Les véhicules électriques font les manchettes ces derniers temps, alors que les grands constructeurs automobiles s’opposent à l’exigence nationale de vente de véhicules zéro émission (VZE) visant à électrifier progressivement le parc de véhicules.
L’exigence de vente de VZE est une politique majeure de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques, la stratégie fédérale du Canada pour décarboner le secteur du transport de passagers. Le principe est simple : les constructeurs et importateurs de véhicules doivent vendre une certaine proportion de VZE chaque année, et cette proportion augmente au fil du temps pour encourager la transition. Selon l’exigence actuelle, les VZE – électriques ou hybrides – devront représenter 20 % de toutes les ventes de nouveaux véhicules légers l’an prochain. Cette cible passera à 60 % d’ici 2030, puis à 100 % d’ici 2035.
Il est crucial d’augmenter le nombre de VZE sur les routes pour réduire les émissions et atteindre les objectifs climatiques du Canada. Les émissions liées au transport de passagers équivalent actuellement à 53 % des émissions du transport et à 12 % des émissions de l’économie tout entière, et chaque VZE qui remplace une voiture à l’essence aide.
Toutefois, le discours récent sur cette exigence et les véhicules électriques (VE) en général a contribué à propager certaines idées fausses. Déconstruisons ensemble trois de ces mythes.
Mythe no 1 : La chute des ventes au premier trimestre de 2025 prouve que les VZE ne sont plus attrayants
Après des années à augmenter sans cesse, les ventes de VZE ont chuté au premier trimestre de 2025. Certains constructeurs automobiles y voient un signe que la demande est en déclin.
Cependant, la baisse de la demande concorde avec la fin des remises aux consommateurs fédérales et provinciales au début de l’année; ce facteur a presque certainement contribué à la diminution des ventes, puisque les coûts initiaux sont souvent un obstacle majeur à l’adoption.
C’est ici que l’exigence de vente de VZE prend tout son sens. En effet, elle est d’autant plus importante les années où les ventes battent de l’aile, car elle offre une certitude au marché en garantissant une demande minimale pour les VZE, ce qui prévient le retrait des investissements dans leur fabrication. Ainsi, même lorsque la demande ralentit, l’exigence oblige les constructeurs et les importateurs à continuer d’améliorer l’approvisionnement et à offrir des prix concurrentiels.
L’exigence est donc un ancrage indispensable pour éviter que le Canada prenne du retard sur la tendance mondiale. Par ailleurs, les économies d’échelle augmentent sans cesse, et le prix des VZE se rapproche de celui des véhicules à essence. C’est que le prix des batteries continue de s’amenuiser – il devrait avoir diminué de moitié par rapport à 2023 d’ici l’an prochain –, et les pièces de moins en moins dispendieuses comblent le fossé avec les véhicules à combustibles fossiles.
Il faut aussi noter que la baisse des ventes de VE n’a pas été égale chez tous les fabricants et importateurs automobiles. General Motors (GM) a notamment annoncé une marge sur coûts variables positive pour sa gamme de VE en 2024; en ne tenant compte que des coûts de fabrication et des matériaux, GM a fait un profit sur ses VE. D’autres coûts, comme les investissements dans les installations de fabrication, doivent bien sûr être pris en compte pour calculer le profit net, mais cette nouvelle demeure positive de la part d’un grand constructeur automobile nord-américain. GM Canada a aussi enregistré un impressionnant taux de croissance en glissement annuel de 252 % au premier trimestre de 2025.
Du côté des consommateurs, la recherche montre qu’une croissance importante est encore possible; les Canadiens veulent des VZE. D’après un sondage récent d’Énergie propre Canada et d’Abacus Data, 45 % de la population serait ouverte à conduire un VE, et ce pourcentage grimpe encore plus chez les jeunes et les populations des centres urbains.
