Un nouveau chapitre s’ouvre dans la réflexion sur les changements climatiques au Canada

Voici trois approches que le prochain gouvernement canadien peut adopter pour réellement faire progresser la lutte contre les changements climatiques.

Cet article a précédemment été publié dans Corporate Knights.

Le Jour de la Terre me rend toujours songeur. Souligné dans le monde entier depuis 55 ans, il nous rappelle que le progrès environnemental n’est pas un sprint, mais plutôt une course à relais multigénérationnelle. Le 22 avril nous donne l’occasion de raviver le pas.

La semaine prochaine, nous connaîtrons le nouveau gouvernement du Canada. Quels que soient les résultats de l’élection, notre pays est sur le point d’entamer un nouveau chapitre dans la réflexion sur les changements climatiques. La tarification du carbone à la consommation n’existe plus. Comme cette politique accaparait les discussions sur le climat, nous avons désormais beaucoup plus de temps pour nous pencher sur d’autres solutions.

Que se passera-t-il maintenant?

Je présenterai des recommandations spécifiques au lendemain des élections, mais pour l’instant, voici trois priorités qui devraient guider les nouveaux progrès en matière de lutte contre les changements climatiques :

1. Rendre la vie plus abordable

Après s’être heurtée aux plus fortes pressions inflationnistes depuis des décennies, la population du Canada fait maintenant face à une autre menace économique sous la forme des mesures commerciales destructrices et chaotiques de l’administration Trump. Cette réalité fondamentale teintera toutes les mesures politiques au pays au cours des mois et années à venir – et les politiques climatiques n’y échappent pas.

La bonne nouvelle, c’est que nombre des solutions requises pour stimuler notre économie et réduire les émissions passent par des technologies et des mesures qui peuvent rendre la vie plus abordable.

Un exemple : les thermopompes. L’Institut climatique du Canada a réalisé une étude visant à comparer leurs coûts à ceux des fournaises au gaz combinées à un climatiseur. Le contexte politique a changé depuis la publication de l’étude, mais en somme, les thermopompes demeurent plus avantageuses que les systèmes au gaz dans la plus grande partie du pays, ne serait-ce que sur le plan du prix.

Les Canadiens délaissent les combustibles fossiles au profit de technologies plus efficaces et écoénergétiques, et cela va les faire économiser sur les coûts énergétiques au fil du temps : on estime que la facture énergétique du ménage moyen s’allégera de 12 % d’ici 2050.

Il en va de même pour le renouvelable, comme le solaire et l’éolien, qui fournissent maintenant de l’énergie à plus faible coût que les nouvelles centrales à combustibles fossiles et que la majorité des installations fossiles existantes.

C’est d’excellent augure pour l’action climatique. La transition vers la carboneutralité ne peut se faire sans alimenter la plus grande part de notre économie à cette nouvelle électricité propre – et pour ce faire, il faudra doubler, voire tripler, les sources sur le réseau.

2. Bâtir une économie plus concurrentielle

Malgré les efforts déployés par l’administration Trump pour ralentir décarbonisation, d’autres pays partout dans le monde accélèrent la transition vers l’énergie propre. Ce sont précisément les partenaires dont le Canada a le plus besoin pour diversifier son économie face à la montée du protectionnisme aux États-Unis.

Par exemple, l’Union européenne prend les devants avec ses mesures de réduction des émissions : au cours des prochains mois, elle devrait instaurer sa cible d’émissions de 2040 pour diminuer sa pollution carbonique de 90 %. Le Royaume-Uni prévoit combler toute la demande en énergie avec de l’électricité propre d’ici 2030, lui qui a fermé sa dernière centrale au charbon en septembre 2024.

