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La politique climatique à l’ombre de la COVID-19

Le paysage politique a peut-être changé, mais la question des changements climatiques reste incontournable

L’après COVID-19 — la série blogue
Alors que le pays se dirige vers la reprise économique de l’après pandémie, l’Institut examine les choix politiques à venir pour le Canada.

La pandémie de COVID-19 a redéfini notre manière de vivre et la façon dont les politiques publiques visent à améliorer le bien-être des Canadiens. La perturbation générale causée par la COVID-19 affectera notre réflexion politique pour la prochaine décennie ou plus. Et soyons clairs : à court terme, la seule priorité qui compte est de surmonter cette crise. Dans ce contexte, la politique climatique passe au second plan. Cela ne signifie pas que la lutte contre les changements climatiques va disparaître en tant que priorité politique, mais cela change le paysage et le contexte de nos choix climatiques.  

Donner la priorité à l’aide aux personnes et aux entreprises 

Dans cette phase de réponse à la crise à court terme, les gouvernements s’efforcent de concevoir des plans d’aide massifs pour renforcer les filets de sécurité des personnes et des entreprises, en examinant tous les leviers politiques pour atténuer la crise. Et cela passe notamment par le choix d’ajuster ou non la politique climatique. Au début de la pandémie, le gouvernement de la Colombie-Britannique a notamment annoncé un report de l’augmentation de la taxe sur le carbone prévue pour le 1er avril 2020. L’utilisation du mot “report” n’est pas anodin. C’est un signal fort qui rappelle aux ménages et aux entreprises que la pollution par le carbone devra encore être gérée sur le long terme. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a également institué un remboursement unique de la taxe sur le carbone pour les particuliers et les ménages afin d’aider à augmenter les revenus pendant la pandémie. 

En revanche, le gouvernement fédéral a procédé à l’augmentation prévue de 10 dollars par tonne de son prix sur la pollution par le carbone. Paradoxalement, ce choix est probablement logique comme mesure de soutien au revenu pendant la pandémie de COVID-19 puisque, au début de l’année, la majorité des ménages reçoit un remboursement de la taxe sur le carbone qui dépasse les paiements de la taxe sur le carbone. 

L’augmentation de la taxe sur le carbone de 2020 s’accompagne d’une augmentation de la remise, ce qui rend le ménage moyen en Ontario, par exemple, 60% mieux loti qu’avec la remise nette en 2019. De toute évidence, l’annulation de l’augmentation de la taxe sur le carbone aurait pu aggraver la situation de nombreuses familles.  

Qu’en est-il des entreprises ? L’approche fédérale consistant à utiliser le produit de la taxe sur le carbone pour offrir aux entreprises des subventions pour les technologies permettant d’économiser de l’énergie et des coûts ne sera probablement pas d’un grand secours face à l’impact de la pandémie sur les revenus à court terme. Si les programmes qui soutiennent les améliorations éconergétiques sont idéalement adaptés pour aider à la reprise à long terme en catalysant les dépenses, ils ont tendance à exiger des investissements de contrepartie et à prendre du temps à mettre en œuvre. 

À court terme, il est plus nécessaire de fournir des paiements en espèces aux entreprises pour les aider à faire la transition vers la reprise. C’est pourquoi il est possible de revoir les approches actuelles de remise sur les technologies, comme le fonds d’incitation à l’action climatique du gouvernement fédéral pour les petites et moyennes entreprises, et d’évaluer si la remise du prix fédéral du carbone devrait être redéfinie comme l’équivalent d’une bouée de sauvetage en espèces. Une autre approche possible consiste à différer le paiement de la taxe sur le carbone, comme le font les gouvernements à travers diverses formes de taxation.  

Miser sur la reprise économique pour réduire les risques futurs 

Cette pandémie a montré clairement à quel point une aide au revenu est cruciale pour aider les gens à surmonter les chocs économiques (tout en restant chez eux), mais ce ne sera pas non plus le dernier choc auquel nous serons confrontés. À mesure que la crise actuelle s’atténuera, les décideurs politiques se concentreront sur la reprise économique. Les aides d’urgence à court terme seront remplacées par des dépenses pour des projets d’investissement à plus long terme tels que le renouvellement des infrastructures. 

