L’après COVID-19 — la série blogue
Alors que le pays se dirige vers la reprise économique de l’après pandémie, l’Institut examine les choix politiques à venir pour le Canada.
Se préparer au pire est un exercice d’équilibre difficile. Dans une situation d’urgence unique, comme celle que nous connaissons actuellement, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un système d’intervention d’urgence bien conçu atteigne ses limites. Dans le même temps, si ces systèmes sont débordés, les résultats peuvent être catastrophiques.
C’est cette compréhension qui motive les efforts collectifs des Canadiens pour aplatir la courbe de l’épidémie de COVID-19 – en espérant alléger à court terme une partie de la pression sur nos hôpitaux et nos systèmes de soins de santé pour améliorer leur capacité à faire face à la crise sur la durée.
Mais lorsque plusieurs sources de risque se chevauchent et interagissent, il peut être difficile de réagir efficacement. Face à la crise COVID-19, d’autres risques demeurent. En fait, alors que certaines communautés du Canada se préparent à une nouvelle saison d’inondations, d’incendies et de phénomènes météorologiques extrêmes, les mois à venir pourraient mettre en évidence les défis que représente la préparation adéquate à des risques multidimensionnels, ainsi que les avantages que représentent des approches plus globales pour renforcer la résilience et réduire la vulnérabilité.
Se préparer au pire, s’attendre à… l’incertitude
De nombreux éléments des systèmes d’intervention d’urgence au Canada seront mis à rude épreuve au cours des prochains mois en raison de la pandémie de COVID-19. L’Ontario a récemment augmenté son nombre d’ambulances terrestres de soins intensifs en prévision des besoins. Le Canada a créé une base de données pour aider les provinces et les territoires à identifier des professionnels, comme des infirmières à la retraite, des ambulanciers et des gestionnaires d’urgence, qui pourraient être appelés en renfort. De nombreux hôpitaux ont suspendu les opérations chirurgicales non urgentes et ont restructuré leur personnel afin de renforcer leur capacité d’intervention.
Cependant, le défi de planifier le pire dans un contexte de profonde incertitude n’est pas unique à la crise actuelle. Les gestionnaires d’urgences ont pour mandat d’évaluer l’ensemble des risques et de planifier en conséquence. En outre, ils ne doivent pas laisser les menaces immédiates masquer les vulnérabilités à plus long terme. Sécurité publique Canada encourage l’utilisation de l’outil ‘d’évaluation des risques pour tous les dangers’ afin d’examiner l’ampleur des risques qui pourraient s’accumuler, comme les cyberattaques, les incendies de forêt et les tremblements de terre. Cette approche prend en compte le fait que les plus grandes tensions se produisent lorsque plusieurs événements se produisent en même temps et provoquent des vulnérabilités à long terme.
C’est pourquoi, pendant que les gouvernements du Canada s’efforcent de faire face à la crise actuelle, ils doivent également garder un œil sur les dangers saisonniers qui se profilent à l’horizon et qui pourraient mettre encore plus à l’épreuve les systèmes d’urgence.
Prévoir l’inévitable – et l’inattendu
Comme beaucoup de Canadiens ne le savent que trop bien, certains des principaux dangers qui planent sur le pays – inondations, incendies de forêt et phénomènes météorologiques – suivent de fortes tendances saisonnières. La figure ci-dessous illustre la répartition saisonnière de toutes les catastrophes répertoriées dans la base de données canadienne sur les catastrophes à partir de 1900. Elle montre que, historiquement, la plupart des catastrophes qui touche le Canada se produisent entre la fin du printemps et le début de l’automne. Et la science indique que de tels événements sont susceptibles de devenir plus fréquents et plus extrêmes à mesure que le climat du Canada change.
Cette année ne s’annonce pas comme une exception. En tant qu’indicateur du risque potentiel d’inondation printanière, l’accumulation de neige en Colombie-Britannique est supérieure à la moyenne ce printemps, avec des accumulations de neige dans les régions de la côte centrale et du haut Fraser supérieures à 130 % de la moyenne historique. La saison des incendies vient également de commencer dans de nombreuses régions, les équipes saisonnières commençant à travailler le 1er avril. Selon Environnement et Changement Climatique Canada: Les prévisions climatiques canadiennes sur trois mois indiquent une probabilité de 60 à 70 % de températures supérieures à la moyenne au Québec – un indicateur potentiel de fonte rapide de la neige et de canicules estivales.
