Rôle des systèmes d’échange pour les grands émetteurs dans la compétitivité des exportateurs canadiens

En contexte de politiques commerciales changeantes, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs améliorent la compétitivité à petit prix : un avantage qui se calcule en Timbits par baril.

L’évolution fulgurante du contexte commercial mondial exige des outils stratégiques qui améliorent la compétitivité du Canada tout en permettant à l’industrie de se démarquer dans les marchés avec contrainte carbone. C’est ce que font les systèmes d’échange pour les grands émetteurs canadiens – dont le système TIER de l’Alberta et la tarification du carbone fondée sur le rendement du fédéral –, le tout à un coût dérisoire : un seul Timbit par baril.

Dans cet article, nous examinons les divers défis liés au commerce mondial – issus des États-Unis et de l’Europe – qui se multiplient, et leurs répercussions sur les industries canadiennes. Ensuite, nous explorons les systèmes d’échange pour les grands émetteurs et leurs caractéristiques permettant aux industries de braver les tempêtes commerciales et de s’emparer de parts du marché. Enfin, nous terminons en expliquant que même si les systèmes d’échange ne sont pas sans défaut et pourraient être modernisés, ils demeurent un outil robuste aidant les industries à s’adapter aux périodes d’incertitude et à se démarquer sur la scène mondiale.

Voilà de grands avantages pour des systèmes qui devraient être le plus grand moteur de réduction des émissions au Canada. 

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs, un bouclier contre la menace des taxes carbone

Dans le contexte commercial volatil actuel, les mesures strictes – des tarifs protectionnistes de l’administration Trump (comme le Reciprocal Trade and Tariffs Article de la Maison-Blanche) aux taxes carbone croissantes de l’UE – font grimper les prix des biens canadiens exportés. Les tarifs élevés touchent les fabricants canadiens de deux grandes façons : ils réduisent la demande globale du marché en haussant les prix, et ils placent les produits nationaux en mauvaise posture face à une concurrence étrangère moins chère, ce qui fait fondre la part du marché canadienne. Avec le temps, les entreprises s’adapteront en baissant leurs prix et les marchés atteindront un nouvel équilibre, mais dans l’ensemble, on anticipe quand même une perte nette des parts du marché, des revenus et des profits.

Les taxes carbone, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE entrant en vigueur en 2026 et la PROVE IT Act proposée par les États-Unis, ont un effet semblable sur le marché. Le MACF fonctionne en comparant les coûts carbone imposés aux fabricants de l’UE à ceux imposés aux pays exportateurs. Au Canada, les programmes de système d’échanges imposent une tarification du carbone aux entreprises exportatrices, mais ces coûts sont généralement moins élevés que dans l’UE. Cette différence est calculée et appliquée à la frontière sous forme de tarifs supplémentaires, ce qui alourdit la facture pour les biens canadiens.

Selon le volume des échanges commerciaux canadiens couverts par le MACF, les exportations canadiennes annuelles de 81 produits totalisant environ 3,8 milliards de dollars se verraient imposer des tarifs annuels supplémentaires de 64 millions en raison des écarts entre les coûts carbone, ce qui représente une hausse de prix de 1,6 % sur le marché européen. Cette hausse risque de gruger la part de marché du Canada en poussant les consommateurs de l’UE à éviter les produits canadiens plus coûteux. Des analyses économiques suggèrent que cette augmentation de 1,6 % due au MACF pourrait entraîner une chute d’environ 2 % de la demande de produits canadiens, soit une perte de quelque 78 millions de dollars en exportations annuellement. Sans systèmes d’échange au Canada, la perte des parts du marché s’approcherait plutôt de 100 millions.

L’élargissement du MACF fait croître les pertes potentielles du Canada sur ses 31 milliards de dollars d’exportations vers l’UE. De son côté, la PROVE IT Act proposée, qui a suscité un appui bipartisan, n’imposerait pas de coûts carbone aux fabricants américains. Il exigerait plutôt la collecte de renseignements détaillés sur la teneur en carbone d’une foule de produits importés. Si cette loi est adoptée, les fabricants canadiens devront déclarer la teneur en carbone de leurs produits; cela touchera environ 30 à 40 % de toutes les exportations vers les États-Unis, dont le pétrole, le gaz et la plupart des biens importants. D’ailleurs, beaucoup croient que cette collecte de donnée est la première étape de l’imposition à la frontière de taxes carbone sur les importations, qui multiplieraient les tarifs de l’administration Trump.