Pendant que ce passage à la reprise s’opère, il est logique que les gouvernements définissent de multiples objectifs pour les dépenses de relance, notamment la réduction des risques systémiques à plus long terme. Les conséquences du changement climatique constituent l’un de ces grands risques, la fréquence croissante des tempêtes, des vagues de chaleur et des incendies perturbant l’équilibre des ménages et les entreprises. Les dommages subis à ce jour comprennent les pertes commerciales et personnelles dues aux incendies de forêt en Alberta, les dommages sanitaires causés par la fumée des incendies de forêt à Vancouver et dans d’autres régions de la Colombie-Britannique, et les pertes financières causées par les inondations pour les particuliers dans la plupart des régions du pays. Si la COVID-19 nous a appris quelque chose, c’est qu’une réduction proactive des risques futurs peut être très profitable.  

Dans la mesure où les risques climatiques futurs peuvent être réduits grâce aux dépenses de relance, il y a de grands avantages à éviter des résultats à coûts élevés. Imaginez un scénario dans lequel l’un de ces événements météorologiques extrêmes se produirait pendant une pandémie. Malheureusement, ce n’est pas un événement improbable : Alors que les communautés de l’Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Colombie-Britannique sont encore sous le choc de la dernière série d’inondations printanières dévastatrices, d’autres inondations et incendies de forêt pourraient survenir. Où les gens iront-ils pour s’isoler s’ils doivent abandonner en masse leurs maisons face à la montée des eaux ou à la menace des flammes ? Et comment des milliards de dollars de dommages causés aux infrastructures pourraient-ils affecter la capacité des gouvernements à soutenir la reprise économique locale ? L’accumulation de risques multiples est un scénario effrayant qui représente une situation de plus en plus tangible et urgente à la lumière de la pandémie de COVID-19.  

Le déplacement de la demande mondiale de combustibles fossiles et de produits à forte intensité d’émissions préfigure un autre choc économique qui se profile à l’horizon. Alors que la demande intérieure et mondiale évolue, les gouvernements et l’industrie doivent réfléchir à la manière dont les travailleurs peuvent être orientés vers de nouvelles opportunités d’emploi. Bien que nous ayons tendance à penser que cette transition représente une tendance à long terme, la pandémie de COVID-19 et le choc pétrolier subséquent ont révélé à quel point ces chocs peuvent être rapides et violents. À l’avenir, les gouvernements peuvent tirer profit de l’examen de nouvelles approches pour aider à la transition au-delà du filet de sécurité de l’assurance-emploi. Les investissements dans la reconversion et le renforcement des compétences figureront en tête des priorités des gouvernements.   

La reprise peut également poursuivre les tendances actuelles qui favorisent le déploiement de technologies et d’infrastructures à faible émission de carbone. L’élargissement des programmes actuels qui aident les entreprises et les ménages à choisir des équipements à faibles émissions et économes en énergie est une priorité à long terme. Les gouvernements peuvent envisager de recapitaliser les programmes actuels, en doublant essentiellement les tendances actuelles de transition vers une économie à faible intensité de carbone tout en bénéficiant des retombées économiques des dépenses de relance.  

D’ici là 

À court terme, ce qui compte vraiment, c’est de minimiser les dommages alors que nous traversons collectivement la crise de la COVID-19 et de s’assurer que l’économie canadienne est en voie de redressement. Reste que les choix politiques que les gouvernements font en réponse à cette crise auront des répercussions à long terme. Comme le soulignent Rachel Samson et l’économiste Richard Lipsey de l’Institut canadien pour des choix climatiques, le Canada a la possibilité de poursuivre la reprise et la croissance d’une manière qui soit cohérente avec un ensemble plus large d’objectifs sociaux, l’un d’eux étant de lutter avec succès contre les changements climatiques. 

Dans les semaines et les mois à venir, nous allons explorer davantage les implications liées au climat des choix politiques post-pandémie du Canada. D’ici là, restez chez vous, veillez à votre sécurité et tenez-vous informés.

L’après COVID-19 Plus de la série blogue

https://choixclimatiques.ca/politiques-climatiques-contre-croissance-economique-en-temps-de-crise/

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