Compte tenu de la crise sanitaire et économique actuelle, les catastrophes qui se produiront inévitablement au cours des prochains mois exerceront une pression supplémentaire sur les interventions d’urgence et la gestion des ressources. Par exemple, comment vont les systèmes de santé renforcer leur capacité à répondre à la fumée des feux de forêt et aux maladies liées aux vagues de chaleur ? Comment est-ce que le ministère de la défense nationale affectera-t-il les ressources pour équilibrer les demandes de recherche et de sauvetage (qui devraient augmenter de façon spectaculaire au cours des mois à venir, comme le montre la figure 2), l’aide en cas d’inondation et d’incendie et éventuellement, l’assistance liée à la COVID-19 ?
Les mesures d’intervention d’urgence seront également limitées par la nécessité de maintenir les pratiques de distanciation physique ainsi que de protéger les premiers intervenants. Comment est-ce que les personnes évacuées en raison d’une inondation ou d’un incendie seront-elles abritées tout en gardant une distance entre elles ? Où est-ce que les équipes d’intervention en cas d’incendie pourront-elles rester si l’entassement dans des camps d’hébergement temporaire constitue un problème de santé ?
En outre, l’efficacité de la réponse aux événements météorologiques dépend fortement de la contribution de bénévoles – qui peuvent ne pas être en mesure d’aider s’ils sont infectés par la COVID-19 ou isolés. Les efforts de rétablissement nécessitent également des métiers et des travaux de réparation d’urgence, mobilisés par le secteur des assurances, pour que les communautés continuent de fonctionner après une catastrophe. Si cette aide n’est pas disponible en raison de la COVID-19, l’impact pourrait être en être dévastateur.
La nécessité de se préparer ne se limite pas aux risques qu’ils se profilent à l’horizon avec lesquels nous sommes familiers. Comme le monde en a maintenant été témoin, même lorsque des situations d’urgence comme une pandémie mondiale sont prévues, le moment auquel elles pourraient frapper reste difficile à prévoir. Dans la plus improbable et malheureuse, conjonction d’événements, que se passerait-il si Vancouver était frappée par le “Père de tous les séismes” cette année ? Les responsables de la gestion des urgences et les décideurs politiques peuvent rarement prévoir le moment exact où un événement se produira ou son ampleur, sans parler des nombreux risques qui s’accumuleront au fil du temps.
Renforcer la résilience du système
Les catastrophes peuvent se répercuter sur notre société, mettant en évidence les vulnérabilités systémiques. Au milieu de la pandémie, par exemple, il est évident que les personnes qui n’ont pas accès à un logement sûr ou à des soins de santé adéquats sont confrontées à des défis supplémentaires. Les vulnérabilités des communautés qui n’ont pas un accès régulier à l’eau potable – dont plus de 60 communautés autochtones vivant dans des réserves – sont aggravées par une situation d’urgence qui exige que les gens se mettent à l’abri et ne se déplace pas. Une économie qui s’est développée grâce à l’endettement des ménages place les familles dans une situation précaire lorsque les emplois s’envolent soudainement ou lorsqu’une catastrophe se produit.
La résilience n’est pas seulement influencée par des facteurs de sensibilité. La capacité d’adaptation est également un facteur clé. Il existe des signes d’espoir prometteurs dans ce domaine, les systèmes d’intervention d’urgence et la société dans son ensemble faisant preuve de souplesse dans la réaffectation et le rééquipement des ressources, qu’il s’agisse du recrutement de personnel médical à la retraite pour renforcer les capacités ou de la reconfiguration des activités des fabricants pour produire des équipements indispensables comme des ventilateurs respiratoires.
Dans les semaines à venir, l’augmentation continue de l’agilité des systèmes d’urgence devra être une priorité. Et, dans les mois et les années à venir, alors que le Canada se reconstruit et guérit, les décideurs politiques devront probablement examiner plus en détail la vulnérabilité des systèmes à court terme (par exemple, pendant la saison des feux de forêt) et à long terme (par exemple, dans un contexte de dégel du permafrost endommageant les communautés du Nord) tout en élaborant des politiques efficaces pour réduire et gérer les risques qui se chevauchent.
Si cet exercice n’est pas fait, les Canadiens seront plus vulnérables à la prochaine “grande menace”, qu’il s’agisse d’un nouveau virus, d’un tsunami, de la lente combustion du changement climatique ou d’une combinaison de ces menaces qui se produiraient à un même moment. Heureusement, il y a beaucoup de positif à tirer de la réponse collective à la COVID-19. Cette réponse pourrait mener à une meilleure préparation et à une réduction des risques à l’avenir, y compris une meilleure coopération entre les différents niveaux de gouvernement, et la capacité d’engager l’industrie à répondre de manière innovante aux défis auxquels la société est confrontée.
Après tout, qu’il s’agisse de réagir à une pandémie ou de faire face au changement climatique, nous sommes tous dans le même bateau.
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