Cet article a précédemment été publié dans le National Observer.
Alors que les Canadiens se rassemblaient pour l’Action de grâce cette année, la chaleur extrême de l’été et du début d’automne était encore dans les esprits.
Cette chaleur inédite a fait fondre les derniers vestiges du scepticisme climatique en révélant les coûts réels de la situation.
Bien que la classe dirigeante joue encore et toujours à la patate chaude avec les politiques climatiques, la question au Canada n’est plus de s’entendre sur la gravité du problème, mais bien sur la façon de l’aborder.
Contrairement aux années précédentes, où les phénomènes météorologiques extrêmes étaient tragiques, mais sporadiques et localisés, l’été 2023 a été marqué d’horreurs incessantes et généralisées qui ont fait les manchettes des mois durant.
Inondations extrêmes et feux incontrôlés se sont alternés, se chevauchant même par endroits, et comme la fumée n’a que faire des frontières, les différents incendies ont causé des désagréments dans d’autres pays à des centaines de kilomètres. D’Est en Ouest et du Nord au Sud, aux quatre coins du grand pays complexe qu’est le Canada, les gens ont subi les conséquences sans précédent de la chaleur extrême, des inondations et des feux.
On notera que la couverture médiatique de ces catastrophes établit régulièrement un lien direct avec les changements climatiques, chose qu’on ne voyait que rarement voilà quelques années. Ainsi, en 2023, la causalité ne fait aucun doute pour le public.
Selon les calculs des spécialistes scientifiques de World Weather Attribution, les changements climatiques auraient fait plus que doubler la probabilité de conditions extrêmes propices aux feux incontrôlés dans l’est du Canada : « Au Québec, les changements climatiques ont accru d’environ 50 % la gravité cumulative de la saison des feux 2023 à la fin de juillet; des saisons d’une telle gravité sont désormais au moins sept fois plus probables. »
Bien que les économistes sonnent depuis longtemps l’alarme sur la montée des coûts de la météo extrême, cet été, les projections sont devenues réalité – et ce directement chez nous. Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique estime avoir jusqu’ici dépensé 770 millions de dollars en efforts de lutte contre les incendies cette année, beaucoup plus que toute autre année. Et si l’on y ajoutait la facture sanitaire de la fumée des feux incontrôlés, on se retrouverait avec un total bien plus élevé : pour une seule semaine de juin en Ontario, ces coûts ont été estimés à plus d’un milliard de dollars. À l’échelle municipale, Halifax a dû débourser environ 20 millions de dollars en frais de nettoyage après une année d’ouragans, d’incendies et d’inondations.
Mais dans ce qui pourrait bien être l’exemple le plus extrême des coûts gargantuesques à venir, on voit depuis cet été les compagnies d’assurance du monde entier signaler que les changements climatiques rendent de plus en plus de propriétés inassurables.
State Farm, la plus grande compagnie d’assurance habitation en Californie, a d’ailleurs annoncé qu’elle n’accepterait plus de nouveaux clients, entreprises comme particuliers, pour ses produits d’assurance de dommages.
Le groupe représentant les assureurs canadiens a pour sa part averti que « les tarifs pourraient monter en flèche, et les Canadiens pourraient voir leurs souscriptions refusées dans les zones où les phénomènes météorologiques extrêmes sont courants. »
En Australie, le coût d’une assurance habitation a augmenté de 28 % dans la dernière année selon l’Actuaries Institute, qui poursuit : « Si l’on en croit la science, les pressions sur l’abordabilité de l’assurance habitation risquent de continuer à s’aggraver avec les changements climatiques. »
Les propriétaires commencent à en ressentir les effets; au Royaume-Uni, plus de la moitié se sont dits inquiets des effets du climat sur les tarifs d’assurance.
Les événements de l’été suffiront-ils à convaincre tout le monde de la gravité de la situation? Bien sûr que non.
Mais un nombre record de personnes ont vu de leurs propres yeux les effets des changements climatiques, ce qui a déjà profondément transformé le discours public sur les coûts et les avantages des politiques climatiques.
D’après la pyramide des besoins de Maslow – une théorie de la motivation des comportements humains –, les facteurs comme la santé et la sécurité physiques sont de bien plus puissants motivateurs que les appréhensions intellectuelles.
Cet été, pour bien des gens, le climat est monté dans la pyramide de Maslow.
Sept personnes sur dix au Canada attribuent la récente vague de feux incontrôlés aux changements climatiques. Encore plus concret, quatre personnes sur cinq (83 %) disent que la fumée a eu des conséquences sur leur été, dont la moitié (44 %) graves ou fort perturbatrices.
S’il n’y a pas plus canadien que de parler de météo, ce sujet de conversation s’est imprégné cet été et cet automne d’une angoisse qui ne s’estompera pas de sitôt.
Il reste deux étés avant la prochaine élection fédérale garantie, et les attentes sont on ne peut plus claires : les Canadiens s’inquiètent des changements climatiques et attendent du gouvernement qu’il agisse pour les protéger. Les inquiétudes ne feront que s’amplifier.
Aux décideurs d’agir.