Crédit d'image: Arviat, Nunavut. Photo: Dylan Clark

Nous n’avons pas besoin du NORAD pour voir la vraie menace

Protéger le Nord des changements climatiques, ça commence par des investissements dans les infrastructures dont les habitants du Nord ont besoin.

L’invasion russe qui fait rage en Ukraine pousse les analystes de défense comme les adeptes du défilement morbide à prêter une attention particulière à la sécurité de l’Arctique canadien. D’hypothétiques scénarios de conflit armé – incursions russes par sous-marin ou avion de combat, ou atterrissage de soldats russes dans l’Arctique canadien – les font cependant passer à côté du réel danger qui menace le Nord du Canada : l’accélération des changements climatiques.

La plupart des collectivités du Nord du Canada n’ont déjà qu’un accès restreint aux services primaires que les habitants du reste du Canada tiennent pour acquis, comme des logements sûrs et un transport fiable vers les hôpitaux. Le climat du Nord se réchauffant beaucoup plus rapidement que la moyenne mondiale, les changements climatiques représentent une menace sans précédent pour les infrastructures déjà fragiles, accompagnée de conséquences dévastatrices sur les moyens de subsistance et la vie des habitants du Nord.

Un nouveau rapport de l’Institut climatique du Canada évalue l’ampleur de la menace et formule des recommandations pour la contrer.

À la (vraie) défense du Nord

Si les Canadiens ont soudainement pris conscience de l’importance de défendre le Nord, le meilleur plan d’action possible est de travailler dès maintenant avec ses habitants à corriger les graves lacunes en matière d’infrastructures.

Après des décennies de paternalisme et de négligence, la qualité des infrastructures du Nord est considérablement plus basse que dans le reste du Canada. Au Nunavut, 84 % des gens n’ont pas accès à un logement sûr. Les proportions d’insécurité alimentaire dans les trois territoires du Nord sont de 1,43 à 5,6 fois plus élevées que la moyenne canadienne. La plupart des habitants du Nord n’ont pas d’accès Internet haute vitesse et plusieurs collectivités n’ont pas de réseaux de transport et de santé adéquats.

Ces lacunes en matière d’infrastructures peuvent mener à un niveau de précarité exponentiel, onéreux et dangereux. L’an dernier, des milliers de personnes à Iqaluit se sont retrouvées sans eau du robinet potable pendant deux mois alors que l’eau de la ville était contaminée par de l’essence. La communauté de plus de 7 000 personnes a dû dépendre d’envois aériens quotidiens de bouteilles d’eau, pendant que la ville corrigeait la situation.

Les changements climatiques transformeront une situation précaire en catastrophe si les investissements en adaptation ne sont pas transformés et multipliés. Le plus récent rapport de la série sur les coûts des changements climatiques de l’Institut climatique du Canada, Plein Nord : faire face aux coûts des changements climatiques pour les infrastructures du Nord, conclut que tous les ordres de gouvernement devraient dès maintenant établir des politiques et réaliser des investissements pour se préparer aux répercussions des changements climatiques sur les infrastructures du Nord.

Beaucoup d’investissements demandés par les habitants du Nord – par exemple pour améliorer la fiabilité des aéroports – peuvent également servir à la défense. Des ports fonctionnels partout dans le Nord profiteraient autant aux collectivités qu’au ministère de la Défense nationale. Les entreprises du Nord, notamment les entreprises autochtones, pourraient également profiter d’une infrastructure de sécurité. Par exemple, le gouvernement fédéral a récemment conclu un contrat avec la coentreprise inuite Nassituq pour le maintien du Système d’alerte du Nord, donnant ainsi plus de contrôle aux détenteurs de droits inuits.

Plein Nord

Il est temps de donner au Nord ce qui lui revient. Les habitants du Nord vivent déjà les conséquences des changements climatiques et voient les coûts exorbitants qu’engendre le manque de préparation. Faire du Nord un territoire plus sûr, c’est possible. Les habitants du Nord sont prêts à le faire, et il n’y a pas de temps à perdre.

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