Projet de Règlement sur l’électricité propre du Canada : considérations pratiques

L’énergie doit être et fiable, et abordable, et propre. Voici comment trouver le point d’équilibre dans la nouvelle réglementation.

Cet article a précédemment été publié dans le Options politiques

La transition du Canada vers l’électricité propre est observée de très près, dans un débat qui s’articule évidemment autour du projet de Règlement sur l’électricité propre qu’a publié le gouvernement fédéral en août 2023.

Ce règlement établirait des normes de rendement pour réduire les émissions de GES de l’électricité de source fossile dès 2035, une mesure essentielle pour atteindre les cibles de la transition énergétique et préparer le terrain pour la carboneutralité.

C’est ici que l’électrification entre en jeu : elle nous rapproche de nos objectifs et assure notre prospérité économique pour la prochaine décennie. Non seulement elle atténue la volatilité des prix pour les ménages qui abandonnent les énergies fossiles en faveur des thermopompes et des véhicules électriques économiques, mais elle permet aussi aux entreprises d’utiliser l’électricité propre comme avantage concurrentiel.

Malheureusement, au lieu de susciter des discussions constructives sur les avantages et les désavantages des différentes approches, le débat s’est rapidement polarisé, et les coûts et les conséquences de l’électrification propre ont été exagérés au point de faire complètement dérailler la discussion.

Le pragmatisme à la rescousse

Face à la demande croissante en électricité, la réglementation jouera un rôle crucial dans la mise en place d’un réseau propre et abordable. Mais pour être efficace, elle devra demeurer suffisamment flexible pour être gage de fiabilité et d’abordabilité dans tout le pays malgré la répartition inégale des sources d’électricité dans les provinces.

Le Canada a besoin d’énergie à la fois fiable, abordable et propre. Or, bon nombre des appels publics pour la refonte de la réglementation priorisent certains de ces critères au détriment des autres.

C’est pourquoi l’Institut climatique du Canada et Énergie propre Canada ont émis des recommandations visant un équilibre plus pragmatique.

Des normes de rendement plus réalistes

Premièrement, les producteurs d’énergie devraient être soumis à des plafonds d’émissions plus flexibles, de sorte à fixer une norme ambitieuse mais atteignable pour une installation de gaz naturel performante.

Les règlements sont de nature binaire, c’est-à-dire que les installations de gaz naturel doivent s’y conformer parfaitement pour rester en service. Ainsi, si la norme de rendement est trop stricte, il est possible que certaines installations renoncent à investir dans des technologies d’atténuation comme le captage et le stockage du CO2 et choisissent plutôt de fermer boutique, une décision qui minerait la fiabilité du réseau.

Le gaz naturel comme énergie d’appoint

Deuxièmement, les règlements devraient prévoir des dispositions permettant aux installations de gaz naturel sans captage et stockage du CO2 de faire une production d’appoint (limitée) pour venir compléter les énergies variables comme l’éolien ou le solaire. Cette façon de procéder assurerait la fiabilité du réseau et l’abordabilité énergétique à court terme, en attendant que d’autres sources d’énergie propres soient mises à contribution.

Prévenir la construction de nouvelles installations sans dispositif d’atténuation

Troisièmement, au lieu d’attendre le milieu de la prochaine décennie, le gouvernement devrait appliquer dès maintenant une norme de rendement intermédiaire pour les nouvelles installations de gaz naturel mises en service qui se resserrerait ensuite progressivement jusqu’au niveau prévu pour 2035.

Cette approche permettrait d’introduire graduellement des exigences réglementaires pour réduire le risque que de nouvelles installations de gaz naturel pourtant compatibles avec la captation du carbone ne se dotent jamais de cette technologie. Une norme de rendement progressive encouragera l’adoption du captage et du stockage du CO2 tout en laissant aux exploitants la souplesse nécessaire pour résoudre les accrocs.

Un éventail de politiques étoffé

Le débat entourant le Règlement sur l’électricité propre doit s’élargir tout en restant bien ancré dans la réalité. C’est ainsi que nous pourrons trouver le juste équilibre entre le besoin de décarboniser l’électricité et celui d’en préserver la fiabilité et l’abordabilité. Pour ce faire, il faudra toutefois diversifier les politiques.

Le Règlement sur l’électricité propre ne suffira pas à lui seul à faire des objectifs du Canada une réalité. Il devra en effet s’accompagner d’un plus grand éventail de politiques :

La plupart des grands partenaires commerciaux du Canada, y compris tous les pays du G7, se sont engagés à atteindre la carboneutralité énergétique d’ici 2035 et déploient rapidement des politiques à cette fin – même les États-Unis. Il est impératif que le Canada leur emboîte le pas.Il est possible de débattre constructivement du Règlement sur l’électricité propre et des autres politiques sur l’électricité. Cela dit, les discussions doivent s’appuyer sur des faits. En favorisant une approche pragmatique qui passe par un large éventail de politiques complémentaires, le Canada éliminera les obstacles superflus sur sa trajectoire vers un réseau électrique propre, abordable et fiable.

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