L’Inde, le troisième plus grand émetteur au monde, devrait lancer un nouveau marché du carbone en octobre 2026. La Chine, elle, a déjà le plus grand marché du carbone au monde, et le gouvernement prévoit y intégrer les industries de l’acier, du ciment et de l’aluminium. Ainsi, l’État chinois ajoutera environ trois milliards de tonnes d’émissions au programme, et plus de 60 % de ses émissions totales seront couvertes par le système d’échange de crédits carbone.

Même aux États-Unis, 24 États membres de l’United States Climate Alliance – qui représentent près de 60 % de l’économie nationale – ont indiqué qu’ils réduiront leurs émissions de moitié d’ici 2030.

Toutes ces mesures auront des répercussions profondes pour la compétitivité économique du Canada. Et la décarbonisation présente les plus grandes possibilités d’affaires : selon l’Agence internationale de l’énergie, les investissements en énergie propre devaient atteindre deux billions de dollars en 2024, soit près du double des sommes consacrées aux combustibles fossiles. L’Agence prévoit que la demande mondiale en combustibles fossiles plafonnera d’ici 2030.

Le Canada a besoin de politiques climatiques solides pour rester concurrentiel dans un monde où la majorité de ses grands partenaires commerciaux, y compris l’Union européenne et le Royaume-Uni, mettent en place des mécanismes de tarification du carbone aux frontières. Même les États-Unis envisagent l’adoption de mesures similaires.

Heureusement, la tarification du carbone industriel peut aider à diminuer les coûts de ces tarifs douaniers et à conserver les revenus de notre côté de la frontière pour investir dans les projets de décarbonisation. Cette politique gagnante permet de réduire les émissions tout en maintenant les coûts au plus bas pour les entreprises, soit environ le prix d’un Timbit par baril de pétrole. De plus, ces systèmes n’entraînent pratiquement aucun coût pour les ménages.

Les politiques climatiques du Canada doivent tirer parti de ces avantages pour que le pays reste concurrentiel dans un environnement international qui évolue rapidement.

3. Protéger les Canadiens contre les catastrophes météorologiques

Fondamentalement, les changements climatiques menacent la sécurité et la subsistance de la population du Canada. Et les risques ne feront qu’augmenter avec le temps.

L’année dernière aura été de loin la plus coûteuse sur le plan des dommages climatiques assurés, qui totalisent plus de 8,5 millions de dollars. Ce chiffre pulvérise l’énorme record précédent de 6 milliards, établi en 2016 à la suite du feu incontrôlé de Fort McMurray. La facture de 2024 comprend le feu incontrôlé de Jasper, les inondations au Québec et en Ontario, et la tempête de grêle de Calgary, qui a coûté plusieurs milliards de dollars.

Ces sinistres ne représentent qu’une fraction du coût global des changements climatiques. Selon une étude antérieure de l’Institut climatique du Canada, en raison des dommages causés par les changements climatiques à ce jour, le Canada essuierait cette année des pertes de 25 milliards par rapport à un scénario où le climat aurait été stable.

Ces pertes s’accumulent de différentes façons, mais pour donner un exemple concret, durant les feux records de 2023, une fumée épaisse a envahi des villes de l’Ontario et d’autres régions. En une semaine seulement, le ciel enfumé a engendré des coûts de plus de 1 milliard pour le système de santé de la province.

Les décideurs doivent se pencher sur ces menaces pour veiller à ce que toute la population du Canada soit mieux préparée aux futures catastrophes climatiques.

L’un des thèmes récurrents du Jour de la Terre est « penser à l’échelle mondiale, agir à l’échelle locale ». Dans le prochain chapitre de la réflexion sur les changements climatiques au Canada, nous devons plus que jamais garder ce mantra à l’esprit. Les idées incohérentes et ineptes sur le plan économique de l’administration Trump nous ont poussés à réexaminer l’avenir de notre pays. Des politiques efficaces sur les changements climatiques ne sont plus qu’un simple atout : elles sont essentielles pour garder la vie abordable, rendre l’économie canadienne plus concurrentielle, et mieux protéger notre population.

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