Initialement publié dans Maclean’s.
Les gouvernements et les entreprises ont longtemps dépeint les changements climatiques comme un problème purement environnemental. Même aujourd’hui, les répercussions économiques qui en découlent n’influencent que rarement leurs décisions. Et bien des Canadiens partagent cette vision. En dépit des preuves omniprésentes, ils n’établissent toujours pas de lien entre l’augmentation du coût de la vie et les changements climatiques. Par exemple, les précipitations records qui ont inondé Vancouver l’an dernier ont perturbé pendant des mois l’équivalent de 550 millions $ en fret quotidien qui transite par l’immense port. Au cours de la dernière décennie, les dommages aux propriétés découlant des changements climatiques ont entraîné une augmentation de 42 % des primes d’assurance habitation des propriétaires résidentiels (en Alberta, une région particulièrement vulnérable aux feux incontrôlés, l’augmentation a été de 140 %). Et les changements climatiques sont aussi en partie responsables des prix d’épicerie actuels : en effet, les prix mondiaux des denrées ont augmenté de 28 % au cours de la dernière année en raison des phénomènes météorologiques extrêmes. Et ces coûts ne feront que s’accumuler. Selon les recherches de mon organisme, les facteurs liés aux changements climatiques pourraient à eux seuls diminuer le revenu annuel des ménages canadiens de 700 $ en moyenne d’ici 2025.
Le gouvernement canadien a récemment fait passer ses cibles de réduction des émissions d’ici 2030 de 36 % à 40 à 45 %, mais il devra élaborer des politiques plus ambitieuses pour les atteindre. À l’heure actuelle, nous n’avons toujours pas de norme sur l’énergie propre et notre politique de tarification du carbone, certes un exemple mondial, doit néanmoins être mise à jour pour rendre compte du plein coût de nos émissions.
Les Canadiens doivent également avoir facilement accès à l’information sur les risques environnementaux afin d’en prévoir le coût au quotidien. Les prix de l’immobilier au pays, par exemple, ne tiennent guère compte des changements climatiques, et ce même dans les zones à forte probabilité d’inondations. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent adopter des politiques imposant la divulgation de renseignements sur les risques climatiques des propriétés avant leur vente. En outre, les nouvelles habitations doivent être construites avec des matériaux et selon des aménagements qui diminueront leur consommation d’énergie, tandis que les habitations existantes devront être modernisées dans le même but. Une fois la transaction conclue, les nouveaux propriétaires pourraient envisager de faire appel à un vérificateur de la gestion de l’énergie qui saura inspecter leur propriété et faire des recommandations pour diminuer leurs coûts en énergie et leur empreinte carbone.
Les décideurs doivent également tenir compte des changements climatiques dans leurs décisions concrètes en matière d’infrastructure, par exemple en construisant de nouvelles voies publiques qui résistent mieux au cycle de gel et de dégel. Cela dit, certaines répercussions économiques des changements climatiques sont beaucoup plus difficiles à quantifier. Les pannes de courant diminuent la productivité des travailleurs; une mauvaise qualité de l’air multiplie le nombre d’hospitalisations pour maladie respiratoire; sans parler de l’écoanxiété, un problème de santé mentale causé par la menace existentielle de l’effondrement écologique. Afin de compenser ces coûts sur le plan de la santé et de la productivité, le gouvernement doit assurer un accès plus large et plus équitable aux hôpitaux et aux soins de santé mentale. Les coûts de l’ensemble de ces mesures, qu’elles touchent l’infrastructure ou un secteur moins quantifiable, devront être assumés par le gouvernement ou par les contribuables.
Même si certaines mesures seront coûteuses à court terme, tout indique que les Canadiens en bénéficieront largement au bout du compte. Selon les analyses de l’Institut climatique du Canada, si le monde entier arrive à limiter le réchauffement et à réduire ses émissions jusqu’en 2100, les coûts liés aux changements climatiques sur le PIB canadien seront réduits de moitié; autrement, ils doubleront.
Les phénomènes météorologiques extrêmes s’abattent désormais sur nous à une fréquence alarmante. Le feu incontrôlé à Fort McMurray en 2016 est la catastrophe la plus coûteuse au pays à ce jour, ayant causé des dommages évalués à 9 milliards $. Mais il faut également tenir compte de l’augmentation progressive de nos factures de chauffage et d’épicerie ainsi que des dommages à nos habitations et à nos installations publiques. Plus le Canada remettra le problème à demain, plus les coûts grimperont.