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs protègent les exportations au prix d’un Timbit par baril

Au coût nominal d’un seul Timbit par baril, les systèmes d’échange transforment des dépenses de conformité minimales en puissant outil de soutien des investissements et de l’expansion du marché. Prenons des données réelles : le pétrole Western Canadian Select se négocie à environ 83 $ CA par baril et les prix des crédits sont bien en dessous du prix de référence du carbone, ce qui veut dire que les coûts réglementaires des systèmes d’échange pour les sables bitumineux sont d’environ 30 sous par baril (soit le coût d’un Timbit). Pour les autres émetteurs au pays, les coûts moyens sont de moins de 5 $ par tonne d’éq. CO₂, comparativement au prix de référence du carbone de 95 $/tonne, ce qui entraîne une réduction quasi nulle de la marge de profit (de 36,1 % à 36 %), ou 8 sous par baril, en incluant les interactions entre les impôts et les redevances, les ventes de crédits et les subventions gouvernementales.

Qui plus est, ces coûts sont probablement surestimés, si l’on se fie aux crédits de l’Alberta actuellement négociés à 27 $. Donc, les vraies répercussions sur les prix sont beaucoup plus faibles que ce que laissent croire les prix de référence. 

Grâce à un appui considérable du gouvernement pour le déploiement de technologies et aux garanties sur le risque de crédit, les systèmes d’échange réduisent encore davantage les coûts des investissements, afin d’outiller les industries canadiennes pour prendre la tête des marchés mondiaux. 

La protection contre les pressions commerciales est intégrée aux systèmes d’échange pour les grands émetteurs

La résilience intégrée aux systèmes d’échange en est un élément essentiel; elle fournit aux industries canadiennes un cadre robuste et flexible d’adaptation aux conditions houleuses du marché. Les systèmes d’échange procurent quatre avantages stratégiques utiles pour faire face aux pressions commerciales grandissantes :

  • Contournement des ajustements à la frontière pour le carbone : Les systèmes d’échange aident les entreprises canadiennes à éviter les mesures punitives aux frontières en comblant l’écart entre les émissions tarifées au Canada et dans l’Union européenne, ainsi qu’à neutraliser les ajustements à la frontière pour le carbone et à s’emparer de parts du marché, pour garder les capitaux canadiens au Canada.
  • Dispositions bancaires solides : Une bonne accumulation de crédits grâce aux systèmes d’échange fournit aux entreprises une réserve stratégique leur permettant de se retourner et de profiter des occasions émergentes, même dans un contexte volatil. Ce filet de sécurité améliore les flux de trésorerie et réduit les risques en cas de ralentissement et de fluctuation du marché. En utilisant leurs crédits accumulés au besoin, les entreprises peuvent éviter les dépenses réglementaires supplémentaires – et même réduire les coûts à zéro dans les périodes difficiles – pour assurer leur stabilité financière. En Alberta, par exemple, il y a actuellement assez de crédits emmagasinés pour couvrir les coûts réglementaires de trois années (60 mégatonnes accumulées contre 20,1 mégatonnes dues chaque année). Selon le prix des crédits, les entreprises disposent d’un coussin de 2 à 6 milliards de dollars CA pour faire face aux possibles perturbations des tarifs.
  • Flexibilité inhérente en vue des fluctuations de la production et de l’approvisionnement : Comme les cibles de conformité des installations sont calculées par unité de production, les systèmes d’échange ajustent automatiquement les coûts réglementaires en fonction du niveau de production, pour qu’ils restent proportionnels au rendement lors des périodes économiques difficiles.
  • Investissements à long terme : Ces systèmes incitent les investissements visant à diminuer l’intensité des émissions de la production, ce qui améliore la productivité carbone et met les industries dans une position concurrentielle pour se démarquer dans les marchés avec contrainte carbone.

Pour la suite des choses, ces systèmes deviendront de plus en plus nécessaires

En profitant de systèmes domestiques robustes pour les grands émetteurs, le Canada peut protéger son économie d’exportation tout en aidant les industries à demeurer concurrentielles lors de la transition mondiale vers la sobriété en carbone. Les caractéristiques des systèmes d’échange – comme les répercussions minimales sur les profits et l’accumulation importante de crédits – démontrent qu’une politique sur le carbone sensée peut procurer des avantages stratégiques à un coût raisonnable. Vu l’évolution rapide des marchés d’exportation et l’émergence de mesures et de tarifs frontaliers, la valeur de ces avantages ne fera que croître, faisant des systèmes d’échange pour les grands émetteurs un outil essentiel à la compétitivité du Canada.

Publications liées