L’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre du Canada pourrait entraîner un avantage collatéral : de l’air plus propre et plus sain. Selon notre récent rapport, les trajectoires vers la carboneutralité pourraient éliminer jusqu’à 88 % des particules fines d’origine humaine – l’un des polluants atmosphériques les plus dommageables –, avec des avantages pour la santé de l’ensemble de la société équivalant à environ 7 milliards de dollars par année.
Éliminer les émissions de gaz à effet de serre peut contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air et sauver des vies. En fait, les avantages de la réduction de la pollution atmosphérique dépendent de l’atteinte de la carboneutralité, et non des moyens d’y arriver.
Des choix climatiques sains
Dans son rapport récent intitulé Vers un Canada carboneutre, l’Institut présente plusieurs façons pour le pays d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Le rapport cible principalement des technologies et des systèmes énergétiques variés permettant l’atteinte des cibles climatiques nationales, mais il explore également les effets de la carboneutralité sur l’air que nous respirons. Après tout, les combustibles et les activités qui contribuent aux changements climatiques polluent aussi l’atmosphère.
L’analyse vise l’un des polluants atmosphériques les plus dommageables pour la santé humaine : les émissions de particules fines. Une exposition à long terme à ce polluant est associée à un risque accru de maladie du cœur, de maladie cardiovasculaire, de maladie pulmonaire obstructive chronique, de cancer du poumon et de décès prématuré. Elle accroît le nombre de visites à l’urgence, d’hospitalisations, d’absences de l’école et du travail et de jours où il est dangereux d’aller à l’extérieur. Les enfants, les aînés et les personnes ayant un problème de santé sont les plus durement touchés.
Nos résultats démontrent la relation étroite entre les émissions de CO2 et l’exposition aux particules fines. Si l’on travaille à atteindre la carboneutralité, le fardeau social sur la santé lié à ce polluant – qui équivalait à 8,3 milliards de dollars en 2015 – pourrait atteindre 0,7 à 1,7 milliard de dollars par année d’ici 2050 (voir la figure 1).
Les résultats indiquent aussi que ces énormes bienfaits sur la santé accompagnent de multiples trajectoires vers la carboneutralité. Par exemple, dans un avenir où le système énergétique du Canada repose majoritairement sur le solaire, l’éolien et l’hydrogène, les émissions de particules fines ont pratiquement disparu (limite inférieure de la courbe). Il est aussi possible de réduire de beaucoup la pollution atmosphérique dans un avenir où le système énergétique emploie des combustibles fossiles et des technologies à émissions négatives; toutefois, pour obtenir les mêmes bienfaits sur la santé, il faudrait des normes strictes sur l’air ambiant et les émissions et des avancées technologiques considérables en matière de combustion propre et peu polluante (limite supérieure de la courbe).
Figure 1 : Coûts nationaux en santé liés à la pollution atmosphérique sur la voie de la carboneutralité (en milliards de dollars par année)
À noter que ces données dressent un portrait incomplet de la pollution atmosphérique dans un avenir carboneutre. Les changements climatiques pourraient, dans certains cas, aggraver la pollution atmosphérique, même si les niveaux absolus d’émissions de particules fines d’origine humaine chutent. La multiplication et l’aggravation des feux incontrôlés dues aux changements climatiques pourraient causer une hausse dangereuse de l’exposition aux particules fines, comme dans les récentes saisons des feux qui ont frappé la côte ouest canadienne. L’élévation des températures peut aussi modifier et aggraver l’exposition aux particules fines et aux autres polluants, comme le smog. Nos analyses excluent les particules fines ne provenant pas de la combustion et la façon dont ces émissions interagissent avec les changements climatiques.
Des avantages même hors des villes
Les avantages d’un air plus pur auront différentes sources et différentes caractéristiques dans chaque province. Ce sont les grandes villes qui en bénéficieront le plus, vu la grande quantité de personnes respirant cet air. Mais la pollution atmosphérique ne se limite pas aux grandes villes; elle fait partie de la vie de millions de personnes au Canada.
Dans l’absolu, c’est l’Ontario et le Québec qui retireront les plus grands avantages, simplement parce qu’elles comptent une plus grande population habitant près de sources importantes de pollution. Bref, comme davantage de gens seront moins exposés à la pollution atmosphérique, les bienfaits sur la santé augmenteront dans la société (voir la figure 2). La baisse de la pollution dans ces provinces résulterait principalement du verdissement des transports dans les grandes régions urbaines, la transition des véhicules lourds vers des sources d’énergie à émissions nulles, comme l’électricité et l’hydrogène, offrant le maximum d’avantages.
Figure 2 : Coûts provinciaux en santé liés à la pollution atmosphérique sur la voie de la carboneutralité (en milliards de dollars par année)
Des changements dans les industries pourraient apporter d’autres bénéfices ailleurs au Canada. Par exemple, en Alberta et en Saskatchewan, on pourrait voir une diminution importante de la pollution dans les industries lourdes et les projets d’exploitation des ressources naturelles (voir la figure 3). L’élimination progressive des centrales au charbon dans ces deux provinces aurait une influence régionale non négligeable sur la qualité de l’air. Des réseaux électriques plus propres contribueraient également à réduire considérablement les répercussions sur la santé dans les provinces de l’Atlantique.
Figure 3 : Coûts provinciaux en santé liés à la pollution atmosphérique sur la voie de la carboneutralité (en milliards de dollars par année)
Tous gagnants
Ces résultats mettent en évidence les divers avantages de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais le plus important, c’est peut-être la vitesse à laquelle les bienfaits se font sentir dans les provinces et les communautés qui passent à l’action.
L’élimination progressive de l’électricité au charbon en Ontario en est un bon exemple. En dix ans, les émissions de dioxyde de soufre du secteur de l’électricité de la province ont diminué de 99,7 %, celles d’oxydes d’azote, de 86 %, et celles de gaz à effet de serre, de 87 %. Grâce à cet abandon et à l’importante réduction des émissions des centrales au charbon de la vallée de l’Ohio, aux États-Unis, le nombre de jours de smog en Ontario est passé de 53 en 2005 à zéro en 2014.
Que l’on se soucie surtout de pollution atmosphérique ou de changements climatiques, en s’attaquant à l’un, on peut améliorer les deux, et par le fait même répondre à d’importants enjeux de justice environnementale, puisque les communautés racisées et vulnérables sont exposées de façon disproportionnée à la pollution atmosphérique. Des gains sociaux en climat, en santé et en justice environnementale sont possibles, mais requièrent des politiques ciblées et fondées sur des données probantes.
Respirer sans crainte
Pour l’instant, la pollution atmosphérique est bien ancrée dans nos vies, mais cela peut changer. Les diverses trajectoires vers la carboneutralité peuvent concrétiser ce rêve d’air pur et améliorer la santé de millions de Canadiens, pour nous permettre à tous de mieux respirer.