Il y a de ces drames que les gens adorent.
Prenons la très divertissante fin de saison de Succession, la série événement de la chaîne HBO. Je m’en suis délecté, tout comme des millions d’autres téléspectateurs.
Mais voyez-vous, le drame, c’est amusant à petites doses seulement. Un peu trop, et le moral en prend un coup, particulièrement lorsqu’on a l’impression de ne pas être en contrôle.
Au cours de la dernière année, nous avons souvent eu l’impression d’être les otages de tragédies réelles capables de rivaliser avec celles de nos téléséries favorites.
Les grands coupables sont bien sûr les choix déchirants que nous avons dû faire tout au long de la pandémie. Voilà un drame sans fin, accablant et impitoyable. Du jamais vu, au point que nous avons dû créer tout un vocabulaire pour décrire l’expérience.
Autre source inépuisable de drame : la menace existentielle posée par les changements climatiques. Quand je dis à quelqu’un que je travaille en environnement, la même question revient tout le temps, que ce soit dans un souper ou chez le barbier : « Est-ce qu’on est foutus? »
Les sondages d’opinion font état de cette anxiété généralisée. Près de 60 % des jeunes de la planète se disent très inquiets des changements climatiques, et près de la moitié affirment que ces inquiétudes perturbent leur vie quotidienne. Au Canada, cette « écoanxiété » est exacerbée par les feux incontrôlés et les inondations extrêmes connus cette année et par l’impression que les ravages causés par les changements climatiques ne feront qu’empirer.
Mais est-ce une fatalité? Sommes-nous condamnés à angoisser dans l’attente d’un avenir cauchemardesque et dystopique? En un mot : non.
Bien sûr, nous ne réglerons pas tous les problèmes du monde, mais il y a une chose que nous pouvons faire en 2022 pour apaiser les craintes de la population canadienne face aux changements climatiques : les rendre ennuyants. Car l’ennui va de pair avec la prévisibilité et le calme, deux choses dont nous avons bien besoin présentement.
On attribue souvent à Winston Churchill la citation suivante : « Cessons de nous inquiéter pour notre avenir et commençons à le planifier. » Voilà ce que le Canada peut faire cette année.
Notre pays s’est doté d’une loi fédérale sur les changements climatiques, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui oblige le gouvernement à déposer (d’ici la fin mars) son premier plan de réduction des émissions pour 2030. Selon le nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, ce plan doit comprendre des engagements sur les véhicules électriques et zéro émission, la réduction des émissions de méthane, le plafonnement et la réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier et la transition vers un réseau électrique carboneutre.
Si le gouvernement tient parole, nous serons en bonne voie pour avoir un impact réel sur les émissions de carbone, une première dans l’histoire de notre pays.
Est-ce que cela dissipera instantanément l’angoisse généralisée quant au climat? Bien sûr que non. Mais savoir que nous avons un plan et que nous commençons à inverser la tendance des émissions de gaz à effet de serre : voilà qui changera les mentalités et le discours entourant le carbone au Canada.
D’autres pays à l’avant-garde des efforts de réduction du carbone nous montrent la voie à suivre. Pensons au Royaume-Uni, qui a diminué de moitié ses émissions depuis 1990. Chaque année y est rythmée par le même cycle : on applique le plan national de réduction du carbone, on évalue les progrès à la lumière de ce plan, on apporte les modifications qui s’imposent, puis on recommence. Ennuyant, prévisible… mais efficace.
Lorsque les politiques publiques donnent de bons résultats, elles cessent de faire l’objet de débats enflammés. Mon souhait pour 2022? Qu’on parle moins des changements climatiques, parce qu’on sera trop occupés à en faire plus.
Initialement publié par Maclean’s.