Enfin, il ne faut pas oublier que ce ne sont pas toutes les provinces qui ont accès à des VE. En effet, l’approvisionnement demeure concentré dans quelques provinces, et il est plutôt difficile de faire l’essai d’un VE avant d’acheter. L’exigence de vente de VZE vise à combler le fossé entre l’offre et la demande. Les constructeurs et importateurs automobiles ont souvent favorisé les chaînes d’approvisionnement en Colombie-Britannique et au Québec, où il existe des exigences de vente provinciales, de même que les grands marchés, comme l’Ontario. Ainsi, l’exigence de vente fédérale améliore l’offre des VZE dans les autres provinces en appelant une disponibilité minimale.
Mythe no 2 : Les constructeurs et importateurs automobiles devront limiter leurs ventes ou payer 20 000 $ en pénalités pour chaque véhicule à essence de trop
L’exigence de vente de VZE s’accompagne d’un système de crédits qui offre une certaine flexibilité aux constructeurs et importateurs qui n’arrivent pas à atteindre le pourcentage de VE voulu pour une année donnée. Les entreprises qui dépassent la cible génèrent des crédits (crédits complets pour les véhicules électriques à batterie, et partiels pour certains véhicules électriques hybrides rechargeables), qui peuvent être emmagasinés ou vendus dans les cinq années modèles suivantes. Les entreprises qui n’atteignent pas la cible peuvent demeurer en déficit pour un maximum de trois ans.
Il est aussi possible d’obtenir des crédits en investissant à hauteur de 20 000 $ dans des infrastructures de recharge rapide. Il n’est donc pas question de donner de l’argent au gouvernement; les entreprises ont le choix d’acheter ou d’échanger des crédits au prix courant, ou d’investir dans des infrastructures qui peuvent être rentabilisées et qui contribuent à réduire un obstacle majeur à l’adoption des VE.
Mais avant de se résoudre à ces options, les constructeurs et importateurs pourraient aussi tenter de stimuler la demande de VZE en subventionnant une partie des coûts de leurs VE avec leurs ventes de véhicules à essence. Les coûts initiaux des VZE sont gros obstacle à l’adoption, et ce problème pourrait être atténué en répartissant les coûts avec des véhicules autres pour réduire le prix de vente aux consommateurs.
Mythe no 3 : Les autres politiques rendent l’exigence de vente de VZE redondante
L’expérience des derniers mois nous montre que les diverses politiques soutenant le secteur des VZE – remises aux consommateurs, subventions pour les infrastructures de recharge – demeurent nécessaires. Toutefois, ces politiques se veulent un complément à l’exigence de vente et non un remplacement.
Les remises aux consommateurs ont été fortement utilisées pour encourager l’adoption des VZE, si bien que l’enveloppe fédérale pour le Programme d’incitatifs pour les véhicules zéro émission (iVZE) s’est épuisée plus vite que prévu. Il en va de même pour les programmes provinciaux, comme les remises Go Electric de la Colombie-Britannique, épuisées par l’explosion de l’intérêt. Le Québec a cependant rouvert son programme Roulez vert en mars, et le gouvernement fédéral a annoncé vouloir ramener les remises.
Les initiatives de financement des infrastructures de recharge, comme le Programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro du gouvernement du Canada, stimulent l’écosystème des VZE en facilitant l’accès aux bornes de recharge partout au pays. La disponibilité des bornes est particulièrement importante pour les gens qui ne peuvent en installer une chez eux, par exemple les locataires et les résidents d’immeubles à logements multiples, ainsi que pour les personnes qui font beaucoup de route. Les fonds publics contribuent également à l’équité de la transition, en rendant les VZE plus accessibles dans les communautés rurales, éloignées et mal desservies.
Cela dit, même si les remises et les infrastructures de recharge sont importantes, elles doivent s’accompagner de politiques et de messages forts visant à améliorer la disponibilité des VZE. En définissant des cibles claires à long terme et en donnant aux constructeurs diverses options pour se conformer, l’exigence de vente tire le marché vers des énergies plus propres et assure une disponibilité accrue des VZE pour les consommateurs d’un océan à l’autre.