale dans un désir de développement économique partagé et à long terme.

La question se pose : comment l’exploitation minière peut-elle apporter une valeur durable à la région et non seulement aux investisseurs? D’autres pays – comme la Norvège avec son exploitation fructueuse du pétrole ou l’Australie avec ses redevances minières – nous montrent que mettre de l’avant les intérêts locaux et régionaux a pour effet de renforcer les industries.

Quelles sont les politiques en appui à cette vision de l’exploitation minière?

Les droits territoriaux autochtones, l’autonomie gouvernementale et le consentement préalable libre et éclairé s’inscrivent déjà dans le droit canadien et sont entérinés par la Constitution, la Cour suprême et la loi. Et c’est vraiment dans le domaine de l’exploitation minière que ces mesures, une fois entièrement mises en œuvre, trouvent tout leur sens – et leur effet transformateur.

Plutôt que de voir comme des obstacles l’autogouvernance, le partage de revenu ou les évaluations d’impact menées par des Autochtones, on devrait plutôt encourager et récompenser la collaboration véritable. Par exemple, les projets qui émergent de partenariats constructifs impliquant une solide gouvernance locale peuvent en réalité accélérer l’octroi de permis, et non le ralentir. Les ententes entre la Nation Tahltan et la province de la Colombie-Britannique montrent comment la gouvernance conjointe basée sur le consentement des projets miniers sur les territoires traditionnels autochtones peut autonomiser les collectivités locales et clarifier la réglementation pour les investisseurs.

Des plans régionaux et territoriaux détaillés reflétant le croisement entre l’exploitation minière, la chasse, la pureté de l’eau et autres utilisations du territoire sont également essentiels. Pour les rédiger, les gouvernements doivent réellement souscrire à l’aménagement du territoire autochtone et nordique. Il faut reconsidérer les processus d’évaluation environnementale d’un angle d’interaction entre les nations, et les autorités de réglementation fédérales et provinciales doivent travailler de pair avec les autorités autochtones dès le début, et non en parallèle ou après coup. Les entreprises doivent se faire offrir des incitatifs stables visant à embaucher de la main-d’œuvre locale, à bâtir une infrastructure régionale et à partager les redevances minières avec les gouvernements locaux et les nations autochtones.

Cette idée n’est pas qu’une utopie, elle prend déjà vie à petite échelle. Au Québec et en Colombie-Britannique, des accords historiques ont amené les nations autochtones à diriger, seules ou accompagnées, des évaluations environnementales et à récolter une bonne part des revenus. Certaines Premières Nations nordiques ont transformé la formation de la main-d’œuvre et les ententes sur les avantages en emplois durables et en investissements dans la communauté.

Si le Canada fait de ces accomplissements une norme à atteindre, les retombées pourraient être énormes. Les quelques manchettes sur les conflits et retards pourraient laisser place à la croissance à long terme et à un leadership durable qui rayonne sur la scène internationale. Le Canada pourrait devenir le lieu d’investissement de choix des sociétés minières en raison de son modèle collaboratif, qui se sera avéré synonyme de projets prospères et d’un secteur responsable. Les communautés autochtones et nordiques brilleraient à titre de partenaires et d’innovatrices à part entière, et pas que de simples hébergeuses des ressources. Nous pourrions démentir l’idée selon laquelle l’exploitation minière et les droits autochtones sont incompatibles : il suffit de se donner la capacité et de faire preuve de vision, de courage et de respect. Le leadership au chapitre de l’inclusion et de la responsabilité envoie un message au reste du monde : le Canada est une région sécuritaire et fiable pour l’exploitation minière.

Le leadership mondial en matière d’exploitation minière durable et équitable n’est pas qu’un beau rêve : c’est une nécessité économique et morale. Le pays dispose des outils, des ressources et surtout des gens pour y parvenir. Il est maintenant temps d’agir, au profit de toute la population canadienne, mais surtout de ceux et celles qui vivent sur les territoires riches en ressources.

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